Comment promouvoir l’autodétermination des Inuit dans la recherche scientifique?

Le réseau de recherche ArcticNet tient jusqu’à jeudi sa 19e conférence annuelle, à Iqaluit. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Réunis à Iqaluit lors de la 19e réunion scientifique ArcticNet, des chercheurs du Nunavut qui ont entrepris des études supérieures dans le sud du Canada considèrent qu’il faut en faire plus pour encourager et soutenir les Inuit dans le milieu de la recherche.

Ils estiment que l’autodétermination des Inuit dans ce secteur passe par la création d’une université dans une région inuit de l’Arctique canadien.

Organisée jusqu’à jeudi, la rencontre scientifique est la première du réseau de recherche dans l’Inuit Nunangat, qui rassemble les quatre régions inuit au nord du pays. Elle s’est ouverte lundi avec une table ronde portant sur l’expérience de quatre chercheurs inuit dans le milieu universitaire.

Sous-représentation des Inuit

Plusieurs panélistes ont raconté qu’ils n’étaient pas prédestinés à une carrière scientifique, notamment parce que cette avenue ne leur avait pas réellement été présentée.

C’est le cas de Jessica Penney, une boursière postdoctorale à l’Université de Toronto qui s’intéresse aux corrélations entre l’environnement et la santé des Inuit.

«Ça m’a pris de nombreuses années avant de comprendre ce qu’est la recherche», relate la chercheuse originaire du Nunatsiavut, dans le nord du Labrador.

Jessica Penney ne regrette pas d’avoir emprunté cette voie professionnelle, bien qu’elle affirme que la sous-représentation d’Inuit dans le milieu de la recherche demeure tout de même un enjeu.

«Quel que soit le domaine, il peut être difficile d’être la seule Inuk dans la pièce. C’est un défi de devoir représenter son peuple», affirme-t-elle.

Jessica Penney est boursière postdoctorante à l’École de santé publique Dalla Lana, de l’Université de Toronto. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Durant la table ronde, plusieurs panélistes ont aussi affirmé qu’il était parfois complexe de naviguer dans un milieu historiquement colonial qui valorise la science occidentale.

«C’est quelque chose avec lequel nous devons composer», explique Joshua Komangapik, un étudiant à la maîtrise en environnement à l’Université Royal Roads de Victoria, en Colombie-Britannique, et spécialiste des aires protégées pour le Service canadien de la faune.

J’essaye vraiment de m’appuyer sur des chercheurs autochtones et sur la littérature postcoloniale dans mon travail.

– Joshua Komangapik, étudiant à la maîtrise à l’Université Royal Roads

Joshua Komangapik note toutefois de grandes percées en matière de réconciliation dans le secteur universitaire : «À travers ma maîtrise, je constate qu’il y a un changement important dans la manière dont les cours accordent une place aux voix autochtones.»

« J’essaye d’inclure le plus possible les perspectives d’Inuit ou d’Autochtones », soutient Joshua Komangapik, un étudiant du Nunavut à la maîtrise à l’Université Royal Roads de Victoria. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

Rendre la recherche scientifique plus accessible

À l’exception de l’Université du Yukon, toutes les universités canadiennes sont situées dans le sud du pays. Jessica Penney affirme qu’il est, la plupart du temps, inévitable de quitter le Nord pour poursuivre une carrière dans le milieu de la recherche universitaire. Une réalité qui lui a été imposée il y a plusieurs années.

C’est pourquoi elle estime qu’une première université dans l’Inuit Nunangat rendrait ce domaine plus accessible aux Inuit.

C’est par là que passeront un véritable changement et l’autodétermination dans le secteur de la recherche.

– Jessica Penney, boursière postdoctorante à l’Université de Toronto

Elle croit aussi qu’il faut en faire plus pour encourager des jeunes à envisager une carrière scientifique. Elle cite l’exemple d’ateliers dans des écoles secondaires ou encore l’enseignement des principes de bases de recherche.

«Exposer davantage les jeunes […] peut vraiment les aider à se reconnaître dans la recherche», soutient-elle.

Ces mots interpellent particulièrement Tessa Armstrong, une étudiante de 10e année à l’École secondaire Inuksuk d’Iqaluit qui a assisté à la réunion scientifique avec sa classe.

«La science m’a toujours intriguée, mais maintenant que j’ai assisté à [cette rencontre], je suis encore plus intéressée», explique l’élève de 15 ans. «Ça m’a motivé à faire de mon mieux avec les ressources que j’ai.»

Tessa Armstrong, 15 ans, a assisté à la réunion scientifique avec d’autres élèves de sa classe, lundi. Parmi les conférenciers figurait sa tante, la chercheuse Ceporah Mearns, qu’elle considère comme un modèle. (Radio-Canada/Matisse Harvey)

L’élève aimerait que des chercheurs viennent occasionnellement donner des présentations à son école pour vulgariser leur travail.

Tessa Armstrong ignore encore dans quel domaine universitaire elle poursuivra ses études, mais elle déborde déjà d’ambition : «En tant que jeune inuk, j’aimerais devenir une inspiration pour mon peuple.»

À lire aussi :

Matisse Harvey, Radio-Canada

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Une réflexion sur “Comment promouvoir l’autodétermination des Inuit dans la recherche scientifique?

  • jeudi 18 janvier 2024 à 23:15
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    Soutenir la création d’une université dans une région inuit pourrait être une étape importante pour renforcer l’autodétermination. Cette institution pourrait offrir des programmes éducatifs adaptés aux besoins et à la culture inuit, favorisant ainsi l’accès des Inuit à l’éducation supérieure.

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