L’industrie minière en quête d’une nouvelle relation avec les Autochtones

Brucejack Mine in northwest B.C. in an undated photo. The mine is part of Nations Royalty’s portfolio of royalty assets, through the Nisga'a Nation.
La mine Brucejack, dans le nord-ouest de la Colombie-Britannique. (Photo d’archives/Nations Royalty via Canadian Press)

Un texte de Corentin Mittet-Magnan

La conférence annuelle de l’industrie de l’exploration minière, AME Roundup, qui s’est tenue la semaine dernière à Vancouver, a mis l’accent sur l’implication des Autochtones dans les projets miniers. De nouvelles législations sont en préparation en Colombie-Britannique et au Yukon, mais certaines Premières Nations et certains observateurs du secteur minier doutent déjà de leur efficacité.

David Eby, le premier ministre de la Colombie-Britannique, a pris la parole lors du dernier jour de cette édition 2025. Il a insisté sur la volonté de son gouvernement de miser sur l’industrie minière : Nous devons accélérer l’octroi des permis. Nous devons extraire les métaux et les minéraux du sol. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous mettons l’accent sur le travail de réconciliation.

Selon lui, les communautés autochtones souhaitent ardemment participer à l’exploitation des ressources sur leurs territoires, mais elles ne participent pas à la phase d’exploration et de prospection, en tant qu’investisseurs et soutiens, comme elles le pourraient.

D’ailleurs, un nouveau cadre de consultation entrera en vigueur le 26 mars en Colombie-Britannique. Il obligera les prospecteurs souhaitant déposer un claim minier dans la province à consulter les Premières Nations présentes dans la zone.

Les consultations en vue d’établir une nouvelle législation ont été lancées après que la province a perdu un procès en 2023, dans lequel les Premières Nations Gitxaała et Ehattesaht ont déclaré que l’absence de consentement éclairé avant l’approbation d’une demande était discriminatoire.

Au Yukon, le gouvernement territorial souhaite qu’un nouveau cadre législatif sur l’exploration et l’exploitation minière entre en vigueur avant les prochaines élections en novembre 2025.

En marge de la conférence, le ministre de l’Énergie, des Mines et des Ressources du Yukon, John Streicker, expliquait vouloir moderniser la législation pour refléter les traités modernes avec les Premières Nations.

Le directeur général et président de l’AME, Keerit Jutla, a aussi mis en avant la volonté de l’industrie minière de trouver des moyens de travailler ensemble de façon plus respectueuse et collaborative.

Deux hommes assis dans des fauteuils discutent sur une scène.


Transformer les paroles en actes

Reste maintenant à dépasser les déclarations d’intérêts pour concrétiser l’objectif affiché de partenariats fructueux entre les entreprises minières et les communautés autochtones dont les territoires font l’objet de projets d’exploration et d’exploitation minière.

Eric Morris, chef du conseil des Teslin Tlingit, dont le territoire est à cheval sur la Colombie-Britannique et le Yukon, était présent à cette conférence comme plusieurs autres représentants de Premières Nations de la province et du territoire.

Nous avons discuté avec le gouvernement de la nécessité de nous inclure dans des prises de décision partagées et dans les consultations partagées, explique-t-il.

Selon lui, en général, les communautés autochtones ne sont pas opposées à l’exploitation minière. Il demande cependant un développement responsable. Eric Morris assure que la volonté de sa nation est d’établir une relation fructueuse avec les entreprises.

Des règles qui peuvent encore être améliorées

Cette relation pourrait cependant être compromise par le nouveau cadre de consultation voulu par le gouvernement provincial. Robert Phillips, membre du Conseil des leaders des Premières Nations de la Colombie-Britannique, craint que, dans sa forme actuelle, ce nouveau système puisse compromettre la capacité des nations à répondre à des demandes d’exploitation sur leur territoire.

Nous parlons de milliers et de milliers de demandes qui arrivent sur les tables des Premières Nations, ce qui fait que nous sommes surchargés, note Robert Phillips, Conseil des leaders des Premières Nations de la Colombie-Britannique.

Les nouvelles règles en préparation pourraient ne pas faciliter les choses. Le nouveau cadre prévoit en effet que toute personne qui dépose une demande d’exploitation minière envoie un dossier de consultation à la province, qui le transmet par la suite aux Premières Nations locales compétentes.

Cette étape est suivie d’une période de 30 jours pendant laquelle la province fait l’intermédiaire entre le demandeur et les Premières Nations. Des consultations se tiennent ensuite pendant 60 jours maximum avant une prise de décision finale.

Rodrigue Turgeon, coresponsable du programme national de MiningWatch Canada et avocat en droit de l’environnement, évoque la même problématique que Robert Phillips.

« On observe des nations autochtones qui sont débordées par la tâche. Certaines sont soumises à des dizaines, sinon plus, de projets miniers par autant de compagnies minières de manière simultanée sur leur territoire. Elles n’ont pas toujours les ressources pour pouvoir répondre à l’ensemble de ces projets », dit-il.

Rodrigue Turgeon, le co-responsable du programme national de MiningWatch Canada et avocat en droit de l’environnement.

Selon l’avocat, les textes législatifs au Canada peinent encore à respecter le droit des peuples autochtones au consentement libre et éclairé comme indiqué dans la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones (Nouvelle fenêtre) que le Canada a fini par appuyer en 2016 après des années de refus.

Rodrigue Turgeon estime toutefois qu’on y est presque dans plusieurs provinces ou territoires, mais qu’il manque une volonté politique de tenir tête à l’industrie minière.

Avec des informations de Jackie Hong et Akshay Kulkarni

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