Sécurisation culturelle : après la santé, les services sociaux

Un tikinagan, un porte-bébé traditionnel, présenté devant la directrice de la protection sociale atikamekw d’Opitciwan, Nadia Petiquay. La communauté a pris les rênes de la protection de ses jeunes membres. (Photo d’archives/Radio-Canada/Marie-Laure Josselin)

Un rapport de l’Institut du Nouveau Monde (INM) rendu public cette semaine met l’accent sur l’importance de la sécurisation culturelle dans le travail social pour les Autochtones du Québec. Les experts recommandent notamment d’intégrer les réalités, l’histoire et les cultures des Premières Nations et des Inuit de la province dans les formations et pratiques professionnelles.

Les conclusions du rapport remis par trois commissaires des États généraux du travail social, dont Nadine Vollant, directrice générale des services sociaux du Regroupement Mamit-Inuat, appellent au « rapprochement des services sociaux vers la population, notamment auprès des Autochtones ».

Pour ce faire, les commissaires recommandent de décoloniser les pratiques tout en valorisant les savoirs et les cultures.

Les consultations qui ont mené à la publication du rapport de l’INM ont été organisées dans le cadre des États généraux du travail social de décembre 2023. Elles ont noté une insatisfaction de la population en général à l’égard de l’organisation des services sociaux du Québec.

Ainsi, 67 % des personnes consultées, autochtones ou allochtones, estiment que le délai d’attente pour recevoir un service dans leur région est déraisonnable. Qui plus est, 55 % des personnes interrogées estiment que les services sociaux ne sont pas adaptés aux besoins diversifiés de la population.

« Nos recommandations sont le fruit de huit mois de travail composé de rencontres thématiques, de questionnaires avec les gens, de consultations avec plusieurs organisations afin de recueillir les enjeux qui concernent le travail social », déclare en entrevue téléphonique Mme Vollant, Innue originaire de la communauté de Uashat mak Mani-utenam.

Le système n’est pas adapté à la réalité des communautés inuit et des Premières Nations. Notamment, pour la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik, certaines approches entrent en contradiction avec les valeurs et traditions inuit.

Extrait du rapport

Moderniser le fonctionnement du système de santé et de services sociaux est le maître-mot du rapport qui fait état de 50 recommandations pour rétablir la confiance du public. En ce qui concerne les populations autochtones, la travailleuse sociale de formation raconte que le système actuel n’est également pas adapté à la réalité des communautés.

Pour y remédier, elle retient des recommandations plusieurs éléments qu’elle juge importants, comme la formation d’un « nombre accru » de praticiens inuit et issus des Premières Nations. « Avoir des praticiens et praticiennes autochtones qui interviennent auprès de leur communauté est un élément crucial pour assurer la sécurisation culturelle des premiers peuples », soutient Mme Vollant.

Cette recommandation exige la mise en place de formations qui doivent être déployées dans les communautés, mais aussi à l’ensemble des employés qui travaillent en santé et services sociaux, précise la directrice. « On s’assure de mieux accompagner les Inuit et les membres des Premières Nations afin qu’ils se sentent en sécurité lorsqu’ils reçoivent des soins dans les établissements du réseau. »

Les Atikamekw d’Opitciwan ont développé leur propre système de protection de la jeunesse. (Radio-Canada/Marie-Laure Josselin)

Autoriser les communautés à gérer leurs propres services sociaux

Elle ajoute aux recommandations émises la reconnaissance du droit des Autochtones de définir et de gérer leur propre système de services sociaux. «On parle entre autres des projets novateurs comme des initiatives de gouvernances en matière de protection de l’enfance dans les communautés autochtones. »

Elle cite l’exemple de l’adoption de la première loi atikamekw d’Opitciwan, premier gouvernement autochtone au Québec à avoir créé son propre système de protection de l’enfance dans le cadre de la loi C-92, contestée par le gouvernement de CAQ devant la Cour suprême.

« Cela permet pourtant de répondre aux besoins et aux réalités de nos populations avec des interventions qui ont du sens pour une communauté spécifique », dit-elle.

Le système des Atikamekw est depuis devenu un modèle pour d’autres communautés autochtones du Québec qui comptent à leur tour développer leur propre programme de protection de la jeunesse comme les Innus de Mashteuiatsh, au Lac-Saint-Jean.

Mme Vollant précise qu’il faut laisser les communautés autochtones décider du système qui leur convient. Il n’est pas souhaitable de penser à des projets de sécurisation culturelle et de gouvernance uniforme pour toutes les communautés autochtones de manière indifférenciée. Chaque Première Nation a des besoins et des traditions qu’ils lui sont propres, insiste-t-elle.

« Par exemple, sur la Côte-Nord, il y a neuf communautés innues. Et même si elles sont membres de la même nation, leurs histoires ne sont pas les mêmes. Il faut prendre cela en considération quand il y a des interventions auprès de ces populations. »

À lire aussi :

Ismaël Houdassine, Radio-Canada

Pour d’autres nouvelles sur le Canada, visitez le site de Radio-Canada.

Vous avez remarqué une erreur ou une faute ? Cliquez ici !

Laisser un commentaire

Note: En nous soumettant vos commentaires, vous reconnaissez que Radio Canada International a le droit de les reproduire et de les diffuser, en tout ou en partie et de quelque manière que ce soit. Veuillez noter que Radio-Canada ne cautionne pas les opinions exprimées. Vos commentaires seront modérés, et publiés s’ils respectent la nétiquette.
Nétiquette »

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *