Des femmes stérilisées de force demandent réparation au Danemark
Au moins 67 femmes inuit du Groenland, stérilisées de force en raison d’une politique du gouvernement danois, ont demandé réparation. Des milliers d’entre elles se sont fait poser des dispositifs de contraceptions sans leur consentement il y a plus de 40 ans. La leader du groupe est impatiente, mais cynique quand elle pense à la réponse du gouvernement.
Naja Lyberth avait 13 ou 14 ans quand elle s’est trouvée devant le médecin qui allait lui installer un stérilet sans son accord ni celui de ses parents. «Ça a été un événement extrêmement traumatisant», confie-t-elle.
À la fin des années 1960, le gouvernement danois, dont le Groenland était toujours sous la tutelle, avait élaboré une politique visant à limiter la natalité dans le territoire arctique.
Les femmes, dont Naja Lyberth fait partie, réclament maintenant 300 000 couronnes (37 000 $ CA) chacune à Copenhague.
Même si l’annonce de la demande de réparation a fait grand bruit, la psychologue qui réside aujourd’hui à Nuuk, au Groenland, n’a pas beaucoup d’espoir que le gouvernement accepte cette réclamation. C’est qu’une commission d’enquête sur cette politique a été lancée l’année dernière et doit rendre ses conclusions en 2025. «Je crois que le gouvernement ne voudra pas accepter quoi que ce soit avant la fin de l’enquête.»
Naja Lyberth refuse toutefois de baisser les bras. Si le gouvernement refuse, elle amènera la cause devant les tribunaux. Elle juge que cela en va des droits de la personne. «C’est un droit de la personne d’avoir des enfants. C’est un droit d’avoir une famille, dit-elle. Ils m’ont privé de ça.»
Des milliers de femmes
«Cet événement a été si traumatisant qu’il s’est effacé de ma mémoire consciente pendant près de 40 ans», raconte Naja Lyberth. Pendant toutes ces années, je n’avais aucune idée de ce qui m’était arrivé.» Elle poursuit en expliquant qu’elle a toujours su que quelque chose clochait avec son utérus et qu’elle ne pouvait pas avoir d’enfants.
C’est lors de ses études en psychologie, lorsqu’elle se penchait sur la réaction de lutte ou de fuite, qu’un déclic s’est produit et qu’elle s’est souvenue de la scène. «Je croyais que j’étais la seule et c’était un sentiment de honte qui m’a envahi.»
Elle s’était fait poser un stérilet sans son consentement, mais encore pire, l’appareil qui lui avait été imposé n’était pas du tout adapté à son jeune corps. «C’était un stérilet qui était conçu pour des femmes. Des femmes qui avaient déjà eu des enfants. Pas pour une petite fille de 14 ans.»
À partir du moment où elle a retrouvé ces souvenirs traumatiques, elle a commencé à en parler autour d’elle, malgré la honte et le tabou. «Sur Facebook, un message que j’avais publié a finalement attiré l’attention de centaines de femmes. J’ai compris que je n’étais pas seule à ce moment-là.»
L’affaire a éclaté à l’été 2022 quand des journalistes se sont intéressés à cette histoire.
Finalement, Naja, loin d’être seule, n’avait été que l’une des quelques 4500 jeunes Inuit à avoir vécu la même chose.
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