ette étude montre que les traitements de semences aux néonicotinoïdes dans les grandes cultures au Québec sont utiles dans moins de 5 % des cas, étant donné le très faible niveau de pression et de dommages associés aux parasites, et qu'ils ne doivent pas être utilisés à titre prophylactique. En la photo, une abeille pollinise des fleurs dans un jardin à Chelsea, au Québec. (Photo : THE CANADIAN PRESS/Adrian Wyld)

Les pesticides «tueurs d’abeilles» ne sont efficaces que dans 5 % des cultures

Au début de la pandémie, un groupe de chercheurs canadiens a publié une étude sur l’efficacité des pesticides, connus communément comme « tueurs d’abeilles », sur le contrôle des insectes nuisibles dans les champs agricoles. Les résultats sont sans équivoque, ces pesticides sont utiles dans moins de 5 % des cas. 

Dans la province du Québec, les organismes ravageurs de sols agricoles, notamment les vers fil de fer (coléoptère Elateridae), sont principalement gérés avec des pesticides appliqués directement sur les semences avant les semis.

Les semences enrobées de néonicotinoïdes sont largement utilisées au Québec depuis plusieurs années.

Afin d’analyser la valeur agronomique et économique des traitements de semences aux néonicotinoïdes dans le soja et le maïs, l’équipe de chercheurs de l’entomologiste Geneviève Labrie a mené des essais de 2012 à 2016 dans 84 champs répartis dans sept régions québécoises.

Les chercheurs du Centre de recherche sur les grains (CEROM) ont évalué l’effet des traitements de semences aux néonicotinoïdes sur la densité des parasites du sol, les dommages aux cultures et le rendement. Les résultats ont montré que 92,6 % des champs de maïs et 69 % des champs de soja avaient moins d’un ver fil de fer par piège. Cependant, aucune différence significative dans le peuplement ou le rendement des plantes n’a été observée entre le maïs ou le soja traité et non traité au cours de l’étude.

Cette étude montre que les traitements de semences aux néonicotinoïdes dans les grandes cultures au Québec sont utiles dans moins de 5 % des cas, étant donné le très faible niveau de pression et de dommages associés aux parasites, et qu’ils ne doivent pas être utilisés à titre prophylactique.Extrait de l'étude

Les chercheurs ont proposé que des stratégies de lutte intégrée contre les ravageurs soient élaborées pour les insectes nuisibles du sol afin d’offrir des solutions de rechange efficaces aux producteurs.

Les insectes ravageurs des cultures

La larve du coléoptère Elateridae mange les jeunes plants. (Photo : iStock/Lyubov Demus)

L’étude dirigée par la Dre Labrie a passé en revue les divers insectes qui mettent les cultures canadiennes à risque, particulièrement les vers fil de fer qui sont considérés comme les principaux ravageurs des sols dans le monde entier. On en trouve plus de 1000 espèces en Amérique du Nord et 370 au Canada, dont 30 espèces importantes sur le plan économique.

Une étude récente a rapporté que 9 genres de vers fil de fer sont présents au Québec, le ver fil de fer abrégé, Hypnoidus abbreviatus Say, étant l’espèce la plus abondante. Elle représente 72 % de tous les vers fil de fer répertoriés dans les grandes cultures.

Les vers fil de fer sont des parasites de début de saison qui peuvent endommager les graines et les semis au printemps et réduire l’établissement et la croissance des jeunes plantes dans les champs.

Par ailleurs, les mouches des grains (Delia platura Meigen, D. florilega) sont aussi des ravageurs de nombreuses cultures maraîchères et de grandes cultures. Ils peuvent causer de graves pertes économiques lorsque les larves pénètrent dans les graines ou les semis en germination et minent les cotylédons, les petites pousses ou les jeunes racines avant la germination.

Il s’agit généralement de parasites sporadiques des grandes cultures, principalement attirés par la matière organique ou les cultures de couverture incorporées dans le sol avant le semis. Au Québec, la mouche des grains est observée sporadiquement dans les champs de soja ou de maïs, mais son impact n’a pas été évalué à grande échelle.

Pour le maïs, dit le rapport de recherche, certaines études ont examiné les différences de rendement entre les semences traitées et non traitées. (Photo : Alexandrum79/iStock)

Le débat autour de l’utilisation des pesticides néonicotinoïdes s’est principalement concentré sur l’augmentation potentielle du rendement du maïs et du soja. Des études récentes ont cherché à analyser si des différences de rendement peuvent être observées dans le soja avec ou sans traitement des semences par des néonicotinoïdes ciblant les pucerons du soja (Aphis glycines Matsumura).

Selon l’équipe du CEROM, quelques études ont montré des augmentations de rendement avec l’utilisation de semences traitées aux néonicotinoïdes, principalement lorsque plus d’un type de parasite était présent dans le champ, tandis que d’autres études n’ont présenté aucune différence. Cependant, ces études se sont concentrées uniquement sur les parasites de surface, et aucune n’a évalué l’utilité des néonicotinoïdes contre les insectes nuisibles du sol dans le soja.

Cependant, les résultats ne sont pas cohérents, une récente méta-analyse couvrant 15 ans de fortes doses de néonicotinoïdes appliquées pour lutter contre la chrysomèle des racines du maïs dans l’ouest et le nord de l’Indiana ne montrant aucune différence de rendement, tandis qu’une autre étude couvrant 14 ans et 91 essais dans le sud des États-Unis a montré un rendement supérieur de 700 kg/ha dans le maïs traité. Dans la partie nord-est du Canada, qui présente des conditions climatiques et des pratiques agronomiques différentes, aucune étude n’a été réalisée pour évaluer la pression exercée par les insectes nuisibles présents dans le sol ou l’impact de l’utilisation de traitements insecticides des semences de maïs et de soja.Extrait de l'étude

Cette étude a été conçue pour évaluer les paramètres agronomiques liés au soja et au maïs plantés avec des semences traitées aux néonicotinoïdes ou des semences non traitées à grande échelle sur une période de cinq ans au Québec.

Les principaux objectifs de ce projet étaient d’évaluer l’impact des traitements de semences aux néonicotinoïdes sur l’incidence et l’abondance des vers fil de fer et autres insectes nuisibles du sol et le rendement du soja et du maïs.

Rappelons que c’est l’enquête du journaliste de Radio-Canada Thomas Gerbet qui avait déclenché l’intérêt sur cette question et qui a encouragé le débat autour des pesticides dans l’opinion publique de la province.

Par ailleurs, selon le journaliste, durant les cinq années qu’a duré l’étude, le travail des scientifiques a été critiqué par des représentants de l’industrie des pesticides et des producteurs de grains.

Les chercheurs ont été l’objet de pressions au sein du Centre de recherche sur les grains administré par une majorité d’industriels, à l’époque, mais financé par des fonds publics. Plusieurs scientifiques du projet avaient fini par démissionner.

C’est cette ingérence du privé dans la recherche publique qu’avait dénoncée le lanceur d’alerte Louis Robert. Cette affaire est actuellement l’objet d’une enquête menée par la protectrice du citoyen.

En complément :

RCI avec des informations de la revue scientifique PLOS ONE, Radio-Canada.
Catégories : Environnement et vie animale, Santé, Société
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