Le transporteur Canadian North critiqué pour sa hausse des tarifs de bagages
La compagnie aérienne Canadian North a récemment annoncé qu’elle ferait bondir sa tarification liée aux bagages enregistrés en soute. Ce changement, en vigueur depuis mercredi, suscite de vives réactions au Nunavut.
Les passagers étaient, jusqu’à maintenant, autorisés à enregistrer un premier bagage sans frais. Or, le 15 mai, Canadian North a annoncé que le coût d’un deuxième bagage – pour le billet au plus bas tarif – augmenterait de 50 %. Celui d’un bagage en surpoids dépassant 23 kg triple sur tous les types de tarifs.
Comme nous dépendons considérablement des compagnies aériennes pour le transport et le fret durant la majeure partie de l’année, l’impact sur le coût de la vie est considérable, soutient l’ancien sénateur du Nunavut Dennis Patterson.
Pénaliser les gens qui transportent des biens essentiels qu’ils ne pourraient pas apporter dans le Nord autrement lorsqu’ils voyagent en provenance du sud du Canada est punitif.
Dennis Patterson, ex-sénateur du Nunavut
Nicole Jackson, une résidente d’Iqaluit, abonde dans le même sens. Elle anticipe que ces changements de tarifications seront un coup dur pour les habitants de petites collectivités, particulièrement depuis que Postes Canada s’est récemment attaquée à une faille qui permettait à des Nunavummiut d’échapper aux frais de livraison sur Amazon.
« Devoir payer ces frais de bagages supplémentaires, c’est difficile. Les gens ne peuvent tout simplement pas se le permettre », dit-elle.
Hausse de 500 % des frais de bagages en surpoids depuis 2019
(Matisse Harvey/Radio-Canada)
Il s’agit de la deuxième hausse de tarification pour les bagages depuis la fusion de Canadian North et de First Air, en 2019, selon une analyse de CBC qui s’est appuyée sur le site Internet Archive, une bibliothèque numérique à but non lucratif qui permet de retrouver des pages archivées. La dernière hausse remonte au 1er mai 2023.
Les frais pour un deuxième sac enregistré passent à 86,25 $, ce qui représente une augmentation de près de 115 % depuis avril 2023, tandis que ceux pour une valise en surpoids bondissent de 500 % pour la même période, pour atteindre désormais 172,50 $.
Par ailleurs, les passagers ne peuvent maintenant enregistrer qu’un maximum de trois bagages au comptoir. Tous leurs autres sacs devront voyager par fret.
Leurs deuxième et troisième valises voyageront également en mode « mise en attente », appelé stand by en anglais. Si l’avion est plein, elles seront placées sur un autre vol en fonction de l’espace disponible, peut-on lire sur le site web de Canadian North.
« Cette [hausse] était tout à fait prévisible et elle peut être d’emblée imputée au gouvernement fédéral », affirme Dennis Patterson, en référence à l’approbation par Transports Canada, en avril 2023, de la révision des conditions établies lors de la fusion entre Canadian North et First Air.
Des conditions ont été mises en place pour protéger les consommateurs de ce type de monopole prédateur.
Dennis Patterson, ex-sénateur du Nunavut
Ces changements ont notamment donné le droit au transporteur aérien de faire grimper de 25 % par année les tarifs sur ses vols de passagers, alors que les conditions de la fusion établissaient un gel de ces tarifs pendant sept ans, hormis une augmentation liée aux coûts d’exploitation.
Canadian North en a ainsi tiré des bénéfices de 10 %, en plus de lui permettre de récupérer des pertes passées de 32,2 millions de dollars, selon des documents obtenus par CBC grâce à la Loi sur l’accès à l’information.
Les frais afférents, notamment les frais de bagages, ne sont pas précisément inclus dans les conditions de la fusion de 2019, indique la porte-parole de Transports Canada, Sau Sau Liu, dans un échange de courriels. Ces derniers sont régis par les tarifs des transporteurs aériens qui sont réglementés par l’Office des transports du Canada.
Ce type de frais afférents constitue une source de revenus majeure pour les compagnies aériennes, indique Gábor Lukács, un militant pour les droits des passagers aériens, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
« En fin de compte, ce n’est pas illégal. Elles peuvent facturer autant qu’elles le souhaitent », dit-il.
Selon le décret ministériel officialisant les modifications des conditions, en avril 2023, Canadian North a déclaré qu’elle ne pouvait continuer à maintenir le service face aux pertes en cours, et qu’une cessation complète des services était probable dans un avenir immédiat.
« La compagnie aérienne profite de l’occasion pour augmenter les revenus découlant de sa plus grande clientèle au Nunavut, lance l’ex-sénateur Dennis Patterson. Nous n’avons pas de voix et nous ne sommes pas consultés dans cette situation d’exploitation créée par le gouvernement fédéral. »
Une mise à niveau pour répondre « aux demandes des clients », selon Canadian North
Canadian North a décliné notre demande d’entrevue, optant plutôt pour une déclaration écrite.
« Ce changement répond directement aux demandes des clients, affirme le vice-président par intérim aux ventes, à la gestion et à la distribution de Canadian North, Trevor Wilde. Nous priorisons la sécurité, l’efficacité et le confort des passagers, et notre objectif est d’ajuster la quantité de bagages enregistrés que nous transportons par rapport à la capacité réelle de notre avion. »
Ce dernier n’a toutefois pas précisé la nature des changements demandés, mais il a assuré qu’ils visaient à ce que les passagers et leurs bagages arrivent à destination en même temps.
« Des changements similaires ont récemment été mis en œuvre par la plupart, sinon la totalité, des autres compagnies aériennes au Canada, ce qui reflète une réponse collective à l’évolution du transport aérien et des besoins des passagers, a-t-il ajouté.
Des frais de bagages supplémentaires parmi les plus élevés
CBC a analysé les tarifs de bagages des principales compagnies aériennes offrant des vols intérieurs au pays, ainsi que pour d’autres transporteurs du Nord.
Cette analyse a révélé que, même si Canadian North est parmi les rares compagnies aériennes à offrir un premier bagage enregistré gratuit pour son billet au tarif le plus bas, ses frais supplémentaires sont les plus élevés.
L’analyse n’a toutefois pas porté sur les comparaisons du coût d’un billet d’avion entre les compagnies aériennes.
« Une fine ligne »
Le ministre des Transports du Nunavut, David Akeeagok, confirme que Canadian North a préalablement informé le gouvernement territorial des changements de sa tarification, mais que son ministère n’a pas cherché à les contester.
David Akeeagok comprend les préoccupations des Nunavummiut, mais il affirme que la quantité de bagages en soute et leurs poids sont devenus un véritable enjeu pour le transporteur aérien.
« Canadian North marche sur une fine ligne, mais je pense qu’il fallait s’y attendre, dit-il. La réalité étant que ce sont soit les bagages qui écopent, soit les passagers. »
« L’augmentation des tarifs n’est qu’un moyen de décourager [les passagers] de voyager avec plus de bagages », ajoute-t-il.
Selon le ministre, les personnes qui voyagent pour des raisons médicales sont toujours autorisées à enregistrer gratuitement deux valises en soute.
Avec les informations de Nick Murray
