Des éducateurs de la petite enfance francophones de Yellowknife plongent actuellement dans une série d’expériences portant sur les peuples autochtones et la réconciliation. Cette formation unique, offerte par le Collège nordique francophone, permettra d’enseigner la réconciliation aux tout-petits en garderie.
IntituléeGonàowoó Dehshe, ounotre mode de vie grandit en langueTłı̨chǫ, cette formation entièrement en français d’une durée de trois jours est le fruit d’une collaboration entre le Collège nordique francophone et des experts culturels autochtones et en petite enfance.
Le premier jour, les participants ont pris part à l’exercice des couvertures, où la relation entre les premiers peuples et les pays colonisateurs est revisitée, à travers le regard des Autochtones. Beaucoup d’émotions ont été ressenties à l’écoute de témoignages de survivants des pensionnats pour Autochtones. Sarah Mbau, éducatrice à la garderie Plein Soleil, a été remuée par cette expérience.
« Franchement, ce matin, c’était vraiment très émotionnel. J’ai senti l’émotion et j’ai mal par rapport à l’histoire des peuples autochtones et tout ce qu’ils ont vécu », dit Sarah Mbau.
La journée s’est terminée par une marche médicinale aux alentours deYellowknife, guidée parLeila Fraser Erasmus, l’une des expertes autochtones dont les services ont été retenus pour mettre sur pied la formation.On a sollicité mes connaissances afin que le matériel [pédagogique] sur les Autochtones soit conçu par des Autochtones, explique-t-elle.On a voulu créer une formation portant sur les perspectives et la vision du monde autochtones.
Commencer dès le plus jeune âge
La deuxième journée de formation tourne autour d’expériences typiquement autochtones, comme le filetage de poissons sur un site traditionnel. Loin des salles de classe et des manuels scolaires, c’est sur le terrain que le savoir autochtone est transmis aux participants.
On est en train de montrer aux gens qu’on ne va pas les former de la même façon qu’ils sont habitués à être formés, indique Marie-France Lanteigne, directrice de la formation et de la réussite étudiante au Collège nordique francophone.Avec les Dénés des Territoires du Nord-Ouest, on a décidé de procéder avec leur façon d’enseigner dès le plus jeune âge.
Leila Fraser Erasmusabonde dans le même sens.On est en train de créer un espace où on va enseigner aux éducateurs comment nos aînés nous ont formés, dit-elle.
Ensuite, début février, ce sera à la garderie même que les concepts enseignés seront adaptés en activités pédagogiques pour les tout-petits. Pour Lucille Lévy, gestionnaire de projets au Collège nordique francophone, c’est à ce moment que la formation prendra tout son sens.
« Les premières journées de formation, c’est pour nous, les adultes, mettre nos pieds dans la culture et comprendre l’histoire, donc on ne va pas voir le lien avec la petite enfance tout de suite, mais on a besoin de cette base », dit Lucille Lévy.
Autre approche unique, ce sont les éducatrices qui développeront les fiches pédagogiques axées sur le savoir traditionnel, guidées par les experts culturels autochtones.
Sarah Mbau croit que c’est à travers les contes qu’on peut arriver à faire passer un concept complexe et difficile comme la réconciliation à des tout-petits.Il faut avoir une approche qui ne soit pas vraiment émotionnelle avec les enfants, car ça peut les [perturber].
Première fois en français
C’est un sentiment de réussite qui habite les organisateurs de la formation au terme de la première journée.On voit qu’il y a une ouverture, les gens veulent apprendre, alors c’est positif, constate Marie-France Lanteigne.
Cette réussite a aussi été rendue possible en trouvant des solutions à la barrière des langues. Deux interprètes ont simultanément traduit les interventions dans les deux langues officielles, permettant aux participants francophones d’entrer en communication avec les experts et formateurs autochtones s’exprimant en anglais.
Le Collège a tenu à ce que la formation soit entièrement offerte en français, mais par les détenteurs du savoir traditionnel des Territoires du Nord-Ouest, qui s’expriment majoritairement en anglais.On veut transmettre du savoir-faire déné à des francophones, mais on ne veut pas que ce soit des non-Autochtones qui livrent la formation, conclut Lucille Lévy.
Pour le moment, cette formation n’est offerte qu’aux éducateurs francophones des Territoires du Nord-Ouest. Le Collège espère toutefois l’offrir à des éducateurs anglophones et l’adapter à d’autres domaines d’activités.