Les forêts canadiennes brûlent de plus en plus en raison des changements climatiques

Photo d’archives datant de mai 2016 montrant l’ampleur de la destruction dans la région de Fort McMurray (centre du Canada) à la suite des feux de forêt. Jason Franson/La Presse canadienne)
Les feux de forêt font les manchettes chaque été, mais l’ampleur et l’intensité des brasiers des dernières années fait craindre le pire. Est-ce la nouvelle norme, comme l’a suggéré le premier ministre de la Colombie-Britannique (Ouest canadien)? Ces importants incendies sont-ils en augmentation? Plusieurs experts suggèrent que oui.

Au Canada, approximativement 2,5 millions d’hectares de forêt brûlent par année, soit environ la moitié de la superficie de la province de la Nouvelle-Écosse (est du Canada). Et cette moyenne a doublé depuis le début des années 70, selon Mike Flannigan, professeur en feux de forêt à l’Université d’Alberta (centre-sud du Canada).

« Mes collègues et moi-même associons cette augmentation aux changements climatiques causés par les humains et je ne peux pas le dire plus clairement », dit-il.

C’est aussi la conclusion à laquelle arrive Chelene Hanes, chercheure spécialiste des feux de forêt au Service canadien des forêts, une branche de l’organisme fédéral Ressources naturelles Canada. Dans le cadre d’une étude qui sera bientôt publiée, elle a mené une analyse statistique sur les données de feux des 60 dernières années qui démontrent bel et bien une augmentation significative de la superficie brûlée par année.

Ces experts ont non seulement remarqué une augmentation significative de la superficie et de l’intensité des feux, mais ont observé que le phénomène s’intensifie particulièrement dans l’ouest du pays.

Moins de feux causés par les humains

Au Canada, un peu plus de la moitié des feux de forêt répertoriés sont causés par des humains. Par contre, ces incendies ne sont responsables que d’une petite proportion de la superficie brûlée par les feux.

Comme on peut l’observer sur le graphique, la proportion de la superficie ravagée par des feux de source humaine est à la baisse depuis les années 80.


Ceci s’explique par le fait que les feux d’origine humaine « sont allumés à des endroits où l’on peut les éteindre facilement », explique Yves Bergeron, professeur de foresterie à l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT).

Pour leur part, les feux naturels naissent et croissent rapidement en raison de conditions météorologiques très particulières, comme lors de grandes sécheresses.

Marc-André Parisien, du Service canadien des forêts, explique que peu d’études portent sur les feux de forêt causés par les humains, mais il soupçonne que la prévention, l’éducation populaire et l’efficacité de la lutte initiale des sapeurs-pompiers expliquent la diminution du nombre de feux causés par les humains.

En contrepartie, les chercheurs remarquent une augmentation des feux de foudre; en fait, il s’agit de la cause quasi unique des feux d’origine naturelle.

Sur cette carte, chaque point représente les feux de plus de 10 000 hectares (100 km2) qui ont brûlé depuis 1980. Les feux de cette ampleur représentent moins de 1 % des brasiers répertoriés, mais sont responsables de 76 % de la superficie incendiée.

La majorité des feux d’origine humaine (en rouge) brûlent plus au sud du pays – où habite, travaille et voyage la vaste majorité de la population canadienne. C’est surtout au nord que l’on retrouve les feux allumés par la foudre (en orange).

Depuis 1980, les feux de foudre sont responsables de 84 % du territoire incendié. Il faut dire qu’une partie de ces feux surviennent dans des zones isolées où ils ne font pas l’objet d’une suppression active.

En gris, on retrouve les feux pour lesquels les agences responsables ont été incapables d’identifier la cause. Parmi ceux-ci, le gigantesque incendie de 2016 à Fort McMurray (centre du Canada), qui a consumé 590 000 hectares de forêt, soit l’équivalent de 12 fois la superficie de l’île de Montréal.

Variations régionales

Toutes les régions du Canada ne connaissent pas une augmentation similaire du nombre et de l’intensité des feux.

« Dans l’est du pays, l’augmentation est plus limitée et dans certaines régions précises il y a même une petite diminution », dit Chelene Hanes.

Marc-André Parisien explique « qu’il y a cependant des pochettes de grands feux dans l’est du pays, notamment en Jamésie, le secteur québécois bordant Baie-James ». Le chercheur donne en exemple la saison des feux de 2013, où l’incendie d’Eastman a ravagé plus de 350 000 hectares de forêt.

Sur cette carte, où apparaissent chronologiquement les plus grands feux ayant fait rage dans l’est du Canada depuis 1980, on remarque une concentration d’incendies à l’est de la Baie-James. On voit aussi que plusieurs feux apparaissent souvent en même temps lors des saisons de feux les plus dévastatrices. (Cliquez sur la carte pour activer l’animation.)

Les feux de plus de 10 000 hectares depuis 1980 dans l’est du Canada. Données de Ressources naturelles Canada. (Radio-Canada)

C’est plus à l’ouest, particulièrement au nord des provinces des Prairies et dans le sud des Territoires du Nord-Ouest, que l’on voit la majorité de l’augmentation des feux observée par les scientifiques.

Comme on peut le voir sur la carte, le nord de la Saskatchewan est l’endroit où l’on retrouve le plus de feux. (Cliquez sur la carte pour activer l’animation.)

Les feux de plus de 10 000 hectares depuis 1980 dans l’ouest du Canada. Données de Ressources naturelles Canada. (Radio-Canada)

Considérant l’attention que reçoivent les feux en Colombie-Britannique cet été, on pourrait être surpris de voir que le centre et le sud de la province sont relativement épargnés par les immenses feux. Selon M. Parisien, les feux des étés 2017 et 2018 dans la province sont exceptionnels. « Les feux en Colombie-Britannique étaient à la baisse depuis environ 80 ans, il y avait une diminution assez constante », explique-t-il.

Températures plus chaudes, feux importants

Les feux de forêt, explique Mike Flannigan de l’Université de l’Alberta, ont besoin de la coexistence de trois éléments : une source d’allumage, un combustible et une météo favorable à la propagation.

Des changements relativement mineurs dans le climat peuvent avoir d’importantes conséquences sur la naissance, la propagation et l’intensité des feux. Par exemple, des journées chaudes et sèches sont idéales pour les feux.

Selon cet expert, il est clair que les changements climatiques jouent un rôle de plus en plus déterminant dans la grosseur, la fréquence et l’intensité des feux. Par exemple, la saison des feux dans l’Ouest canadien est de plus en plus longue et commence déjà un mois plus tôt qu’auparavant, ce qui augmente la probabilité de feux plus importants.

L’allumage des incendies devient plus facile puisqu’« une température plus élevée veut dire plus de foudre et toutes autres choses étant égales, plus de foudre veut dire plus de feux », explique simplement M. Flannigan.

Le combustible risque aussi de devenir de plus en plus inflammable. « Quand la température augmente, l’évapotranspiration augmente de manière presque exponentielle, donc le combustible devient plus sec. », avertit Mike Flannigan. « Nulle part au Canada nous n’aurons assez de pluie pour compenser cette plus grande sécheresse », prédit-il.

Cette conjonction de facteurs liés aux changements climatiques fait en sorte que les feux de forêt au Canada risquent d’être de plus en plus gros et de plus en plus intenses.

Méthodologie :

Pour cette analyse, nous avons utilisé la base nationale de données sur les feux de forêt du Canada. Sources : Service canadien des forêts. 2011. Base nationale de données sur les feux de forêt du Canada – Données sur les feux des Agences. Ressources naturelles Canada, Service canadien des forêts, Centre de foresterie du Nord, Edmonton, Alberta.

Djavan Habel-Thurton, Radio-Canada

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