Pour découvrir ou (re)découvrir les œuvres de l’artiste inuite canadienne Annie Pootoogook
Les crayons de couleur d’Annie Pootoogook ont permis d’illustrer la vie dans le Nord canadien avec sensibilité, en plus de brosser un portrait du quotidien empreint d’une vérité déconcertante. Rétrospective de l’oeuvre importante de cette artiste inuite, décédée de façon tragique l’an dernier dans la capitale du Canada, Ottawa.
En septembre 2016, le fait divers faisait la manchette : le corps d’une femme avait été retrouvé dans la rivière Rideau. Il s’agissait de l’artiste Annie Pootoogook.
Originaire de Cape Dorset au Nunavut, elle était d’abord venue à Ottawa à titre d’interprète pour accompagner une personne malade. Annie Pootoogook a vécu les huit dernières années de sa vie dans la capitale.
L’agente d’éducation au Musée des beaux-arts du Canada, Béatrice Djahanbin se désole de la disparition hâtive de cette artiste prometteuse à l’âge de 47 ans.
Une famille reconnue dans l’art inuit
Annie Pootoogook grandit sur l’île de Baffin au sein d’une famille d’artistes de renom. Son père pratique la sculpture. Sa mère et sa grand-mère, elles, sont deux figures emblématiques de l’art graphique inuit.
À 28 ans, Annie Pootoogook choisit de marcher dans les traces de son aïeule. Elle fréquente d’abord la coopérative d’artistes de Cape Dorset. Au départ, ses dessins respectent un style plus traditionnel, très prisé au Sud.
La vie quotidienne comme source d’inspiration
L’artiste avant-gardiste se dissocie ensuite de cette mouvance. Elle utilise plutôt ses crayons pour représenter la vie telle qu’elle la connaît. Dans ses dessins se côtoient les réalités autochtones du Nord, alors que les traditions culturelles inuites évoluent aux côtés d’éléments plus modernes.
« Annie Pootoogook est vraiment l’artiste inuite qui a commencé à représenter non pas les thèmes traditionnels auxquels on s’attendait, mais la vie contemporaine […], explique Béatrice Djahanbin. Souvent, il y a des aspects personnels. Ça peut être aussi joyeux et d’autres fois plus sombre. »
En 2006, Annie Pootoogook remporte le prix Sobey pour les arts, une prestigieuse récompense dans le domaine des arts visuels au Canada, assortie d’une bourse de 50 000 $.
L’héritage de Pootoogook à Ottawa
Le public d’Ottawa peut se mesurer à l’une de ses oeuvres imposantes au Musée des beaux-arts du Canada. D’une dimension d’un mètre par deux mètres, Congélateur de Cape Dorset trône dans la salle d’art canadien et autochtone.
Pour Béatrice Djahanbin, ce dessin révèle la part d’humour ironique dans l’oeuvre de Pootoogook.
«On est dans le Nord, mais les gens vont acheter de la nourriture congelée.» – Béatrice Djahanbin, agente d’éducation au Musée des beaux-arts du Canada
Le dessin montre bien la pauvreté de l’offre alimentaire dans le Nord, en plus de dépeindre les contrastes vestimentaires entre tradition et modernité. Une femme porte un bébé sur son dos; un homme est coiffé d’une casquette de baseball.
Congélateur de Cape Dorset est exposé au Musée des beaux-arts du Canada jusqu’au 4 décembre.
Dans la région de Toronto, la Collection d’art canadien McMichael présente jusqu’en février une première rétrospective consacrée aux oeuvres de Pootoogook depuis sa mort.
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