Les mines ont-elles un rôle à jouer dans la sécurité de l’Arctique canadien?
Plusieurs agences fédérales, dont le Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) et la Gendarmerie royale du Canada (GRC), veulent tirer profit des infrastructures minières pour renforcer la sécurité dans le Grand Nord.
Ce sujet a fait l’objet d’une conférence organisée jeudi, à Iqaluit, à l’occasion du symposium sur les mines du Nunavut, et à laquelle étaient invités des experts du SCRS, de la GRC et de l’Agence canadienne de développement économique du Nord (CanNor).
Nous voulons trouver des manières créatives de contribuer à la sécurité et à la souveraineté dans l’Arctique
, a déclaré l’un des panélistes, Ben Comley, le commandant de la GRC au Nunavut.
Selon lui, les entreprises minières ont un rôle important à jouer en raison de l’emplacement isolé de leurs sites miniers dans le Grand Nord canadien. Il croit notamment qu’elles peuvent contribuer au signalement d’activités suspectes
aux agences engagées dans la défense nationale.
Des infrastructures jugées attrayantes
Devant la pénurie importante d’infrastructures partout dans le Nord, le président de CanNor, Jimi Onalik, estime lui aussi que le gouvernement du Canada doit tirer profit des installations déjà existantes.
Les infrastructures portuaires et aériennes des mines, comme les pistes d’atterrissage, en sont, selon lui, des exemples. Il cite l’emplacement stratégique du port de Milne Inlet, dans le nord de l’île de Baffin, qui sert aux activités maritimes de l’entreprise Baffinland pour sa mine de fer Mary River.
Pendant que les mines sont en activité, leurs actifs opérationnels pourraient être mieux utilisés
, soutient Jimi Onalik.
La directrice générale de la Chambre des mines des T.N.-O., Karen Costello, voit d’un œil positif la collaboration éventuelle entre des agences fédérales et des entreprises minières.
Les sociétés minières investissent énormément dans les infrastructures […] et, bien souvent, leurs mines se trouvent dans [des secteurs] éloignés, affirme-t-elle. Il est donc possible qu’elles soient une ressource pour le Canada à l’extérieur des communautés.
Mme Costello rappelle toutefois que les mines ont une durée de vie établie. En vertu des exigences actuelles, les entreprises sont tenues d’élaborer un plan de fermeture et de remise en état qui comprend les mesures d’assainissement de leurs sites.
[Les compagnies minières] auront besoin de savoir si leurs infrastructures vont être réutilisées
, soutient-elle.
La menace des intérêts chinois
L’ex-sénateur du Nunavut Dennis Patterson croit que l’utilisation d’infrastructures minières serait un pas dans la bonne direction pour renforcer la sécurité dans l’Arctique. Bien qu’il salue la récente stratégie de défense nationale, il croit toutefois qu’il reste bien du chemin à parcourir.
Il souligne l’importance de travailler avec les communautés inuit sur le terrain et appelle aussi à la vigilance devant l’intérêt exponentiel de la Chine pour l’Arctique : Nous devons prendre conscience de leur désir d’acquérir des propriétés intellectuelles, des minerais critiques et même des infrastructures dans [cette région].
Durant la conférence, une analyste du SCRS, dont l’identité ne peut être dévoilée pour des raisons de sécurité, a d’ailleurs mis les gens en garde contre le risque
géopolitique pour le Nord canadien que pose la domination de la Chine dans le marché mondial des minerais critiques.
La dépendance du Canada à l’égard de la Chine, pour ses minerais critiques et pour ses produits en aval, nous rend tous vulnérables à la coercition économique
, a déclaré l’experte du SCRS.
Au mois de décembre, l’entreprise chinoise Shenghe Resources a acheté tous les stocks de minerais critiques de l’entreprise australienne Vital Metals, qui est propriétaire de la mine Nechalacho, aux Territoires du Nord-Ouest.
En 2020, Ottawa a rejeté la vente de la mine d’or d’Hope Bay, au Nunavut, à l’entreprise chinoise Shandong Gold Mining.
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