Un rapport critique la gestion des sites contaminés dans le Nord

La mine Giant, près de Yellowknife, a exploité de l’or de 1948 à 2004. (Radio-Canada/Marie-Laure Josselin)

Un rapport déposé par le commissaire à l’environnement et au développement durable, au nom de la vérificatrice générale du Canada, critique différents ministères et agences pour ne pas avoir bien géré jusqu’à présent les sites fédéraux contaminés dans le Nord.

En conférence de presse mardi, le commissaire à l’environnement et au développement durable, Jerry DeMarco, a pointé du doigt trois ministères et une agence fédérale pour leurs manquements.

«Nous avons conclu que Transports Canada et Relations Couronne-Autochtones et Affaires du Nord Canada, qui gèrent plusieurs de ces sites [contaminés], respectent le Plan d’action pour les sites contaminés fédéraux», a-t-il mentionné.

«Par contre, ce n’était pas assez pour que le programme atteigne ses objectifs en matière de réduction des risques reliés à la santé, à l’environnement et aux finances», a ajouté M. DeMarco.

Jerry DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable du Canada, en 2022. Il a rendu publics mardi cinq rapports, dont celui portant sur les sites contaminés dans le Nord. (PC/Adrian Wyld)

Le ministère de l’Environnement et du Changement climatique du Canada et le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada sont aussi au nombre des ministères et agences fédéraux responsables de la gestion des 24 109 sites contaminés du pays. De ce nombre, 2627 se trouvent au nord du 60e parallèle.

Parmi ces sites figurent des mines, mais aussi des bases militaires, des aéroports et des sites d’enfouissement.

«Près de 11 % des sites se trouvent dans le Nord. Plus de 60 % du passif financier total estimé est lié à l’assainissement de ces sites du Nord», a poursuivi Jerry DeMarco.

Il s’agit d’un énorme fardeau financier pour les contribuables et d’un échec du principe du pollueur-payeur, car de nombreux sites du secteur privé ont dû être pris en charge par le gouvernement fédéral.

– Jerry DeMarco, commissaire à l’environnement et au développement durable

Pour parvenir à ces conclusions et formuler ses recommandations, au nombre de six, l’audit a porté sur deux programmes ayant pour objectif de réduire les risques pour l’environnement et la santé humaine, soit le Plan d’action pour les sites fédéraux contaminés, créé en 2005, et le Programme de remise en état des mines abandonnées du Nord, qui a vu le jour en 2019. Ces deux programmes visent aussi à faire diminuer le passif financier.

Les sites contaminés gérés par le gouvernement fédéral dans le Nord du Canada. (Photo : Bureau de la VG du Canada)

Explosion des coûts, malgré la fermeture de sites

Selon le rapport, le passif financier, soit le montant nécessaire pour assainir les sites contaminés afin de les rendre conformes aux normes environnementales minimales, a augmenté de façon vertigineuse au cours des 20 dernières années.

Entre 2004-2005 et 2022-2023, ce passif est passé de 2,9 milliards de dollars à 10,1 milliards de dollars.

«Le coût que doit assumer la population canadienne pour l’assainissement des sites contaminés ne cesse de croître», peut-on lire dans le rapport de 47 pages déposé au Parlement mardi.

Cette hausse du passif financier survient alors que le nombre de sites fermés, soit ceux qui ne requièrent plus aucune mesure d’assainissement, a augmenté au cours de cette période, passant d’environ 1000 sites en 2005-2006 à plus de 18 000 en 2022-2023.

Les mines abandonnées du Nord

Ce sont les huit plus grandes mines abandonnées du Nord, dont les mines Faro, au Yukon, et Giant, aux Territoires du Nord-Ouest, qui sont responsables de la plus grosse part du passif financier des sites contaminés.

L’assainissement de ces huit mines abandonnées représente à elles seules plus de 6 milliards de dollars.

La mine Giant, située près de Yellowknife, est la seule des huit mines en phase d’assainissement. Elle a été abandonnée en 2005, laissant derrière 237 000 tonnes de trioxyde de diarsenic enfouis dans des chambres minières.

Les restes toxiques du bâtiment où se faisait la torréfaction du minerai, fortement recouvert de poussière de trioxyde de diarsenic, ont été entreposés dans 360 conteneurs à l’automne 2022. Ces conteneurs seront plus tard enfouis, puis congelés. (Radio-Canada/Priscilla Hwang)

La dernière estimation pour gérer ce site hautement contaminé s’élève à plus de 4 milliards de dollars, et les travaux devraient se terminer en 2038, soit 33 ans après l’abandon de la mine.

Parmi les raisons expliquant cette explosion des coûts, le commissaire mentionne «l’amélioration de l’exactitude des estimations qui tiennent mieux compte de l’étendue des travaux nécessaires pour assainir ces sites».

Le rythme des progrès en matière d’assainissement et la pandémie de COVID-19 sont aussi des facteurs ayant contribué à la hausse du passif financier.

«Les progrès [d’assainissement] avec quelques sites sont très lents», a mentionné Jerry DeMarco en conférence de presse. «Plus c’est lent, plus ce sera cher pour décontaminer le site.»

Les coûts associés à l’ancienne mine de plomb et de zinc Faro, au Yukon, sont aussi en hausse depuis le dernier audit de 2002, même si les travaux d’assainissement ne sont pas encore commencés.

Le chantier d’assainissement de la mine de Faro, en octobre 2021. (Radio-Canada/Vincent Bonnay)

Cette mine abandonnée en 1998 a laissé des déchets miniers qui pourraient recouvrir l’équivalent de 26 000 terrains de football d’eau contaminée.

Une occasion de réconciliation ratée

Le commissaire indique également que les avantages socioéconomiques de l’assainissement des sites contaminés, comme l’offre d’emploi, échappent en partie aux Premières Nations vivant près des sites contaminés.

Dans le cas de la mine Giant, par exemple, la fourchette cible pour le total des heures travaillées par les travailleurs et travailleuses autochtones du Nord était de 25 % à 35 %, mais le résultat est de 18 %, toujours selon le rapport.

«Nous avons entendu des communautés dire qu’il n’y a pas eu de consultation significative, qu’elles n’ont pas observé de nombreux avantages associés avec l’assainissement, comme des possibilités d’emploi», a dit Jerry DeMarco.

«[Ces collectivités] n’ont pas nécessairement les capacités de s’engager dans tous ces processus sans les mesures de renforcement des capacités déployées par le gouvernement fédéral», a conclu Jerry DeMarco.

Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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