Comprendre comment les anciens grands herbivores ont modifié la végétation arctique
Une mission scientifique de l’Université du Maine veut déterminer comment la diversité de la « mégafaune phytophage » a influé sur la végétation de l’Arctique au cours des 150 000 dernières années.
À la tête du projet, Alessandro Mereghetti, un étudiant en doctorat en écologie et en sciences de l’environnement qui ne cache pas ses intentions afin de faire « progresser la compréhension fondamentale, au niveau des processus et des systèmes, de l’environnement naturel et des systèmes sociaux et culturels de l’Arctique, qui évoluent rapidement, et, le cas échéant, à améliorer notre capacité à prévoir les changements futurs ».
Les experts expliquent que les « méga-herbivores » tels que le caribou, le bison et le bœuf musqué favorisent le cycle des nutriments, la croissance des plantes et la diversité dans l’Arctique en s’alimentant et en piétinant dans toute la région. « Par conséquent, ces animaux réduisent également la concurrence entre les espèces végétales, le dégel du pergélisol et l’apparition d’arbustes, autant d’éléments qui peuvent contribuer à protéger la végétation arctique des effets du changement climatique. »
L’Arctique abritait autrefois une grande variété d’espèces de méga-herbivores, notamment des mammouths laineux, des chevaux sauvages, des rhinocéros laineux et des antilopes adaptées au froid, jusqu’à la fin de la dernière période glaciaire, au cours de laquelle la majorité d’entre eux ont disparu.
« Grâce à ses recherches, M. Mereghetti espère découvrir si la présence d’un groupe plus diversifié de méga-herbivores il y a des milliers d’années – par opposition à quelques espèces seulement aujourd’hui – a conféré à la végétation arctique une plus grande stabilité et une meilleure résistance au changement climatique de l’époque », indique l’université.
Le « Serengeti de l’ère glaciaire »
De son côté, M. Mereghetti souligne que l’examen de l’étendue de l’influence des méga-herbivores sur la vie végétale de l’Arctique dans le passé pourrait aider les scientifiques à mieux comprendre la dynamique actuelle, d’autant plus que certains chercheurs suggèrent de réintroduire certains méga-herbivores dans la région comme moyen possible de gérer la végétation, le dégel du pergélisol et les émissions de carbone.
« Apprendre comment les écosystèmes nordiques ont fonctionné dans le passé peut nous donner des indices sur de nouvelles stratégies de gestion pour relever les défis de l’avenir qui nous attendent », ajoute-t-il
L’étude de M. Mereghetti, réalisée en collaboration avec Jacquelyn Gill, professeure associée de paléoécologie et d’écologie végétale à l’école de biologie et à l’Institut d’écologie et de changement climatique de l’Université du Maine, portera sur le lac Squirrel, situé dans la région extrême nord de l’Alaska, au cœur du cercle polaire.
Le chercheur précise que la région faisait partie de ce qui était autrefois le biome le plus étendu de la planète : la steppe à mammouths. Elle s’étendait sur la majeure partie de l’Europe, la Sibérie, l’Alaska et le Yukon, jusqu’à sa disparition il y a 10 000 ans.
Selon M. Mergehetti, la diversité biologique de la steppe à mammouths, que l’on appelle aussi le « Serengeti de l’ère glaciaire », et sa persistance à travers des millénaires de transitions climatiques et écologiques en font un « système modèle pour comprendre l’impact des méga-herbivores sur les communautés végétales de l’Arctique dans le cadre du changement climatique ».