Industrie minière : un nouveau projet ferroviaire dans le Grand Nord canadien

Une vue aérienne de la mine de fer Mary River, de Baffinland Iron Mines, qui pourra poursuivre sa production de 6 millions de tonnes d’ici la fin de l’année 2023. (Baffindland Iron Mine Corp.)
Quelques mois après le rejet par Ottawa du projet d’expansion de la mine Mary River, dans l’est du Nunavut, l’entreprise Baffinland souhaite ressusciter un projet ferroviaire visant à acheminer le minerai de fer du site minier jusqu’à Steensby Inlet, à environ 150 kilomètres vers le sud.

La compagnie affirme que ce projet est nécessaire pour garantir l’avenir de la mine Mary River, située à 176 kilomètres de la communauté de Pond Inlet. Il comprend la construction d’un port pour l’acheminement du minerai à travers le bassin de Foxe et le détroit de l’Hudson.

Le président-directeur général de l’entreprise, Brian Penney, en a fait l’annonce lors d’une allocution à la foire commerciale et conférence Aurores Boréales 2023, qui s’est déroulée du 7 au 11 février à Ottawa. « C’est essentiel non seulement pour la durabilité des opérations de Mary River, mais aussi pour s’assurer que le Nunavut a un pied dans [le] virage vert mondial », a-t-il affirmé.

P.J. Akeeagok, le premier ministre du Nunavut, dit avoir pris connaissance du projet alors qu’il se trouvait dans le public. Il affirme être ouvert « à l’exploitation minière durable au Nunavut » et faire confiance aux protocoles établis dans l’Accord sur les revendications territoriales du Nunavut. « Ce sont vraiment ces mécanismes qui permettent aux membres des communautés de faire entendre leurs inquiétudes, s’il y a lieu », dit-il.

La mine Mary River, sur l’île de Baffin, est située près de Pond Inlet. (Nick Murray/CBC)

Si elle obtient les fonds nécessaires pour financer ce projet, Baffinland espère commencer les travaux d’ici la fin de 2023.

« Nous devons encore soumettre des demandes de permis […], notamment des autorisations en vertu de la Loi sur les pêches pour les infrastructures ferroviaire et portuaire », dit le porte-parole de Baffinland, Peter Akman, dans un échange de courriels.

Il ajoute que des programmes de surveillance environnementale déjà en place seront étendus au Sud et qu’il y en aura des nouveaux, portant notamment sur la surveillance des morses. « Depuis 2021, nous recueillons des données de référence sur les poissons et leur habitat pour appuyer nos demandes. »

Steensby Inlet, une solution de rechange?

Le projet ferroviaire vers Steensby Inlet ne date pas d’hier. En 2012, le gouvernement fédéral a donné le feu vert à l’entreprise pour acheminer annuellement 18 millions de tonnes de minerai de fer par l’entremise d’un chemin de fer d’environ 150 kilomètres.

À l’époque, l’entreprise avait toutefois décidé de ne pas aller de l’avant, faute d’investisseurs. Le président-directeur général de Baffinland soutient que les ressources extraites au cours des cinq dernières années ont atteint un niveau capable de soutenir un investissement de cette ampleur.

« La route vers le sud passant par Steensby Inlet a déjà été approuvée dans le cadre du processus d’examen approprié et nous sommes encouragés par l’engagement continu de Baffinland avec les communautés locales et les partenaires inuit », a fait savoir le cabinet du ministre des Affaires du Nord, Daniel Vandal, dans un échange de courriels.

L’entreprise Baffinland souhaite construire un chemin de fer pour acheminer le minerai jusqu’à Steensby Inlet, à environ 150 kilomètres de sa mine Mary River. Le projet requiert aussi la construction d’un port pour transporter le minerai par bateau. (Radio-Canada)

Au mois de novembre, Daniel Vandal s’est opposé au projet d’expansion de l’entreprise Baffinland visant à doubler sa production de minerai de fer dans la mine Mary River.

L’entreprise Baffinland souhaitait faire passer sa production de minerai de 6 à 12 millions de tonnes par an, ce qui exigeait la construction d’un chemin de fer d’environ 110 km pour acheminer le minerai entre le site minier et le port de Milne Inlet, situé plus au nord. Elle affirmait que, à défaut, elle devrait mettre sa mine en état d’entretien et de maintenance.

Des réactions mitigées

Norman Inootik, un chasseur de Pond Inlet, était soulagé d’apprendre que Baffinland s’intéressait désormais au secteur de Steensby Inlet. « Les animaux dans cette région, dont les morses, ne seront pas autant perturbés », dit-il en inuktitut. « Lorsqu’il y a trop de pollution sonore sous les eaux, ils ont l’option de se déplacer sur la glace ou sur la terre ferme. »

Il s’inquiète des conséquences actuelles du trafic maritime sur les populations de narvals dans le passage maritime Tasiujaq (ou détroit d’Éclipse), près du port de Milne Inlet. « Les narvals ne peuvent pas passer, car les navires leur bloquent la route », dit-il. « Ils s’agglutinent donc en groupe en attendant le départ des navires. »

La députée fédérale du Nunavut, Lori Idlout, se montre quant à elle peu favorable au projet ferroviaire de Steensby Inlet. « Compte tenu des tendances passées [de Baffinland], je crains vraiment qu’il y ait plus d’effets néfastes sur l’environnement », affirme-t-elle. Elle s’inquiète notamment de l’impact du futur chemin de fer sur les populations de caribous.

Je pense qu’il y a un problème. On parle beaucoup de diversité, mais on ne se donne pas forcément les moyens de faciliter cette diversité-là.Lori Idlout, députée fédérale du Nunavut

Joint par téléphone, l’Association des chasseurs et des trappeurs d’Igloolik, la communauté la plus proche de Steensby Inlet, confirme être au courant des plans de Baffinland, mais affirme avoir besoin de plus de temps pour examiner le projet en détail avant de se prononcer.

Avec des informations de Teresa Qiatsuq

Matisse Harvey, Radio-Canada

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