La GRC au Yukon surveille les risques d’ingérence étrangère dans le territoire
Au Yukon, tout signe de menace extérieure est surveillé par la GRC. Selon elle, ce territoire est vulnérable à de l’ingérence étrangère.
La surintendante Lindsay Ellis a confirmé lors d’une entrevue que son corps de police surveille de nombreux intérêts étrangers, tels que les investissements dans de grandes infrastructures, les projets de routes et de ponts ainsi que la diffusion d’information et la propriété intellectuelle.
«Nous examinons quels intérêts étrangers pourraient nuire à l’économie canadienne, à la sécurité des Canadiens et à la sécurité nationale», dit-elle sans confirmer si la GRC enquête sur ce type de menace.
Le Yukon partage avec les États-Unis la plus grande frontière terrestre non surveillée. C’est vaste, c’est énorme. Est-ce que c’est un défi? Oui.
– Lindsay Ellis, surintendante de la GRC au Yukon
L’ingérence étrangère peut se décliner sous plusieurs formes : l’espionnage, la cyberguerre, la désinformation et les investissements suspects. Elle peut se manifester ostensiblement à l’échelle locale, comme les pirates informatiques qui tentent de voler l’argent des aînés de certaines Premières Nations, ou discrètement avec des ramifications mondiales.
L’ingérence étrangère a également plusieurs motivations, mais celle qui se démarque de plus en plus depuis peu est «l’économie émergente des minéraux critiques».
«Sans une attention particulière accordée au Nord, le Canada est exposé au risque bien réel que sa zone arctique soit perçue comme une possibilité stratégique potentielle par d’autres États qui cherchent à en tirer parti, qu’il s’agisse de ses propres alliés aux vues similaires ou d’autres pays qui ne partagent pas les intérêts du Canada», indiquait le rapport de 2022 d’Arctic360, un groupe de réflexion sur la zone arctique du Canada.
Toutes les entreprises sont à risque
Selon l’Agence internationale de l’énergie, la demande en minéraux critiques pourrait être six fois plus forte d’ici 2040 par rapport à 2020. Cette demande se fait sentir au Yukon, où le nombre de projets d’exploration pour découvrir des gisements de minéraux critiques a augmenté.
En 2022, on a déterminé que le sous-sol du territoire contient des gisements de 25 minéraux critiques sur les 31 minéraux de ce type qui figurent sur la liste du gouvernement fédéral. Le Yukon a donc un fort potentiel minier, dont le marché mondial est estimé à des centaines de milliards de dollars.
Aurel Braun, professeur de relations internationales et de science politique à l’Université de Toronto, dit qu’aucune instance gouvernementale, y compris le Yukon, n’est protégée contre un mauvais investissement étranger.
La Russie tente par exemple d’asseoir sa domination sur l’Arctique depuis très longtemps en revendiquant des parties de ce très vaste territoire. La Chine, de son côté, tente de légitimer sa prise de position dans les affaires du Nord circumpolaire en se qualifiant d’État «proche de l’Arctique».
Selon le professeur Braun, peu importe que le Canada ait imposé des sanctions contre la Russie, des sociétés-écrans peuvent les contourner.
«Si une entreprise est capable de produire des minéraux critiques stratégiques, si elle est capable de produire de l’énergie, elle sera sans aucun doute surveillée, voire approchée par la Russie et par la Chine», croit-il.
Toutes les entreprises sont vulnérables à des éléments corrompus.
– Aurel Braun, professeur de relations internationales et de science politique à l’Université de Toronto
À la fin de l’année dernière, une entreprise chinoise a acquis près de 10 % d’une mine située à Yellowknife, de même que toutes les réserves de gisements de terres rares. «Les éléments des terres rares constituent un groupe de 15 éléments du tableau périodique appelés les lanthanides, avec le scandium et l’yttrium», précise le site Internet de Ressources naturelles Canada. Le fédéral examine cette transaction. Cependant, aucun acte répréhensible n’a été relevé.
Par ailleurs, le projet de loi C-34, qui prévoit la modification de la Loi sur Investissement Canada, est devant le Sénat en ce moment.
Si elle est adoptée, cette modification permettra d’exiger le dépôt d’un avis avant que certains investissements soient effectués et d’autoriser le ministre de l’Industrie, après consultation du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, à imposer des conditions provisoires à l’égard des investissements pour prévenir les atteintes à la sécurité nationale qui pourraient survenir pendant l’examen.
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