L’Hôpital Stanton de Yellowknife coûtera des millions en plus

Le nouvel Hôpital territorial Stanton a officiellement ouvert ses portes à l’été 2019. (Radio-Canada/Katherine Barton)

Selon un rapport d’audit du Bureau du vérificateur général du Canada déposé mardi à l’Assemblée législative des Territoires du Nord-Ouest, le coût global du projet de modernisation de l’Hôpital territorial Stanton a explosé et s’élève maintenant à 1,21 milliard de dollars.

Les coûts réels et prévus sur les 30 ans du cycle de vie du projet représentent ainsi une augmentation de 62 % par rapport au contrat initial de 750 millions de dollars.

Le nouvel hôpital, qui a ouvert ses portes en 2019 après quatre années de construction, est le plus gros projet d’infrastructure jamais entrepris aux T.N.-O.

En 2020, la majorité des députés ont demandé que le Bureau du vérificateur général du Canada jette un œil sur les coûts et sur les répercussions financières à long terme de ce projet.

La salle d’urgence du nouvel hôpital Stanton, à Yellowknife, aux T.N.-O., peut accueillir presque deux fois le nombre de patients de l’ancien hôpital. (Walter Strong/Radio-Canada)

Les conclusions du Bureau font état de lacunes importantes dans la planification, la prise de décision, l’estimation des coûts et les retombées pour le Nord. Le rapport comprend huit recommandations adressées à divers ministères.

La population et le gouvernement des Territoires du Nord-Ouest ressentiront pendant des décennies les conséquences de ces décisions qui ont été prises sans analyse adéquate, a déclaré Andrew Hayes, le sous-vérificateur général du Canada, lors d’une conférence de presse mardi.

« Je suis perplexe devant la série de décisions prises par le gouvernement », ajoute-t-il.

De rénovation à construction

Au départ, il s’agissait de rénover et d’agrandir l’ancien hôpital, et c’est sur cette base que le gouvernement des T.N.-O. a approuvé un partenariat public-privé (PPP), selon le rapport.

Le sous-vérificateur général du Canada, Andrew Hayes. (Vincent Bonnay/Radio-Canada)

Ce type de partenariat permettait au gouvernement territorial de transférer au privé la plupart des risques liés au financement, à la construction, à l’exploitation et à l’entretien.

Le consortium Boreal Health Partnership (BHP) a obtenu ce contrat en 2015.

Or, la soumission retenue, préparée par BHP, proposait de construire un nouveau bâtiment et de rénover l’ancien, ce qui a modifié substantiellement la portée du projet.

Le Bureau du vérificateur général du Canada a constaté que le gouvernement a conclu un PPP sans procéder à une nouvelle analyse pour déterminer la meilleure approche par rapport à un mode d’approvisionnement traditionnel.

Locataire de son propre bâtiment

Le PPP comprenait la rénovation de l’ancien hôpital et sa location à un tiers.

Le promoteur Ventura Stanton inc. a ainsi signé un bail de 30 ans en 2016 avec le gouvernement territorial pour le terrain et l’ancien bâtiment. L’entente prévoyait que le gouvernement touche une partie du loyer.

Selon les constatations du Bureau, le gouvernement n’avait pas envisagé à ce moment qu’il pourrait conserver l’ancien bâtiment et l’utiliser lui-même, au lieu de le louer à d’autres locataires.

Le gouvernement a donc, en 2017, repris en sous-location le bâtiment, devenant ainsi locataire de son propre bâtiment, afin de le mettre à la disposition du ministère de la Santé et des Services sociaux.

En devenant locataire, les T.N.-O. se sont engagés à payer un loyer à Ventura. Le Bureau estime que le gouvernement va débourser 78,6 millions de dollars de plus que s’il avait gardé le bâtiment.

De plus, le gouvernement a choisi en 2020 de procéder lui-même à la rénovation de l’ancien bâtiment, alors que l’entente initiale était de transférer à Ventura les risques et les coûts de réaménagement.

Parmi les recommandations déposées, le Bureau demande au gouvernement de publier les coûts totaux lorsque des changements importants sont apportés au cours du projet, dont les coûts liés à l’accord de location.

Cette recommandation a été refusée par le ministère des Finances, car à ses yeux, la rénovation de l’ancien hôpital ne faisait pas partie du PPP.

Nous disons que le PPP, c’est l’Hôpital territorial Stanton. Et le projet de bâtiment Łıwegǫ̀atì (l’ancien hôpital), même s’il a été conçu en même temps, il l’a été sous une structure différente, a indiqué la ministre des Finances, Caroline Wawzonek, à la suite du dépôt du rapport.

La ministre des Finances, Caroline Wawzonek, a réagi aux conclusions du rapport du Bureau du vérificateur général du Canada. (Radio-Canada/Julie Plourde)

Elle estime aussi que même si le gouvernement est locataire de son propre immeuble, c’était la meilleure décision à prendre.

Après sa rénovation, on a fait quelques calculs pour réaliser que ce serait moins cher de louer cet immeuble plutôt que de continuer à payer des loyers ailleurs, indique la ministre.

« Les vérifications ne sont pas des expériences faciles ou agréables, mais c’est une occasion de revoir nos procédés et c’est ce que l’on a fait au cours des trois, quatre dernières années », ajoute-t-elle.

Pas assez d’avantages pour le Nord

Selon le contrat du nouvel hôpital, les ministères responsables avaient inclus des engagements à fournir des avantages aux entreprises et aux particuliers locaux et du Nord pour la construction du projet.

Entre octobre 2015 et novembre 2018, BHP a déclaré avoir dépensé plus de 71 millions en biens, services et main-d’œuvre dans les collectivités du Nord. Le Bureau du vérificateur général a toutefois constaté que le ministère de l’Infrastructure a publiquement approuvé ce montant, sans avoir au préalable vérifié son exactitude.

Andrew Hayes dit que le montant réel des retombées économiques n’est toujours pas connu.

Certains problèmes avec la documentation [nous ont] permis de conclure que ce montant n’est pas exact. On ne peut pas dire quel est ce montant, mais le ministère devrait pouvoir être transparent avec les résidents des Territoires du Nord-Ouest sur le montant réel qui leur a été redonné, dit Andrew Hayes.

Le rapport indique que la hausse des coûts est due en partie aux impôts fonciers qui ont bondi après l’ouverture de l’hôpital, et qui n’avaient pas été pris en compte par le ministère des Finances lors de l’estimation initiale. Le Bureau estime que ces impôts fonciers indexés sur l’inflation représenteront environ 151,6 millions de dollars sur 30 ans.

Ce projet est source de nombreuses leçons pour les prochains projets à grande échelle afin de garantir que le gouvernement et la population des Territoires du Nord-Ouest bénéficieront d’une utilisation optimale des ressources, conclut Andrews Hayes.

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Julie Plourde, Radio-Canada

Vidéojournalise à Yellowknife

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