Des craintes entourant l’avenir d’un programme national pour enfants inuit

L’inquiétude est montée d’un cran, au Nunavut, depuis qu’Ottawa a annoncé un contrôle plus serré des critères d’admissibilité au programme du principe de Jordan. Ces changements ont des effets ricochets sur l’« Initiative les enfants d’abord » (ICFC).
Le gouvernement fédéral n’a pas encore annoncé s’il renouvellera le financement de ce programme national, qui doit prendre fin le 31 mars.
Dans le cas du Nunavut, ce programme finance notamment l’accès à des orthophonistes, à des traitements liés au trouble du spectre de l’alcoolisation fœtale et à des programmes d’alimentation scolaire.
Il finance également des programmes de bons alimentaires en offrant aux familles nunavummiut une somme mensuelle de 500 $ par enfant pour l’achat de nourriture, ainsi que 250 $ supplémentaires pour les enfants de moins de 4 ans.
En tout, 18 des 25 communautés du Nunavut en bénéficient, ce qui représente 13 000 enfants inscrits.
De nouvelles règles en vigueur

Dans un échange de courriels, le ministère des Services aux Autochtones dit que plusieurs changements touchent désormais les critères d’admissibilité de l’ICFI.
Les demandes doivent inclure les pièces justificatives appropriées provenant d’un professionnel qui relie clairement le produit, le service ou l’assistance demandés aux besoins spécifiques de l’enfant, indique la porte-parole du ministère des Services aux Autochtones, Jacinthe Goulet.
Le ministère affirme également que plusieurs éléments précédemment approuvés dans le cadre du programme ne le sont plus, notamment :
- l’achat, la construction ou la rénovation de maisons;
- le soutien lié à des événements sportifs ou à des entraînements de sport d’élite;
- les voyages internationaux (sauf pour des besoins médicaux exceptionnels d’un enfant inuk);
- les frais non médicaux comme ceux reliés aux déplacements, à la garde d’enfants, aux vêtements, les meubles et les véhicules;
- les demandes liées à l’école (sauf si elles découlent d’un besoin médical, social ou éducatif de l’enfant inuk).
Par ailleurs, selon le ministère, le fait qu’une demande a été approuvée dans le passé ne signifie pas qu’elle sera de facto renouvelée.

Cri du cœur
Au Nunavut, les changements annoncés sont un coup dur pour de nombreuses familles.
Caroline Kuksuk, une résidente d’Arviat, affirme qu’elle doit se rendre jusqu’à Winnipeg dans quelques jours pour rendre visite à sa fille de 17 ans. Cette dernière vit dans une famille d’accueil depuis l’âge de 2 ans en raison d’une maladie grave qui requiert des soins spécialisés.
J’ai appris que les règlements avaient changé, alors je vais être obligée de [payer] un hôtel, se désole-t-elle, des sanglots dans la voix. Je suis une mère de famille monoparentale sans soutien du père de mes enfants.
Dans la communauté d’Arviat, qui compte quelque 3000 habitants, le maire, Joe Savikataaq junior, estime à environ 1400 le nombre d’enfants inuit qui bénéficient de ce programme. Il craint surtout que cette dernière ne soit renouvelée au-delà du 31 mars.
La prorogation du Parlement ralentit tout, dit-il. J’espère que, dès le retour [du président de la Chambre des communes, du premier ministre, des ministres et des secrétaires parlementaires], ils s’occuperont de ce dossier et nous feront savoir si l’initiative continuera ou non, plutôt que de nous laisser en suspens.
Le 12 février, le président de l’organisme national Inuit Tapiriit Kanatami, Natan Obed, a envoyé au premier ministre Justin Trudeau une lettre qui l’exhorte à intervenir pour prolonger l’ICFI.
Si le financement du programme n’est pas renouvelé, de nombreuses familles seront à nouveau vulnérables à la discrimination raciale systémique qui caractérise la prestation de services de santé et d’éducation dans l’Inuit Nunangat, affirme Natan Obed, président de l’organisme national Inuit Tapiriit Kanatami.

J’espère qu’il ne s’agit pas simplement d’un calcul froid de priorités politiques dans lequel le pays a décidé qu’il avait dépensé trop d’argent pour les peuples autochtones, et que c’est l’un des domaines dans lesquels il devrait commencer à serrer les cordons de la bourse, a déploré Natan Obed.
Il affirme que des inquiétudes concernant la survie de l’ICFI ont commencé à émerger bien avant la prorogation du Parlement, le 6 janvier. Il ajoute qu’il a senti qu’Ottawa prendre ses distances au cours des six derniers mois.
Avec les informations d’Emma Tranter, Selma Eccles et de La Presse canadienne
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