Les Inuit demandent un moratoire sur l’exploration minière au Nunavik

Le Nunavik regorge de minéraux stratégiques essentiels à la fabrication des batteries, comme le lithium. (Photo d’archives/Radio-Canada/Marc Godbout)

La corporation Makivvik, qui représente les Inuit du Nunavik, demande à Québec d’imposer un moratoire sur les prochains travaux d’exploration minière sur leur territoire ancestral, tant qu’ils ne seront pas plus impliqués dans le processus d’acceptation des projets.

Le Nunavik, au nord du 55e parallèle, regorge de minéraux stratégiques convoités par Québec, comme le nickel et le lithium. Des matériaux essentiels à la fabrication de batteries et à l’électrification des transports.

Les Inuit du Nunavik en sont conscients, mais ils estiment être mis de côté dans le processus d’octroi des permis d’exploration, pour le moment centralisé au ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF).

Nous voulons nous assurer qu’il y a un système de surveillance pour vérifier qu’ils respectent bien les règles sur notre territoire, explique le vice-président et responsable du développement économique à Makivvik, Andy  Moorhouse.

Andy Moorhouse souhaiterait que les Inuit soient systématiquement informés des projets qui se développent sur leur territoire, ce qui n’est pas le cas actuellement. (Radio-Canada/Félix Lebel)

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Ce dernier s’inquiète des conséquences environnementales de l’exploration minière, qu’il juge mal encadrée par Québec.

Il souhaite aussi s’assurer que les entreprises de la région sont plus engagées dans les travaux, pour qu’elles puissent profiter des attraits économiques de l’exploration minière.

Nous voulons nous assurer que ces entreprises, qui viennent explorer, laissent le site dans le même état qu’ils l’ont trouvé. Ce n’est pas toujours le cas, ajoute Andy Moorhouse.

Ce dernier rappelle le lourd héritage environnemental laissé par l’industrie minière au Nunavik.

Environ 130 anciens sites d’exploration minière abandonnés ont été nettoyés par l’administration régionale Kativik au fil des années.

Des centaines d’autres anciens sites potentiels n’ont toujours pas été inspectés en profondeur par manque de fonds, mais continuent de marquer les esprits dans la région en raison du risque environnemental qu’ils génèrent.

L’industrie minière et Québec ont financé le nettoyage de sites abandonnés, mais du travail reste à faire pour complètement enlever les anciennes traces du passage des minières au Nunavik. (Photo : ARK)

Même si les pratiques de l’industrie ont changé depuis les dernières années et que bon nombre d’entreprises ont à cœur le nettoyage de leur site d’exploration, Makivvik souhaiterait plus de garanties.

Les entreprises ne respectent pas toujours les règlements du gouvernement provincial. Nous voulons assurer qu’il y a un vrai système en place pour vérifier qu’ils respectent la loi, ajoute Andy Moorhouse.

Québec s’appuie sur la Convention

La ministre des Ressources naturelles et des Forêts, Maïté Blanchette Vézina, dit être à l’écoute des inquiétudes exprimées par la Société Makivvik, mais n’a pas pour le moment imposé un moratoire comme ils l’ont demandé.

En vertu de la Convention de la Baie-James et du Nord québécois, c’est bien le ministère qui a le dernier mot sur la question des mines sur les terres des Inuit.

Nous sommes en action depuis plusieurs mois déjà afin de permettre un meilleur développement de l’activité minière au Québec et une meilleure intégration dans les communautés d’accueil […] Le sujet du développement minier fera prochainement l’objet de discussions afin de trouver les meilleures façons de collaborer avec la Société Makivvik, a déclaré par courriel la ministre Blanchette Vézina.

Maïté Blanchette Vézina n’a pas précisé si elle allait acquiescer à la demande de Makivvik. (Photo d’archives/Radio-Canada/Sylvain Roy Roussel)

La ministre a présenté dans les dernières semaines un projet de règlement qui encadre les travaux d’exploration minière dans la province.

Lorsque le règlement sera en vigueur, les entreprises devront tenir des consultations publiques avant que Québec ne leur octroie un permis d’exploration pour certains types de travaux plus importants.

Le pouvoir décisionnel sera malgré tout toujours entre les mains de Québec, ce que dénonce Makivvik, qui souhaite être partenaire d’égal à égal dans le développement minier.

Entre l’arbre et l’écorce

L’Association de l’exploration minière du Québec (AEMQ) souhaite laisser les deux parties négocier avant de commenter directement la décision de Makivvik.

On prend acte de ce qu’ils ont dit. Maintenant, ça appartient au gouvernement du Québec et au gouvernement inuit de discuter ensemble pour voir comment régler la situation, explique le directeur de projet à l’AEMQ, Alain Poirier.

Selon Makivvik, de nombreuses entreprises ont récemment acquis des claims miniers dans la région dans le but de trouver des gisements de lithium. (Photos d’archives/Radio-Canada/David Richard)

Ce dernier n’a pas soulevé trop d’inquiétudes de la part de ses membres, notamment parce que la saison d’exploration tire à sa fin avec l’arrivée de l’hiver.

Même si la loi ne les oblige pas de le faire, l’AEMQ estime que la plupart des entreprises sont déjà proactives dans la recherche d’acceptabilité sociale et de partenariats au Nunavik.

Ça fait partie des bonnes pratiques […] Tu n’arrives pas au Nunavik par hasard, tu dois te préparer longtemps à l’avance et t’assurer d’avoir l’autorisation et les bons contacts avant d’arriver là, explique Alain Poirier.

Makivvik craint toutefois que ce ne soient pas toutes les entreprises qui agissent de bonne foi.

D’anciens sites d’exploration minière et des camps abandonnés sont encore aujourd’hui trouvés par des chasseurs et des pilotes de brousse.

Le risque pour l’environnement est possiblement important, surtout que des barils de diesel se dégradent toujours par endroit près de certains cours d’eau. Une situation qui renforce un sentiment négatif au Nunavik face au développement minier.

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Félix Lebel, Radio-Canada

Journaliste à Sept-Îles

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