Les Samis changent leurs pratiques d’élevage à cause du changement climatique

Leurs rennes ne sont plus capables de se nourrir normalement par eux-mêmes à cause de la météo instable.
Nils Mathis Sara épand de la moulée pour des centaines de rennes attroupés sur le plateau montagneux de Finnmark, dans la région arctique de la Norvège. Il ne pensait jamais avoir à faire ce genre de chose.
«C’est une situation d’urgence, souligne l’éleveur sami de 65 ans. Je ne suis pas censé les nourrir : c’est eux qui doivent me nourrir.»
Normalement, les rennes sont capables de s’alimenter par eux-mêmes en creusant dans la neige grâce à leurs sabots pour trouver du lichen.
Mais tous les hivers depuis une décennie, M. Sara doit se procurer de la moulée pour permettre à ses rennes de passer l’hiver, car les températures peuvent descendre jusqu’aux environs de -40 °C.
Jusqu’à récemment, la température était stable sous le point de congélation sur le plateau de Finnmark. Toute précipitation était donc sous forme de neige en hiver, mais ces dernières années, le mercure dépasse 0 °C.
Il y a donc des épisodes de pluie, et une fois au sol, l’eau gèle, ce qui crée une couche de glace qui empêche les rennes d’accéder à leur nourriture.
C’est particulièrement difficile pour les jeunes rennes, car leurs sabots ne sont pas assez forts pour casser la glace, s’inquiète M. Sara.
Lui et son neveu ont épandu, un matin de mars, alors qu’il faisait -10 °C, 1,6 tonne de moulée dans les pâturages où broutent les rennes de la famille. C’est un rituel qu’ils répètent tous les deux jours depuis février.
«En théorie, je devrais faire ça tous les jours, mais ça n’a aucun sens sur le plan économique», indique M. Sara.
Nourrir les bêtes a aussi des effets secondaires imprévus. L’éleveur a déjà constaté que des centaines de rennes qui ne lui appartiennent pas venaient dans son pâturage. Chaque groupe d’éleveurs a le droit d’utiliser une zone qui lui est réservée exclusivement,
La harde de son voisin a été attirée par l’odeur de la nourriture qu’il est maintenant contraint d’utiliser.
C’est sans compter que nourrir les rennes transforme progressivement ces animaux semi-sauvages en bétail entièrement domestiqué. Le mode de vie et la culture centenaire des Samis se retrouvent donc profondément en péril.
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