La guérison du Nunavik, entre l’isolement et les changements climatiques

Kuujjuaq, qui veut dire grande rivière en inuktitut, est un village nordique du Nunavik. (Radio-Canada)

Par Catherine Bérubé – Radio-Canada

Le journaliste et présentateur vedette de Radio-Canada, Patrice Roy, s’est rendu à Kuujjuaq, où l’ancien maire Tunu Napartuk et la chanteuse Elisapie lui ont fait découvrir un monde qui lui était complètement inconnu.

Cet été, à Kuujjuaq, il a fait exceptionnellement chaud. Des records de chaleur ont été battus, et le 4 juillet, avec une température de 34,3 degrés Celsius, la communauté était l’endroit le plus chaud au pays.

Ça fait 30 ans qu’on sent qu’il y a un changement climatique, indique Tunu Napartuk, ancien maire de Kuujjuaq.

Celui qui s’apprête à négocier avec Québec et Ottawa pour la création d’un gouvernement autonome au Nunavik souligne que le réchauffement dérègle le mode de vie traditionnel et les saisons de chasse et de pêche.

Mes ancêtres se réveillaient le matin, regardaient le ciel et savaient quel genre de journée ils allaient avoir, raconte M. Napartuk. Aujourd’hui, même avec la technologie et les applications, on ne sait jamais.

Une connexion avec la terre

Le Nunavik représente le tiers de la superficie du Québec.

La chanteuse Elisapie, qui vient du village nordique de Salluit, mentionne que c’est la beauté de l’horizon et la force du vent qui la font se sentir chez elle.

Le vent, c’est notre meilleur ami, c’est lui qui a sculpté nos visages », »text »: »Le vent, c’est notre meilleur ami, c’est lui qui a sculpté nos visages »}} »>Le vent, c’est notre meilleur ami, c’est lui qui a sculpté nos visages, dit-elle avec le sourire.

Ce n’est pas nous qui gérons le territoire, c’est le territoire qui nous gère.

– Elisapie, auteure-compositrice-interprète

La chanteuse Elisapie a lancé sa plus récente tournée à Kuujjuaq. (Radio-Canada)

Lorsqu’on demande à Elisapie comment se porte sa communauté, l’auteure-compositrice-interprète répond que certaines choses bougent vite, mais que d’autres prennent du temps, comme le processus de guérison collective. On a besoin d’aide, de ressources et de temps, explique-t-elle.
Du temps pour guérir

Il y a à peine 70 ans, les Inuit, nomades depuis toujours, ont été sédentarisés de force dans des villages. Pour les forcer à rester immobiles, la police provinciale a tué des milliers de chiens de traîneaux, à la fin des années 1950.

Avant, on était en mouvement tout le temps, affirme Elisapie. Ç’a tué quelque chose, parce qu’on est des nomades. », »text »: »Avant, on était en mouvement tout le temps, affirme Elisapie. Ç’a tué quelque chose, parce qu’on est des nomades.

Ce changement de mode de vie est encore récent pour la communauté. Ça ne fait vraiment pas longtemps, mentionne Elisapie, qui ajoute que sa propre mère est née dans un igloo.

L’impact et le traumatisme de ces changements, on les sent toujours aujourd’hui.

– Tunu Napartuk, ancien maire de Kuujjuaq

Tunu Napartuk a été maire de Kuujjuaq de 2012 à 2018. (Radio-Canada)

Les problèmes sociaux liés aux traumatismes de ces événements demeurent. L’alcoolisme et la toxicomanie sont des démons bien ancrés au Nunavik.

Selon Jean-Pierre Larose, du Service de police du Nunavik, 95 % des interventions policières concernent des gens intoxiqués. Les cas de drames et de violence conjugale sont nombreux.

Le passé est toujours présent ici et malheureusement, ça va prendre encore beaucoup de temps, dit-il.

Ils ont tué nos chiens, ils nous ont relocalisés, ils nous ont mis dans une institution de torture, nos enfants dans les écoles. Il n’y avait plus d’enfants.

Encore aujourd’hui, les jeunes Inuit se suicident huit fois plus que la moyenne au Québec.

On essaie de rebâtir, mais ce n’est pas évident, insiste Elisapie. Une chose qui est incroyable dans tout ça, c’est la résilience.

Des communautés complètement isolées

La plupart des 13 000 habitants du Nunavik sont des Inuit. À leurs côtés, près de 600 travailleurs sont venus du sud de la province pour enseigner, construire, soigner ou pourvoir d’autres postes.

C’est le cas de Marilou Bourbonnière, enseignante à l’école primaire Pitakallak. Elle devait rester seulement quelques mois avant de retourner dans le sud du Québec, mais elle a eu la piqûre.

Je suis tombée en amour avec la communauté et j’ai décidé de rester, raconte-t-elle.

Les gens ne sont pas stressés, ce n’est pas comme à Montréal où tu cours pour ne pas arriver en retard quelque part.

– Marilou Bourbonnière, enseignante à Kuujjuaq

La population inuit est méfiante au début, mais quand tu commences à t’ouvrir à eux et qu’ils commencent à s’ouvrir à toi, c’est les meilleures personnes avec des valeurs incroyables »}} »>La population inuit est méfiante au début, mais quand tu commences à t’ouvrir à eux et qu’ils commencent à s’ouvrir à toi, c’est les meilleures personnes avec des valeurs incroyables, souligne-t-elle.

Elisapie est du même avis. Elle mentionne que sa communauté est fière de ses valeurs.

Nous, on veut juste connecter, dit-elle. On veut montrer comment on est bons et on a un bon cœur.

J’ai toujours voulu faire le pont entre les gens.

-Elisapie, auteure-compositrice-interprète

Avec un des taux de natalité les plus hauts de la planète, les deux tiers de la population ont moins de 30 ans. Les Inuit ont maintenant besoin de maisons et il en manque beaucoup.

Tout arrive par bateau, alors la logistique est pas mal plus compliquée ici qu’au sud »}} »>Tout arrive par bateau, alors la logistique est pas mal plus compliquée ici qu’au sud, explique Pierre Poliseno, un contremaître dont l’équipe s’affaire à terminer la construction de huit logements.

Il explique que construire au Nunavik coûte cher.À Montréal, aujourd’hui, on calcule environ 350 000 $ par unité. Ici, ça va peut-être coûter 500 000 $, estime-t-il.

C’est énormément cher

Dans les 14 villages du Nunavik, le gouvernement du Québec subventionne les commerçants pour que les prix des denrées importantes comme les fruits et les légumes ne dépassent pas un certain seuil.

Plusieurs produits sont tout de même beaucoup plus chers que dans le sud de la province.

«J’ai cinq enfants qui restent chez nous, explique M. Napartuk. Faire l’épicerie, avec l’inflation, ça monte à 600 $ ou 700 $ par semaine.»

L’ancien maire explique qu’heureusement, l’entraide est toujours bien présente dans la communauté et chez les chasseurs.

Quand il y a un homme qui a eu un phoque, c’est tout le monde dans le camp qui est nourri, souligne-t-il.

Quel avenir pour les enfants?

Le taux de diplomation est très bas au Nunavik. Pas moins de 80 % des élèves abandonnent avant la cinquième année du secondaire.

Seulement 3 % des Inuit partent dans le sud pour étudier au cégep et 1 % atteignent l’université.

Les enfants sont nombreux à Kuujjuaq, où le taux de natalité se trouve parmi les plus élevés au monde. (Radio-Canada)

Ce qu’on espère, c’est que tous les jeunes réussissent à faire le parcours complet et reviennent être des membres de la société, explique Janie Dupuis, directrice adjointe à la commission scolaire Kativik Ilisarniliriniq.

Tunu Napartuk souhaite la même chose pour ses enfants, qu’il espère voir évoluer dans la communauté. Même s’il aimerait qu’ils étudient en français ou en anglais, il veut s’assurer que la tradition culturelle est conservée.

Le Nunavik, c’est chez nous, insiste-t-il.

Besoin d’aide pour vous ou un proche?
  • Ligne d’écoute Kamatsiaqtut : 1 800 265-3333 (inuktitut et anglais);
  • Ligne d’écoute d’espoir pour le mieux-être : 1 855 242-3310 ou en utilisant le service de clavardage à espoirpourlemieuxetre.ca (Nouvelle fenêtre), 24 heures sur 24, sept jours sur sept (anglais, français et inuktitut sur demande);
  • Jeunesse, j’écoute (24/7) : 1 800 668-6868 (anglais et français);
  • Si vous êtes en détresse, si l’un de vos proches vous inquiète ou si vous êtes en deuil à la suite d’un suicide dans votre entourage, composez le 1 866 APPELLE. Ce service panquébécois est offert 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et est gratuit;
  • Il est aussi possible d’utiliser la plateforme d’intervention par clavardage en visitant le suicide.ca (Nouvelle fenêtre)

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