Dans le Grand Nord canadien, le défi imposant de la gestion de l’eau

À défaut d’avoir un système souterrain, chaque bâtiment de Kuujjuaq dispose d’une citerne intérieure, qui est remplie régulièrement par les équipes municipales. (Félix Lebel/Radio-Canada)
Malgré une récente bonification de l’enveloppe offerte par Québec pour le développement des infrastructures municipales au Nunavik, les défis restent entiers pour l’Administration régionale Kativik (ARK), qui doit gérer des projets complexes d’approvisionnement en eau, en raison de l’absence de systèmes souterrains ou de coûts de réparation importants.

À l’exception de Kuujjuarapik, près de la baie d’Hudson, l’ensemble des communautés du Nunavik ne disposent pas d’aqueducs souterrains. L’eau est plutôt acheminée par camion dans toutes les maisons et tous les bâtiments des communautés.

Au volant d’un de ces camions-citernes municipaux, à Kuujjuaq, le chef d’équipe Billy Watt est fier d’être au service de ses concitoyens.

Davidee Sequàluk et Billy Watt au volant d’un camion-citerne municipal. (Félix Lebel/Radio-Canada)

« Travailler pour la municipalité, c’est un plaisir! On aide la communauté. C’est un métier respecté ici, parce que, si on n’était pas là, qui livrerait l’eau? », explique Billy Watt, en chemin pour remplir la citerne de l’Hôpital de Kuujjuaq.

Un court trajet en camion dans les chemins cahoteux du village permet de constater à quel point ces véhicules sont mis à rude épreuve.

La suspension de ce mastodonte de 25 000 litres craque à chaque nid-de-poule révélé par la fonte de la neige.

Chaque municipalité possède une flotte de camions-citernes de la sorte, qui doivent être remplis dans une usine de traitement d’eau. (Radio-Canada)

« Cela endommage vraiment les camions! Ils ne sont pas faits pour rouler sur des chemins aussi difficiles », ajoute Billy Watt.

Heureusement, la Municipalité de Kuujjuaq a assez de mécaniciens pour entretenir sa flotte de véhicules. En tout, 78 personnes travaillent dans ce département de la distribution d’eau et de la collecte des eaux usées.

Dans d’autres communautés, le portrait est toutefois moins reluisant, et le manque de main-d’œuvre qualifiée a un impact sur la fiabilité du service.

Kuujjuaq dispose de plusieurs mécaniciens pour entretenir les véhicules municipaux, qui subissent une usure prématurée en raison des chemins cahoteux de la région. (Félix Lebel/Radio-Canada)
Des coûts astronomiques pour réparer les infrastructures

La communauté d’Ivujivik, le village le plus au nord du Nunavik, en est un triste exemple. La conduite qui relie la source d’eau du village et l’usine de traitement a cédé durant l’hiver 2021 sous l’effet du gel.

La livraison d’eau s’étant considérablement ralentie, les résidents sont approvisionnés au compte-gouttes avec l’eau d’un lac, dans laquelle des équipes ajoutent manuellement du chlore.

« Nous devons la faire bouillir pendant 20 minutes. La population trouve cela offensant. Les gens l’utilisent seulement pour la vaisselle, le lavage et pour tirer la chasse d’eau », raconte le maire d’Ivujivik, Adamie Kalingo.

Plusieurs résidents vont plutôt boire l’eau d’une rivière avoisinante, rejetant l’eau chlorée qui leur est fournie.

Toutefois, après deux ans, Ivujivik peut enfin voir la lumière au bout du tunnel.

L’usine de traitement des eaux d’Ivujivik est hors service depuis plus de deux ans. (Thomassie Mangiok/Archives)

L’ARK a finalement pu attribuer un contrat pour réparer la conduite d’Ivujivik d’ici l’automne. Il aura fallu faire deux appels d’offres, qui n’ont attiré qu’un seul soumissionnaire, avec un prix 10 fois supérieur à ce qui était prévu.

« Les chiffres sont astronomiques! J’ai peine à y croire. Le coût de construction pour nos édifices commerciaux est environ de 5 à 7 fois plus élevé par rapport à Montréal, par exemple », explique le directeur des travaux municipaux de l’ARK, Hossein Shafeghati.

Son équipe et lui travaillent sans relâche pour trouver des solutions innovantes, à un coût raisonnable, mais le faible nombre d’entrepreneurs et les budgets serrés freinent leurs élans.

Hossein Shafeghati et son équipe s’occupent de la gestion des projets d’infrastructures municipales dans les 14 communautés du Nunavik. (Radio-Canada)

« Avec ce manque de financement, on doit s’en tenir au strict minimum. On manque donc de solutions de rechange quand les choses se gâtent. Et, quand tu as de l’eau dans des tuyaux à -40 ou -50 degrés, ça peut vite mal tourner », ajoute Hossein Shafeghati.

Aide de Québec

Lundi, le ministre responsable des Relations avec les Premières Nations et les Inuit, Ian Lafrenière, était de passage à Kuujjuaq.

Il en a profité pour renouveler et bonifier l’entente avec Kativik pour les infrastructures publiques, qui totalise 163 millions de dollars sur cinq ans.

Québec a bonifié de 43 millions de dollars l’entente avec Kativik pour les infrastructures publiques. (Félix Lebel/Radio-Canada)

Il est bien conscient des limites de ce budget, mais estime que c’est un pas dans la bonne direction. Il a ajouté que d’autres solutions en parallèle doivent être apportées pour régler le problème de l’approvisionnement en eau.

« D’avoir des gens qui sont formés, des gens qui sont locaux, c’est vraiment une bonne solution. C’est pour ça qu’on travaille entre autres avec la commission scolaire Kativik pour avoir des ressources locales, pour être moins dépendants des ressources externes », dit-il.

La présidente de l’ARK, Hilda Snowball, n’a pas caché ses réserves face à l’entente.

Hilda Snowball estime qu’il faudrait plus d’investissements pour réellement régler les problèmes d’acheminement en eau dans les communautés. (Félix Lebel/Radio-Canada)

« J’apprécie cette enveloppe, mais je ne suis pas satisfaite. La population du Nunavik grossit, nous devons nous assurer du développement de chaque communauté, afin que les résidents reçoivent les services auxquels ils ont droit », indique-t-elle.

Hilda Snowball ajoute qu’il faudrait plus d’engagement des gouvernements pour améliorer la fiabilité des infrastructures et, au bout du compte, la qualité de vie de ses concitoyens nunavimmiut.

Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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