La réalité de la crise du logement dans le Grand Nord canadien
Une résidente de Whatì, une communauté située sur le territoire tłı̨chǫ, aux Territoires du Nord-Ouest, ne sait plus vers qui se tourner pour de l’aide, alors que le manque de logement force trois générations, soit douze personnes, à vivre entassées dans sa maison de trois chambres à coucher.
Jacqueline Williah n’aurait jamais cru qu’un jour sa modeste maison, où elle a emménagé en 1994, deviendrait la résidence de 12 personnes.
Chaque chambre à coucher compte de deux à trois matelas posés au sol, alors qu’un lit de fortune est installé dans le salon.
C’est dans cette maison, qui n’avait à l’origine que deux chambres à coucher, que Jacqueline a élevé ses six enfants avec son mari de l’époque. Un deuxième étage et une chambre ont été ajoutés pour apporter plus d’espace.
Le manque de logements dans la communauté fait en sorte que ses enfants, âgés de 17, 19, 21, 25, 27 et 30 ans, vivent encore sous son toit. Trois petits-enfants se sont ajoutés, et le frère de Jacqueline a aussi emménagé dans la maison.
Six adultes et deux enfants se partagent deux pièces au deuxième étage, tandis que les quatre autres sont au rez-de-chaussée. Jacqueline Williah dit que cet environnement est stressant et l’empêche de dormir.
Elle ajoute que les enfants ont de la difficulté à faire leurs devoirs dans cet environnement. « Ils ne savent pas quoi faire, où faire leurs devoirs. Alors ils ne les font presque jamais. »
De plus, les factures de services publics sont élevées. En hiver, la facture d’électricité peut atteindre 700 $ par mois. « C’est toujours difficile pour moi », dit Jacqueline Williah, qui est fatiguée et à bout de ressources.
934 demandes sur la liste d’attente
Le manque de logements est un problème qui perdure aux Territoires du Nord-Ouest.
En mars, l’une des membres associés du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes, la députée albertaine Shannon Stubbs, avait qualifié la situation du logement dans le Nord d’« échec humanitaire colossal » lors d’une rencontre se penchant sur les effets du manque de logements chez les Autochtones.
Les députés territoriaux soulèvent régulièrement cette question durant les séances de l’Assemblée législative.
Selon Habitation Territoires du Nord-Ouest, il y a 934 demandes sur une liste d’attente.
À Whatì, une communauté de 543 personnes, selon le recensement de 2021, 45 maisons privées sur un total de 143 comptent cinq résidents ou plus. Treize personnes sont en attente d’un logement à Whatì, et plus de 160 le sont dans la région de Tłı̨chǫ, sans compter Yellowknife.
Selon un porte-parole d’Habitation Territoires du Nord-Ouest, les listes d’attente ne sont pas un bon indicateur des besoins en logements d’une communauté, car certaines personnes font des demandes auprès d’autres programmes.
Jacqueline Williah dit que deux de ses enfants ont fait des demandes pour un logement, mais qu’il n’y a rien de disponible dans la communauté. Son conjoint, Richard Wetrade, partage ses inquiétudes.
Le gouvernement territorial à la recherche de solutions
La ministre territoriale responsable d’Habitation Territoires du Nord-Ouest, Paulie Chinna, reconnaît qu’il y a un problème de surpopulation dans les logements des communautés.
« C’est vraiment malheureux », dit-elle. « Nos besoins en logements sont vraiment uniques, je pense, par rapport au reste du Canada. Nous faisons face à des dynamiques différentes, qui vont des changements climatiques à la livraison de matériaux, en passant par le renforcement des capacités dans les petites communautés. »
Selon la ministre, le gouvernement territorial ne peut pas à lui seul résoudre la crise du logement et son gouvernement donne la priorité à la collaboration avec les gouvernements autochtones.
En août, le gouvernement tłı̨chǫ a annoncé avoir reçu 42 millions de dollars du fédéral pour l’installation de 26 maisons modulaires dans les communautés tłı̨chǫ, ce qui représente 60 nouveaux logements.
Le nombre de ces maisons qui seront installées à Whatì n’est pas encore connu, mais l’agente principale d’administration de la communauté, Lisa Nitsiza, a confirmé qu’une nouvelle subdivision sera aménagée dans les prochaines années.
Avec les informations de Jenna Dulewich
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