La Russie a encore accéléré son développement militaire et commercial dans l’Arctique

La Russie dispose d’une trentaine de navires adaptés à l’Arctique. (Photo d’archives/AFP/Kirill Kudryavtsev)

La Russie a encore accéléré son développement militaire dans l’Arctique, jugeant la région essentielle à l’essor de ses échanges avec l’Asie pour notamment contrebalancer les effets des sanctions occidentales imposées en raison de son assaut contre l’Ukraine.

Mardi, le géant russe de l’énergie atomique Rosatom a dévoilé le dernier-né de ses réacteurs RITM-200, beaucoup plus léger, compact et puissant. Il équipera son futur brise-glace à propulsion nucléaire dernière génération Tchoukotka, un type de navire crucial pour imposer la Route maritime du Nord comme nouveau circuit commercial entre l’Europe et l’Asie.

Sans une telle flotte pour surmonter les obstacles de glace rencontrés dans les eaux de l’Arctique, il est impossible d’imaginer un commerce d’hydrocarbures fiable et pérenne.

Or, le pétrole et le gaz sont au coeur de l’économie de la Russie, qui est désormais en grande partie privée des marchés qu’elle dominait jusqu’à février 2022 et l’offensive contre l’Ukraine.

Vladimir Poutine avait déjà, avant ce conflit, fait une priorité stratégique de l’exploitation des ressources de l’Arctique et de la voie maritime du Nord, au moment où le réchauffement climatique accélère la fonte des glaces et rend ces eaux mieux navigables.

Quelques mois après le début de l’assaut en Ukraine, les autorités russes ont mis les bouchées doubles, le gouvernement validant un plan d’investissements équivalent à 29,3 milliards de dollars canadiens jusqu’en 2035.

Selon Moscou, le nombre de ports d’escale est passé de 4 à 11, et la route étendue jusqu’à Vladivostok (Extrême-Orient). Cela permet, d’après Rosatom, le transport de 31,4 millions de tonnes de marchandises entre janvier et octobre via l’Arctique, soit 10 fois plus qu’il y a 10 ans.

«L’Ukraine et les sanctions ont toutefois créé de l’incertitude sur le financement de plusieurs projets», indique Malte Humpert, fondateur du groupe de réflexion américain The Arctic Institute, citant en exemple l’Arctic LNG 2, un important projet de production de GNL qui a été placé sous sanctions américaines début novembre.

«Mais la Russie n’a pas d’autre choix, le marché européen n’est plus accessible […] Elle doit produire du pétrole et du gaz et les exporter pour générer de l’argent. Or, les acheteurs se trouvent désormais en Asie», explique-t-il.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov. De nombreux pays occidentaux s’inquiètent des capacités stratégiques de la Russie en Arctique. (Photo d’archives/Getty Image/Saul Loed)

Pour autant, les obstacles technologiques restent nombreux dans un pays qui a l’habitude d’importer les pièces à haute valeur ajoutée.

Concernant la flotte arctique, le remplacement d’un certain nombre de technologies provenant de pays inamicaux est le principal défi à relever, a reconnu en mai Alexeï Tchekounkov, le ministre responsable de l’Arctique.

Ces derniers mois, la Russie a dû se tourner vers des pays tiers pour obtenir des pièces pour ses méthaniers, navires transportant le GNL, qui sont souvent produits en Asie avec des technologies occidentales auxquelles Moscou n’a plus accès.

À ce stade, la flotte russe se limite à 30 bateaux de classe arctique «opérationnels» et à «33 autres en construction». Or, la Russie a besoin d’une centaine de navires à terme, selon le patron de Rosatom, Alexeï Likhatchev.

Ainsi, si les autorités russes visent à transporter quelque 190 millions de tonnes de fret en 2030 par la Route maritime du Nord, ce volume est très loin de faire concurrence au canal de Suez et ses 1,41 milliard de tonnes livrées en 2022.

Autre conséquence du manque de navires-citernes arctiques, la Russie a envoyé en septembre dans l’Arctique en direction de la Chine deux pétroliers conventionnels, sans assistance d’un brise-glace homologué pour leur ouvrir la route.

Un gain de temps, certes, mais quelles conséquences pour l’environnement?

«Si des navires sans certification glace se mettent à naviguer dans ces eaux, alors il peut y avoir de grands risques de marées noires», dit M. Humpert à l’AFP.

Sur le plan militaire, la zone arctique est également une priorité stratégique, la Russie partageant la région avec ses ennemis occidentaux : États-Unis, Canada et Européens du nord.

En parallèle, le Canada accroît aussi sa présence militaire dans le nord du pays. (Photo d’archives/Radio-Canada/Mario de Ciccio)

Même en pleine offensive en Ukraine, la Russie muscle sans cesse son dispositif arctique, rouvrant ou modernisant des bases et aérodromes datant de l’époque soviétique.

«La Russie a aussi déployé des missiles S-300 et S-400, rallongé des pistes pour accueillir des avions capables de transporter des bombes nucléaires et construit d’imposantes installations radar», détaille M. Humpert.

En août dernier, la flotte du Nord, responsable de l’Arctique, a mené des exercices militaires avec plus de 8000 militaires et plusieurs sous-marins.

«La concurrence et la militarisation accrues dans la région arctique, notamment de la part de la Russie et de la Chine, sont préoccupantes», constatait en novembre l’amiral Rob Bauer, chef du comité militaire de l’OTAN.

«Nous devons rester vigilants et nous préparer à l’inattendu», avait-il ajouté.

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