Sculpter la pierre à savon, une forme de thérapie en détention

Au Centre de guérison correctionnel d’Aaqqigiarvik, à Iqaluit, des détenus passent des heures à sculpter la pierre à savon, un art que certains maîtrisent depuis l’enfance, tandis que d’autres s’y familiarisent pour la première fois. Depuis 2015, l’établissement pilote un programme destiné à les aider à renouer avec la culture inuit.

Enveloppés dans un nuage de poussière, trois détenus sont concentrés sur leur tâche consistant à couper, à poncer et à graver des sculptures en devenir. Les sons produits par leurs outils s’entremêlent à la mélodie d’une chanson retransmise sur une petite radio.

Tout au long de l’année, ils ont l’habitude de passer de longues heures dehors dans cette ambiance sonore tout aussi sereine qu’assourdissante.

L’un d’entre eux, Mathewsie Kingwatsiak, peaufine les dernières courbes de sa plus récente création. C’est un ours polaire qui danse, explique-t-il, en montrant les différents angles de sa sculpture.

Le sculpteur originaire de Kinngait, une communauté reconnue pour ses artistes visuels, sculpte depuis une quinzaine d’années : Les sculptures de danseurs de tambour et de chasseurs sont celles que je préfère faire, parce que ce sont les plus difficiles.

Mathewsie Kingwatsiak transmet aujourd’hui ses connaissances avec des détenus moins expérimentés qui souhaitent faire leurs débuts en sculpture. « J’ai appris à un des détenus à sculpter des baleines […] et à un autre à faire des ours polaires. Ils y sont tous les deux arrivés, et maintenant, ils sont capables de sculpter. »

C’est assez amusant, affirme-t-il. J’essaye de les faire rire parce que cela nous permet vraiment de passer le temps.

Depuis qu’il a intégré le programme en 2017, Mathewsie Kingwatsiak estime avoir confectionné plusieurs centaines de sculptures. Une fois terminées, elles sont vendues au public dans le bâtiment principal du centre correctionnel. Le sculpteur garde ensuite les bénéfices pour des membres de sa famille.

Originaire de la collectivité de Kinngait, sur l'île de Baffin, Mathewsie Kingwatsiak sculpte depuis l'âge de 16 ans. Photo : Radio-Canada / Matisse Harvey
Originaire de la collectivité de Kinngait, sur l’île de Baffin, Mathewsie Kingwatsiak sculpte depuis l’âge de 16 ans. Photo : Radio-Canada / Matisse Harvey

Chaque sculpteur reçoit 80 % des ventes, les 20 % restants servant à financer le programme de sculpture, comme [l’achat] de matériel, d’outils, de papier émeri […] et de pierre à savon, explique la gestionnaire de cas au Centre de guérison correctionnel d’Aaqqigiarvik, Lisa Churchill.

Le programme a lieu toute la journée, du lundi au vendredi, sur une période de six semaines consécutives. Puisque les places sont limitées, ceux qui l’ont terminé laissent généralement leur place à d’autres, mais Lisa Churchill indique que des détenus ont la possibilité de prendre part au programme à plusieurs reprises.

Selon elle, plus de 200 d’entre eux y ont participé depuis sa création, en 2015.

Lisa Churchill affirme que le programme favorise une réinsertion positive des détenus et leur donne l’occasion de renouer avec la culture inuit. Elle ajoute qu’il facilite le mentorat, ce qui contribue à renforcer le leadership et la patience des participants.

« La sculpture est thérapeutique pour les clients. Elle calme leur esprit pendant qu’ils se trouvent loin de leur famille, de leurs proches et de leurs amis », explique Lisa Churchill.

En inuktitut, Aaqqigiarvik fait référence à un lieu de soutien pour progresser dans la vie. Le centre correctionnel comporte des unités de sécurité minimale, moyenne et maximale.

L’établissement offre aussi d’autres programmes axés sur la guérison et le développement de compétences, dont l’un porte sur la culture inuit. Les détenus apprennent notamment à confectionner des outils traditionnels, comme des uluit (couteaux traditionnels inuit) et des qamutiik (traîneaux de bois).

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Matisse Harvey, Radio-Canada

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