Aux Territoires du Nord-Ouest, les diamants ne sont pas éternels

Un pneu traîne dans du gravier, près d'installations entourées d'une clôture, en août 2024.
La mine Diavik a été construite sur une île au milieu du lac de Gras, à 200 km au sud du cercle polaire arctique. Elle est en activité depuis 2003 et cessera sa production de diamants en 2026. (Photo : Radio-Canada/Julie Plourde)

La fermeture de la mine de diamant Diavik, aux Territoires du Nord-Ouest, qui atteindra la fin de sa durée de vie en 2026, est prévue depuis longtemps et n’est une surprise pour personne. Cependant, en l’absence de projets miniers d’envergure pour prendre le relais, d’importantes décisions devront être prises concernant ce territoire pour éviter le déclin de son économie.

Propriété de Rio Tinto, Diavik est comme une petite communauté en plein cœur de la toundra ténoise, à 200 km au sud du cercle polaire arctique.

Construite sur une île de 20 km2 dans le lac de Gras, accessible par une route de glace quelques mois seulement en hiver, la mine est dotée d’une centrale électrique, d’un parc éolien couvrant la superficie de sept pâtés de maisons, d’une piste d’atterrissage, de bâtiments incluant un gymnase, une cafétéria et des logements pour les 1300 employés.

Les travaux d’assainissement et de fermeture sont entamés depuis 2017. Les puits qui ne sont plus exploités sont maintenant fermés. Dès 2026, la démolition des bâtiments commencera, les puits seront inondés d’eau et disparaîtront sous le lac, la végétation repoussera et le site fera l’objet d’un suivi pendant plusieurs années.

Le chef de direction de Diavik, Matt Breen, veut faire de cette fermeture un cas de réussite.

Nous pouvons remettre le terrain dans un état tel qu’il pourrait être utilisé dans le futur par la faune et les gens. Et nous espérons que, dans 200 ans, les gens verront que ces terres font partie du paysage, affirme-t-il.

Portrait de Matt Breen, en août 2024.
Matt Breen est chef de la direction de Diavik. Il indique que le plan de fermeture de la mine est en préparation depuis son ouverture, et qu’il évolue constamment pour répondre aux exigences des changements climatiques et de la réglementation gouvernementale. (Photo : Radio-Canada/Julie Plourde)

Diavik est la deuxième mine de diamants des T.N.-O. à fermer, après la mine Snap Lake, en 2015. Deux autres mines, Ekati et Gahcho Kué, devraient rester en activité encore quelques années, mais leur fermeture est aussi prévue d’ici 2030.

Des retombées sans précédent

Les puits à ciel ouvert de la mine, creusés à même le lac, créent un contraste frappant avec l’environnement intact de cette région riche en ressources.

L’extraction de diamants à même ces puits a généré des milliards de profits pour la minière Rio Tinto. De 2003 à 2023, 144 millions de carats ont été extraits du sous-sol.

Une plaque de métal découpée pour indiquer «Welcome to DDMI Process Plant» est apposée sur le mur à l'intérieur de l'usine.
L’usine de traitement du minerai est située sur le site de la mine. De 2003 à 2023, 144 millions de carats ont été extraits du sous-sol. (Photo : Radio-Canada/Julie Plourde)

Les retombées économiques pour les Territoires du Nord-Ouest ne sont pas négligeables. Selon la mine, les entreprises du Nord se sont partagé 7,5 milliards de dollars de contrats avec Diavik en 20 ans pour divers services comme la construction, l’ingénierie ou les services alimentaires.

Un petit butin qui a fait exploser le produit intérieur brut (PIB) de ce territoire d’à peine 45 000 habitants. En 2003, année d’ouverture de la mine, le PIB provenant de l’exploitation des mines de diamants a bondi de 114 millions à 231 millions. En 2007, il a atteint 880 millions.

Environ le tiers de la main-d’œuvre travaillant dans ces mines de diamants vient des Territoires du Nord-Ouest, explique la directrice de la Chambre des mines des T.N.-O. et du Nunavut, Karen Costello.

À un certain moment, les mines de diamants contribuaient à plus de 50 % du PIB du territoire.

Portrait de Karen Costello, en août 2024.
Karen Costello est la directrice de la Chambre des mines des T.N.-O. et du Nunavut. Elle estime que le futur de ce secteur aux T.N.-O. est toujours prometteur. «Nous avons plus de 90 ans d’histoire minière et ça va continuer, car nous avons un potentiel minier incroyable». (Photo : Radio-Canada/Julie Plourde)

Aujourd’hui, le secteur de l’extraction minière, des carrières et de l’extraction du pétrole et du gaz est toujours prédominant et représente 30 % du PIB des T.N.-O.

Diversifier pour survivre

Même si la fin de cette industrie n’est pas imminente, et que deux autres années de production sont prévues à Diavik, les entreprises du Nord doivent déjà penser à ce qui viendra après.

C’est ce que fait déjà Tłı̨chǫ Investment Corporation, une entreprise qui appartient au gouvernement autochtone Tłı̨cho. Les contrats pour divers services comme en construction ou en ingénierie avec les trois mines de diamants du territoire représentent environ 50 % des revenus annuels de l’entreprise.

On sait que les mines ne sont pas là pour durer éternellement, dit son président, Paul Gruner. Ce n’est pas une surprise, mais ça devient de plus en plus concret. Et on doit tous, pas seulement les Tłı̨chǫ, mais le territoire, contempler ce que ça signifie pour l’avenir.

Paul Gruner dit qu’un plan décennal est en chantier pour trouver des façons de diversifier les débouchés économiques et permettre la survie de l’entreprise.

Karen Costello croit aussi que les entreprises du Nord ont commencé à chercher d’autres avenues pour se maintenir à flot, mais que certaines n’y parviendront pas.

Malheureusement, il y aura des pertes d’activités, dit-elle. Le chiffre d’affaires de certaines entreprises diminuera. Il faut s’y attendre lorsque l’on perd un client important et il faudra du temps pour que de nouvelles idées émergent.

Une histoire qui se répète

Les répercussions de la fin de ce secteur d’activité sont aussi dans la ligne de mire du gouvernement territorial. Presque toute l’économie des T.N.-O. a reposé sur l’industrie du diamant au cours des 20 dernières années.

La ministre des Finances du territoire, Caroline Wawzonek, rappelle toutefois que ce n’est pas terminé, et que la réhabilitation des sites miniers va générer aussi de l’emploi et des occasions d’affaires. Ce n’est pas la première fois non plus que les Territoires du Nord-Ouest vivent la fin d’une ère de prospérité.

L’extraction de l’or a longtemps été le moteur économique du territoire, un secteur qui s’est éteint au moment où les premiers diamants ont été découverts aux T.N.-O.

On était dans une période semblable à celle dans laquelle nous sommes maintenant. On ne savait pas ce qui allait se passer aux Territoires du Nord-Ouest, et tout à coup [on a découvert] des diamants, affirme Caroline Wawzonek, ministre des Finances des Territoires du Nord-Ouest.

La ministre de l’Industrie, du Tourisme et de l’Investissement, Caitlin Cleveland, admet que ces mégaprojets miniers sont difficilement remplaçables.

Alors que nous imaginons un territoire et une économie après ces fermetures, nous devons travailler ensemble pour créer de nouvelles occasions, a déclaré la ministre par courriel.

Le Nord résilient

Avec son potentiel minier toujours important, les T.N.-O. sont sûrs qu’il y a un futur pour l’industrie des mines.

Les Territoires du Nord-Ouest sont riches en ressources, avec d’importants gisements de minéraux en demande, essentiels à la transition vers des technologies propres, y compris des minéraux critiques comme le zinc, les terres rares, le lithium, le cobalt et le tungstène […], poursuit la ministre Cleveland.

Toutefois, le territoire fait face à un manque criant d’infrastructures, ce qui fait exploser les coûts de développement et de construction d’une nouvelle mine, selon Matt Breen.

Je pense que les Territoires du Nord-Ouest sont l’un des lieux les plus pauvres en infrastructures au monde, dit-il.

« Pour y remédier, il faut donc trouver un moyen de construire des routes, de fournir de l’électricité, de mettre en place des installations qui inciteront les gens à venir ici pour trouver des débouchés. »

Malgré ces contraintes, le territoire peut parvenir à saisir ces occasions en faisant preuve d’audace, selon Paul Gruner.

Je pense que notre futur est rempli de possibilités. Il s’agit de se retrousser les manches et de travailler collectivement.

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Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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