Le réchauffement de l’Arctique menace de jeter un froid sur les rencards des écureuils

Comme de nombreux animaux dans l’Arctique, ces écureuils ont évolué pour s’adapter à la rigueur de l’hiver dans cette région. (Jeffrey Lane)

Lorsque l’hiver s’installe, les écureuils de l’Arctique creusent profondément dans le sol pour commencer leurs huit mois d’hibernation, avant de réapparaître à la surface au printemps, affamés et impatients de se reproduire.

Des scientifiques étudiant ces rongeurs ont toutefois découvert une conséquence surprenante du changement climatique : avec la hausse des températures, les femelles de cette espèce ont progressivement décalé le moment où elles sortent d’hibernation, désormais avancé de 10 jours par rapport à il y a un quart de siècle.

Les mâles, eux, n’ont pas changé leur date de réveil, ce qui menace de compliquer les rencards de ces petites bêtes, selon une étude publiée jeudi dans la revue Science.

Par le passé, les mâles sortaient d’hibernation un mois complet avant les femelles, ce qui laissait le temps à leurs testicules, qui se rétractent chaque automne, de redescendre et de retrouver leur état normal. Mais cet intervalle se rétrécit peu à peu.

« Si cela continue, les femelles vont émerger avant que les mâles soient complètement matures pour la reproduction », explique à l’AFP Cory Williams, coauteur de l’étude et biologiste à l’Université d’État du Colorado.

Comme de nombreux animaux dans l’Arctique, ces écureuils (Urocitellus parryii) ont évolué pour s’adapter à la rigueur de l’hiver.

Ils hibernent durant environ huit mois par an, en creusant à environ un mètre de profondeur dans le sable au bord des rivières.

Leur température corporelle chute alors d’environ 37 °C à -3 °C, l’une des plus basses chez les mammifères, et ils ralentissent considérablement l’activité de leur cerveau, de leurs poumons, de leur coeur et d’autres organes. Un état appelé « torpeur ».

Pour l’étude, les chercheurs ont analysé la température de l’air et du sol sur deux sites, ainsi que les températures abdominale et cutanée de 199 écureuils sur la même période.

Ils ont constaté une hausse importante de la température ambiante, comme attendu dans cette région qui subit le changement climatique de plein fouet, avec un réchauffement quatre fois plus rapide que le reste du globe.

« La température minimum du sol en hiver est plus élevée. Il ne fait plus si froid, dit Cory Williams. Et nous voyons aussi un changement dans le gel et le dégel de la terre. Les sols gèlent aujourd’hui plus tard et dégèlent plus tôt. »

Cela a eu deux effets sur les écureuils.

Même s’ils entrent en hibernation à la même période, le moment auquel leur température corporelle descend sous zéro a été retardé, ce qui reporte aussi le déclenchement d’un processus leur demandant beaucoup d’énergie : la production de chaleur destinée à éviter la mort de certains tissus biologiques.

De plus, les femelles terminent leur hibernation plus tôt, au début du dégel au printemps.

Pourquoi ce réveil précoce n’affecte-t-il que les femelles? Il n’y a rien de sûr, mais les scientifiques ont leur théorie. Elles semblent davantage sensibles aux conditions extérieures que les mâles, plus contrôlés par leurs niveaux de testostérone, en hausse à l’approche de la période de reproduction.

Ces changements présentent aussi des avantages puisque les femelles se réveillent plus dodues qu’avant. Elles peuvent se nourrir plus tôt de racines, de baies ou de graines. Cela leur permet de donner naissance à des portées en meilleure santé, avec un meilleur taux de survie.

Cela signifie aussi qu’elles sont exposées plus longtemps à leurs prédateurs (aigles, renards, loups…), en plus des perturbations dans leurs interactions sexuelles.

Des conséquences en amont de la chaîne alimentaire sont aussi envisageables, si leurs prédateurs s’habituent à des proies disponibles plus tôt et avancent en retour leur propre période de reproduction. L’impact général est alors difficile à prédire.

« Quoiqu’il en soit, ces travaux fournissent la preuve que le changement climatique peut avoir des conséquences directes sur un écosystème, en une période relativement réduite », souligne Helen Chmura, auteure principale de l’étude.

« Nous avons travaillé sur 25 ans de données, ce qui est assez long pour une étude, mais très court en écologie. Nous avons des preuves d’effets sur l’écosystème à l’échelle d’une vie humaine, y compris de jeunes gens », a-t-elle dit à l’AFP.

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