Arctique : un procès teste les limites de la souveraineté de la Norvège sur le Svalbard

Les montagnes de la région de Ny-Ålesund, au Svalbard (archives) (Anna Filipova/Reuters)

La Cour suprême norvégienne a entamé mardi l’examen d’une affaire sensible et possiblement déterminante pour le contrôle des ressources autour de l’archipel stratégique du Svalbard dans l’Arctique.

Le dossier oppose l’armateur letton SIA North STAR à l’État norvégien. Le premier reproche au second de lui avoir refusé en 2019 un permis de pêche du crabe des neiges sur le plateau continental autour du Svalbard.

Au cœur de l’affaire, deux interprétations différentes du « Traité concernant le Spitzberg », ovni juridique signé à Paris en 1920.

Cet accord reconnaît « la pleine et entière souveraineté de la Norvège » sur le Svalbard, mais accorde aussi aux ressortissants des parties contractantes le droit d’y exploiter les ressources naturelles « sur un pied de parfaite égalité ».

C’est à ce titre que la Russie maintient une communauté minière sur ce territoire qui, situé à équidistance entre le continent européen et le pôle Nord, contribue à commander l’accès de sa puissante Flotte du Nord vers l’océan Atlantique.

De même, SIA North STAR estime que ses navires devraient pouvoir pêcher le crabe des neiges au large de l’archipel alors que la Norvège réserve ce droit à des bateaux norvégiens.

Quasiment seul contre tous les autres signataires du traité une quarantaine d’États, dont la Lettonie, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni ou encore la Russie , le pays scandinave fait une interprétation restrictive du traité qui, dans sa formulation, couvre les îles du Svalbard et « leurs eaux territoriales ».

« Selon l’usage international ordinaire, les eaux territoriales désignent une zone maritime […] de 12 milles marins », a fait valoir le représentant de l’État norvégien, Fredrik Sejersted.

Au-delà, sur un plateau continental qui pourrait aussi receler d’autres ressources comme des hydrocarbures ou de précieux nodules polymétalliques, la Norvège serait donc libre d’exercer ses droits exclusifs d’État côtier.

La grande majorité des autres parties contractantes estiment pour leur part que, dans l’esprit de l’accord, l’égalité de traitement des États signataires devrait valoir pour l’ensemble du plateau continental autour du Svalbard, un concept juridique qui n’existait pas en 1920.

« Quand personne, pas même les plus proches alliés de la Norvège, ne soutient l’interprétation de la Norvège, c’est parce que cette interprétation est erronée », a souligné l’avocat de l’armateur letton, Hallvard Østgård, dans sa procédure.

« Pour faire simple, la question dans cette affaire est la suivante : avons-nous [Norvégiens, NDLR] le droit d’exploiter seuls toutes les ressources maritimes […] ou doit-on les partager avec la communauté internationale? » a-t-il dit au journal Aftenposten.

Signe de son importance, l’affaire va être examinée pendant quatre jours par tous les juges de la Cour suprême réunis en plénum et retransmise en direct sur le site de la plus haute instance judiciaire du pays.

En première instance et en appel, SIA North STAR avait été débouté.

En 2019, la Cour suprême avait aussi confirmé une amende infligée à l’armateur, sans toutefois se prononcer sur cette délicate question.

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