Le dernier rempart de l’Arctique pourrait disparaître d’ici à la fin du siècle

Un peu d’eau libre aux abords de la dernière zone de glace; en arrière-plan, le brise-glace américain Healy. (Photo : Robert Newton/Lamont-Doherty Earth Observatory)

La « dernière zone de glace » de l’Arctique et son écosystème pourraient totalement disparaître d’ici à 2100 si les émissions de gaz à effet de serre ne diminuent pas, révèle une récente étude.

Située au nord du Groenland et des côtes de l’archipel Arctique canadien, cette zone d’environ un million de kilomètres carrés est constituée des glaces les plus épaisses et les plus anciennes de la région.

Elle est considérée par les scientifiques comme le dernier rempart de l’Arctique, là où la glace résiste le plus au réchauffement climatique et où plusieurs espèces se réfugient.

Cependant, des chercheurs de la Columbia Climate School, auteurs d’une récente étude publiée dans la revue scientifique Earth’s Future, prévoient que cette zone pourrait être dépourvue de glace d’ici à 2100 si rien n’est fait pour diminuer notre production de gaz à effet de serre.

En été, la surface de la banquise est déjà deux fois moins vaste qu’elle ne l’était au début des années 80, souligne l’étude.

De la glace de mer au nord de l’archipel arctique canadien. Cette photo a été prise depuis un brise-glace juste à l’extérieur de l’estimation de la « dernière zone de glace », sur laquelle il est pratiquement impossible de naviguer en bateau. (Photo : Robert Newton/Lamont-Doherty Earth Observatory)

Le meilleur des scénarios prédit dans le papier indique qu’il resterait une banquise de un à deux mètres d’épaisseur seulement contre quatre à six mètres aujourd’hui.

« Malheureusement, il s’agit d’une expérience massive que nous menons », regrette Robert Newton, auteur principal du papier.

« Si la glace disparaît, des écosystèmes entiers qui en dépendent s’effondreront et quelque chose de nouveau commencera. »

Robert Newton, auteur principal de l’étude

La « dernière zone de glace » constitue un refuge pour tout un écosystème allant d’organismes unicellulaires aux ours polaires. Sa disparition pourrait signer la fin de plusieurs espèces.

« Cela ne veut pas dire que ce sera un environnement stérile et sans vie », tempère M. Newton. « De nouvelles choses vont émerger, mais cela peut prendre un certain temps pour que de nouvelles créatures viennent s’implanter ».

Une fissure dans l’armure de l’Arctique

Déjà aujourd’hui, les scientifiques sont témoins de la fragilisation de ces glaces pluriannuelles.

En mai 2020, un large trou de plus de 3000 km2 est apparu pendant deux semaines au nord de l’île canadienne d’Ellesmere.

C’est la première fois que la communauté scientifique observe l’apparition d’une polynie, une zone qui reste dépourvue de glace au milieu de la banquise, à cet endroit, soulignent les auteurs de l’étude publiée dans le journal scientifique Geophysical Research Letters.

En mai 2020, une polynie de 3000 kilomètres carrés a été observée au nord de l’île d’Ellesmere pour la première fois. (Photo : NASA EOSDIS Worldview)
« Personne n’avait vu une polynie dans cette zone auparavant. »

Kent Moore, chercheur à l’Université de Toronto-Mississauga

« Au nord de l’île d’Ellesmere, il est difficile de déplacer la glace ou de la faire fondre parce qu’elle est épaisse et qu’il y en a beaucoup. Donc, nous n’avons généralement pas vu de polynies se former dans cette région auparavant », a déclaré par voie de communiqué Kent Moore, chercheur à l’Université de Toronto-Mississauga et auteur principal de l’étude.

Après avoir consulté plusieurs années de données satellites, le professeur Moore a toutefois découvert deux autres polynies, auparavant inconnues, qui sont apparues dans la même zone en 1998 et 2004.

La fissure a été provoquée par une tempête aux vents particulièrement violents qui a écarté la glace. Il s’agit là d’un phénomène courant, explique David Babb, un chercheur spécialisé dans la glace de mer à l’Université du Manitoba qui n’a pas participé à l’étude.

Légende : Une polynie se développe dans la « dernière zone de glace » au-dessus de l’île d’Ellesmere. La brèche dans la glace est restée ouverte pendant environ deux semaines en mai 2020 sous l’effet de vents particulièrement forts. (Photos : NASA EOSDIS Worldview)

Il rappelle cependant qu’il est très inhabituel de voir une banquise aussi épaisse que celle de la dernière zone de glace être balayée, surtout loin de la côte où les vents ont tendance à être plus faibles que près de la côte.

« La formation d’une polynie dans cette zone est vraiment intéressante. C’est une sorte de fissure dans le bouclier de cette couverture de glace solide qui caractérise cette zone », a déclaré M. Babb dans un communiqué.

« Le fait que cela se produise met vraiment, vraiment en évidence la façon dont l’Arctique change. »

L’océan Arctique et l’estimation de la « dernière zone de glace » (en rouge), au nord du Groenland et de l’archipel Arctique canadien. La partie hachurée en violet est la zone de protection marine de Tuvaijuittuq. Les lignes noires délimitent les zones économiques exclusives des nations arctiques. (Photo : Adapté de Newton et al., Earth’s Future, 2021)

Une lueur d’espoir

Mais il reste de l’espoir selon les scientifiques.

Si assez d’efforts sont mis en place dans les années à venir, la région pourrait résister assez longtemps pour que les températures recommencent à baisser et que la dernière zone de glace commence à se reconstituer.

Le Canada a d’ailleurs commencé en créant en 2019 la zone de protection marine de Tuvaijuittuq. Une zone de 320 000 kilomètres carrés, dans le territoire inuit du Nunavut, qui couvre le tiers central de la dernière zone de glace.

Cette zone est protégée contre l’exploitation minière, le transport et tout autre développement pendant cinq ans, le temps que le Canada envisage une protection permanente.

Mathiew Leiser, Regard sur l'Arctique

Né dans le sud de la France d'une mère anglaise et d'un père français, Mathiew Leiser a parcouru le monde dès son plus jeune âge. Après des études de journalisme international à Londres, il a rapidement acquis différentes compétences journalistiques en travaillant comme journaliste indépendant dans divers médias. De la BBC à l'Agence France Presse en passant par l'agence d'UGC Newsflare, Mathiew a acquis de l'expérience dans différents domaines du journalisme. En 2019, il décide de s'installer à Montréal pour affronter les hivers rigoureux et profiter des beaux étés mais surtout développer son journalisme. Il a rapidement intégré Radio Canada International où il s'efforce de donner le meilleur de lui-même au sein des différentes équipes.

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