La Cour de justice du Nunavut infirme la décision d’un ministre
L’entreprise touristique Weber Arctic pourra récupérer ses permis d’exploitation, selon la décision d’un juge de la Cour de justice du Nunavut, infirmant ainsi la décision du ministre du Développement économique et des Transports, David Akeeagok.
La décision du juge Faiyaz Alibhai (Nouvelle fenêtre), qui met fin à deux années de procédures entre l’entreprise et le territoire, conclut que le ministre, en confirmant en appel la décision du ministère, n’a pas respecté le processus décisionnel approprié.
Selon la Cour, le ministre a donné, d’une part, trop de poids à la position de l’organisation locale de chasseurs et de trappeurs qui s’oppose aux activités de l’entreprise. D’autre part, la compagnie n’a pas été informée de toutes les préoccupations soulevées sur ses activités, ce qui l’a empêchée d’y répondre.
Weber Arctic, établie à Yellowknife, offre un gîte et des excursions touristiques dans le nord de l’île Somerset depuis l’été de l’année 2000. En 2022, le gouvernement du Nunavut a refusé de renouveler ses permis d’exploitation et, depuis, elle est incapable de recevoir des clients ou de faire la promotion de ses services.
L’entreprise a fait appel de la décision au ministre David Akeeagok en 2023, comme le prévoit la procédure. Ce dernier s’est rangé du côté de ses fonctionnaires. La compagnie s’est ainsi tournée vers les tribunaux, la cause ayant été entendue en juillet dernier.
Préoccupations environnementales
Dans sa décision de 2022, le ministère du Développement économique avait indiqué qu’il avait été informé de préoccupations sur l’impact environnemental de l’entreprise.
Les préoccupations avaient été directement soulevées par l’organisation de chasseurs et de trappeurs de Resolute Bay, qui affirmait que les activités, telles que les vols vers le gîte ou les excursions en mer, perturbaient les caribous et les bélugas.
L’organisation inuit avait également indiqué au gouvernement que certains de ses membres hésitaient à pratiquer la chasse au béluga dans le secteur en raison de la présence du gîte touristique.
Dans la révision de la décision, le ministère avait alors exigé de l’entreprise qu’elle obtienne le soutien de Resolute Bay et de l’organisation de chasseurs, mais seule la Municipalité avait offert son appui.
Le juge est d’avis que la requête de soutien revenait à donner tout le pouvoir décisionnel à l’organisation de chasseurs et de trappeurs, ce qui ne correspond pas au rôle légal de l’organisation.
D’autres préoccupations non divulguées
Dans la cause, on signale en outre certaines correspondances entourant des allégations de comportements agressifs de la part de membres de Weber Arctic à l’endroit de représentants de Pêches et Océans Canada durant l’été 2022.
D’autres allégations dans les documents parlent de tirs de fusil à l’endroit d’une équipe indépendante de tournage dans le secteur en 2019 qui se trouvait alors à bord d’embarcations pneumatiques près d’un paquebot. Aucune accusation n’avait été portée par la Gendarmerie royale du Canada à l’époque.
Ces correspondances ont mené à une enquête plus approfondie du chef du tourisme du Nunavut. Mais les résultats de cette enquête, notamment les explications offertes par l’entreprise sur les faits entourant les incidents, n’ont pas été divulgués, ni à l’entreprise ni au ministre avant que ce dernier ne statue en défaveur de la compagnie.
Renouvellement des permis
Le juge ordonne donc au territoire de renouveler les permis jusqu’au 31 décembre prochain selon certaines conditions :
- que les activités de l’entreprise ne nuisent pas aux activités d’autres utilisateurs du secteur, dont des habitants de Resolute Bay, des chercheurs ou des représentants du gouvernement;
- que Weber Arctic ne nuise pas aux mouvements des bélugas du secteur de la baie Creswell;
- que Weber Arctic avise le ministère du Développement économique de toute observation de la présence de caribous sur l’île Somerset en indiquant, dans une période de sept jours de l’observation, l’emplacement, la date et le nombre de caribous.
Pour 2025, le juge ordonne également au gouvernement territorial de renouveler les permis à l’intérieur d’un délai de 30 jours, à moins d’avoir d’autres préoccupations que celles entendues au cours de la cause.
Weber Arctic aura, par ailleurs, le droit de récupérer du territoire les frais engagés pour les procédures judiciaires. L’entreprise estimait, en 2023, avoir perdu plus de 3 millions de dollars en ventes de forfaits de voyage.
Aucune des parties n’a accepté de commenter la décision.
Avec les informations de Samuel Wat
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