Le plancton révèle l’existence d’un ancien océan libre de glace en Arctique
La glace de mer arctique fond rapidement sous l’effet du réchauffement climatique. Les scientifiques s’attendent à ce que la glace de mer d’été disparaisse complètement au cours de ce siècle. Pour mieux saisir la dynamique du climat dans un monde sans glace de mer arctique, des chercheurs en géologie marine de l’Université de Stockholm ont étudié le passé géologique de la région.
En analysant le contenu en microfossiles de carottes de sédiments, les experts suédois ont découvert qu’une espèce subpolaire associée à l’eau de l’Atlantique s’est étendue loin dans l’océan Arctique au cours de la dernière période interglaciaire, soit entre 129 000 et 115 000 ans avant notre ère. Cela signifie que les étés dans l’Arctique étaient exempts de glace pendant cette période, assure l’étude publiée dans la revue Nature Geoscience.
« Le dernier interglaciaire est une période intéressante à étudier, car c’est la dernière fois dans l’histoire de la Terre que les températures moyennes globales étaient similaires ou peut-être supérieures à celles d’aujourd’hui et que le niveau de la mer était considérablement plus élevé », a déclaré Flor Vermassen, chercheur à l’Université de Stockholm.
L’étude souligne toutefois que l’étendue de la glace de mer durant cette période a fait l’objet d’intenses débats, car il n’y a pas de consensus. Cela limite la compréhension de cette période et la capacité des chercheurs à la simuler dans les modèles climatiques.
Pour résoudre ce problème, l’équipe a analysé le contenu en microfossiles d’un ensemble de carottes de sédiments prélevées sur des sites qui se trouvent aujourd’hui directement sous les parties les plus épaisses de la banquise arctique.
Dans ces carottes, ils ont étudié la variabilité de l’occurrence et de la composition des « foraminifères planctoniques », un type de zooplancton unicellulaire flottant librement et construisant des coquilles, qui est sensible aux changements des conditions océanographiques et environnementales.
Les chercheurs ont trouvé en grand nombre des Turborotalita quinqueloba, une espèce typiquement subpolaire des eaux atlantiques, ce qui témoigne d’une expansion à grande échelle de l’espèce dans la partie centrale de l’océan Arctique, précise l’étude.
« La préférence écologique de cette espèce pour les eaux principalement libres de glace et saisonnièrement productives typiquement présente dans l’océan Atlantique suggère qu’elle suivait des conditions similaires qui s’étaient répandues dans la partie centrale de l’océan Arctique. »
Des observations « inquiétantes »
Le document ajoute que l’absence de glace de mer estivale et l’influence accrue des courants atlantiques dans le domaine arctique au cours du dernier interglaciaire sont analogues aux transformations océaniques observées aujourd’hui dans certaines parties de l’Arctique et désignées sous le nom d’« Atlantification » de l’océan Arctique.
Selon Flor Vermassen, la découverte que l’océan Arctique était saisonnièrement libre de glace pendant le dernier interglaciaire « est inquiétante » puisque cette période n’aurait été qu’environ 1,5 °C au-dessus des niveaux préindustriels, ce qui est comparable aux objectifs de l’Accord de Paris. « Pourtant, on estime que le niveau global de la mer était supérieur de plusieurs mètres au niveau actuel », dit-il.
Les experts proposent donc le dernier interglaciaire comme l’époque géologique la plus récente et potentiellement la plus pertinente pour étudier un océan Arctique saisonnièrement libre de glace, en particulier si les objectifs de l’Accord de Paris ne sont pas dépassés.
« Pour comprendre pleinement les conditions physiques et l’environnement de cet Arctique inconnu au cours du dernier interglaciaire, des reconstructions quantitatives supplémentaires de la température de la surface de la mer et d’autres paramètres de la masse d’eau sont nécessaires », conclut M. Vermassen.