Dans les coulisses de la galerie d’art inuit au Musée des beaux-arts de Montréal

Des personnes procèdent au montage de l’exposition dans un musée.
Visite du montage de la galerie ᐆᒻᒪᖁᑎᒃ uummaqutik : essence de la vie au Musée des beaux-arts de Montréal. (Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers)

Dans un élan de reconnaissance et de valorisation des cultures des premiers peuples, le Musée des beaux-arts de Montréal (MBAM) inaugure cette semaine une galerie d’art inuit, dont la présentation des collections est entièrement pensée dans une perspective autochtone. Radio-Canada a eu accès au montage de ces espaces conçus par l’artiste multidisciplinaire et commissaire inuk Asinnajaq.

Ce qui frappe en entrant dans la galerie baptisée ᐆᒻᒪᖁᑎᒃ uummaqutik : essence de la vie, c’est la lumière ambiante. Une clarté naturelle qui émane directement des grandes fenêtres au rez-de-chaussée du MBAM à l’intérieur du magnifique pavillon Michal et Renata Hornstein.

C’est une des raisons pour laquelle je suis vraiment contente de travailler dans cette pièce exceptionnelle, explique tout sourire en entrevue l’artiste et commissaire invitée Asinnajaq.

Elle indique que les fenêtres en question avaient été recouvertes par des rideaux pendant de très nombreuses années. « Je voulais absolument que la lumière pénètre l’espace muséal, mais cela a nécessité beaucoup de travail et d’expertise pour être sûr que les œuvres d’art soient en sécurité dans un environnement aussi lumineux. »

Je crois que beaucoup de ces œuvres n’ont pas vu le soleil depuis leur acquisition, ajoute Asinnajaq, une artiste multidisciplinaire et commissaire inuk. Elles vont dorénavant être baignées d’une lumière qui va radicalement changer la façon dont on les voit.

Une femme dans un musée.
Asinnajaq est une artiste originaire d’Inukjuak au Nunavik. (Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers)

Ce jour-là, en plein montage de la galerie, la conservatrice inuk sait qu’un projet unique prend forme. L’espace rénové se dévoile peu à peu sous sa direction avec l’installation des œuvres dont elle observe la forme et la structure. Il n’y a aucun hasard dans leur disposition, souligne-t-elle.

En tant que responsable de l’exposition, je tente de trouver l’équilibre et l’harmonie entre l’architecture de la pièce et les œuvres d’art.

Dans un ballet minutieux, les techniciens du musée s’affairent à installer avec précaution les sculptures qui, pour la première fois, prennent place au cœur d’un nouvel espace dédié à l’art inuit, alliant tradition et modernité.

Avant leur disposition, j’essaye de comprendre comment les œuvres peuvent communiquer entre elles. C’est important d’écouter les œuvres d’art et de savoir où et comment elles veulent être vues. Je pense qu’il s’agit en grande partie de s’écouter soi-même.

Une œuvre exposée dans un musée.
La galerie présentera durant les cinq prochaines années quelque 120 œuvres en rotation. (Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers)

Un regard autochtone sur l’art autochtone

La conservatrice, originaire d’Inukjuak au Nunavik, est elle-même issue de cette culture du Grand Nord. Elle fait le pont entre deux univers : celui des artistes nordiques et celui des visiteurs qu’ils soient Autochtones ou non.

Je pense que l’art en général et l’art inuit en particulier, c’est l’interconnexion des générations et l’opportunité de partager des connaissances et des émotions. J’espère que les gens vont prendre le temps d’être en relation avec les œuvres et de faire partie de ce monde, le temps de leur visite.

La collection du MBAM rassemble les productions de quelque 300 artistes originaires de régions allant de l’Alaska au Groenland (Kalaallit Nunaat), en passant par les territoires circumpolaires canadiens, dont le Nunavik.

L’art inuit est un art toujours vivant qui met en scène le quotidien des êtres humains dans un environnement culturel habité par des modes de pensée séculaires.

Elle précise que la galerie sera évolutive, actualisée au fil des saisons. Au cours des cinq prochaines années, elle présentera en rotation quelque 120 œuvres de 70 artistes inuit provenant du Nunavut, du Nunavik, du Nunatsiavut (territoire autonome de Terre-Neuve-et-Labrador) et des régions désignés des Inuvialuit (Arctique de l’Ouest canadien).

Deux hommes s'affairent à installer une sculpture.
Les techniciens du musée installent avec précaution les sculptures, le tout sous la direction de la conservatrice. (Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers)

L’espace, véritable ode à la culture des premiers peuples du nord, se veut aussi le miroir de la diversité des expressions artistiques inuit contemporaine, poursuit-elle. Les nouveaux espaces totalisant plus de 200 mètres carrés permettent de doubler la superficie consacrée à la présentation de l’art inuit au Musée.

Outre, les sculptures, elle réunit des estampes, des dessins, des œuvres textiles, des photographies, des peintures et des installations, déclare la conservatrice qui a travaillé en étroite collaboration avec Léuli Eshrāghi, conservateurice des arts autochtones au MBAM et Jacques Des Rochers, conservateur principal de l’art québécois et canadien.

Ce dernier soutient que la direction du musée de la rue Sherbrooke voulait depuis longtemps un espace consacré entièrement à l’art inuit.

La galerie est située juste à l’entrée avant les grands escaliers qui mènent aux expositions temporaires. Les visiteurs ne pourront pas la manquer, assure-t-il.

Deux homme et une femme posent dans un musée.
La conservatrice (au centre) a travaillé en étroite collaboration avec Léuli Eshrāghi, conservateurice des arts autochtones au MBAM (à droite) et Jacques Des Rochers, conservateur principal de l’art québécois et canadien (à gauche). (Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers)

Une collection enrichie

L’institution a d’ailleurs récemment enrichi sa collection avec l’acquisition de nombreuses œuvres, notamment en art graphique pour lesquels les artistes inuit sont particulièrement féconds.

Le musée possède aujourd’hui une collection de dessins très précieux qui auront leur place dans la galerie, dit M. Des Rochers.

De son côté, la conservatrice Asinnajaq mentionne la présence d’œuvres uniques présentées pour la première fois au public, comme la sculpture détaillée de Charlie Alakkariallak Inukpuk, disposée à l’entrée de la galerie.

Regardez la finesse de cette œuvre, c’est vraiment magistral, lance-t-elle en la pointant du doigt. Elle illustre un groupe de femmes en train de coudre des peaux de phoque sur un umiaq, un type d’embarcation traditionnelle des populations arctiques.

Une femme observe des sculptures dans un musée.
Asinnajaq observe les sculptures inuit disposées dans la galerie. (Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers)

Il y a aussi celle de Lucassie Echalook, un artiste qui consacre sa carrière à la représentation du savoir inuit traditionnel, dans ce cas-ci, quatre femmes recouvrant un kayak (qajaq en inuit) d’une peau de phoque.

Ces artistes établissent un véritable dialogue avec les ancêtres. Chaque œuvre d’art raconte sa propre histoire. Elle possède sa propre âme et sa propre raison d’être.

La vision personnelle de la conservatrice s’illustre jusqu’aux cartels, ces étiquettes ou notices que l’on retrouve généralement placées à côté des œuvres exposées dans un musée permettant leur identification, ainsi que leur auteur. Asinnajaq a pris soin de les rédiger d’une manière différente de la tradition muséale.

Je veux que ça soit poétique. Je ne veux pas en dire trop sur l’œuvre d’art ou d’expliquer comment elle a été faite. Je souhaite au contraire proposer des réflexions qui offrent aux visiteurs l’occasion de penser autrement, dit-elle.

Une femme et deux hommes installent une sculpture.
Les techniciens du musée installent avec précaution les sculptures, le tout sous la direction de la conservatrice. (Photo : Radio-Canada/Ivanoh Demers)

Elle rappelle que les œuvres inuit du MBAM étaient auparavant disposées au quatrième étage dans le pavillon d’art québécois et canadien. Leur décloisonnement coïncide avec la volonté de mettre sous les projecteurs le patrimoine culturel nordique, souvent incompris ou marginalisé, soutient la commissaire.

L’un des objectifs de cette galerie, c’est d’ouvrir les yeux sur la richesse et la diversité de l’art inuit, au-delà des clichés, conclut-elle.

Les portes de la galerie consacrée à l’art inuit du MBAM seront ouvertes au public dès le 8 novembre.

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Ismaël Houdassine, Radio-Canada

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