Fin de parcours pour la Nunavut Quest, un lieu d’échange multigénérationnel

Mercredi, huit qimuksiqtiit, des conducteurs de traîneau, franchissent la ligne d’arrivée qui vient clore un périple d’environ huit jours entre Pond Inlet et Igloolik, à l’occasion de la course annuelle Nunavut Quest.
Depuis sa création, en 1999, la course de chiens de traîneau est une tradition incontournable du printemps sur l’île de Baffin.

« C’est une course que j’attends impatiemment chaque année et je me sens très privilégiée de pouvoir contribuer à son organisation », affirme Shanshan Tian, une résidente d’Igloolik chargée de chronométrer les huit participants et leurs attelages.
C’est l’occasion pour les Nunavummiut de célébrer [et] de constater le travail accompli par les conducteurs [de chiens de traîneau] pour maintenir en vie les traditions, dit Shanshan Tian, chronométreuse de la course.
Les communautés de départ et d’arrivée du nord de l’île de Baffin varient d’une année à l’autre. Cette année, le choix s’est arrêté sur Pond Inlet et Igloolik, qui sont séparées par environ 400 kilomètres.
Le chemin est un peu ardu par endroits, soutient Shanshan Tian.La traversée de l’île de Baffin comporte des zones de neige très profondes […] de nombreuses collines vallonnées, ainsi que des ascensions à faire pour les mushers et les conducteurs de motoneige.

La Nunavut Quest comprend une série d’arrêts qui permettent aux participants, aux chiens et aux équipes de soutien de se reposer avant de reprendre la route le lendemain. Des difficultés d’ordre logistique et météorologique peuvent toutefois influer sur le nombre d’arrêts et leur durée.
Chaque jour, le musher part dans un ordre différent qui est déterminé en fonction de l’ordre d’arrivée de la veille, explique Shanshan Tian.Les résultats ne sont rendus publics qu’à la toute fin.
Un événement multigénérationnel
Pour David Oyukuluk, sacré grand vainqueur de la course en 2023, l’événement est d’abord et avant tout une occasion de rassemblement. Tout le monde se retrouve, partage de la nourriture traditionnelle et joue à des jeux parfois
, souligne-t-il.
David Oyukuluk raconte que, lorsqu’il a participé à de précédentes éditions de la Nunavut Quest, plusieurs membres de sa famille l’ont accompagné en motoneige pour former son équipe de soutien. J’étais accompagné de mon fils, mon père, ma mère, mon petit frère et mon neveu
, dit-il, le sourire dans la voix.
Le conducteur de chiens de traîneau (qimuksiqti, en inuktitut) a appris cette tradition ancestrale en accompagnant son père, qui a pris part à la course en 2007. Après plusieurs années, d’apprentissage, il s’est lancé dans la course pour la première fois en 2018.
Pendant cette course, j‘ai terminé avant-dernier, se souvient le qimuksiqti originaire d’Arctic Bay.Tout est toujours plus difficile la première fois.
David Oyukuluk n’a pas pris part à la course cette année, mais se dit déterminé à être de la partie en 2026.

Maintenir en vie une tradition ancestrale
Ces dernières années, l’Association inuit de Qikiqtani (AIQ) multiplie les efforts pour revitaliser la culture des chiens de traîneau, qui a été lourdement ébranlée par l’abattage des chiens de traîneau par des agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), entre les années 1950 et 1970.
Les victimes ont notamment dû attendre plusieurs décennies et une commission d’enquête, la Commission de vérité du Qikiqtani, avant de recevoir des excuses officielles du gouvernement fédéral, en 2019.
L’AIQ, qui représente les Inuit de l’île de Baffin, est à l’origine d’une conférence annuelle sur la culture des chiens de traîneau et d’un programme qui soutient financièrement les qimuksiqtiit. Elle finance notamment les prix décernés aux vainqueurs de la Nunavut Quest et aux autres participants de la course.
« Quand nous avons initialement lancé le programme de revitalisation des chiens de traîneau, nous recevions en moyenne 30 à 40 candidatures par an dans la région. L’an dernier, nous en avons reçu un peu plus de 80. Donc nous constatons un intérêt grandissant », affirme la directrice des programmes et des services destinés aux Inuit de l’AIQ, Hagar Idlout-Sudlovenick.
Elle note que la tradition des chiens de traîneau intéresse de plus en plus la jeune génération, ce qu’elle juge inspirant. C’est vraiment beau de constater que [les jeunes] ont développé un grand intérêt
, dit-elle.
Cette tradition est particulièrement précieuse aux yeux de David Oyukuluk, qui prévoit conserver son attelage encore plusieurs années : Les chiens sont très utiles. De nos jours, les motoneiges tombent en panne. Les chiens, eux, ne tombent pas en panne. Tant qu’ils se portent bien, ils peuvent continuer. Pour notre culture, il est essentiel de perpétuer cette tradition
, conclut le qimuksiqti.
Avec des informations d’Eli Qaqqasiq-Taqtu
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