Blogue – Pêche commerciale dans l’océan Arctique central : le début d’un temps nouveau?

Au début du mois, neuf États et l’Union européenne ont signé un accord international pour un moratoire dans l’océan Arctique central. (Jonathan Hayward/La Presse canadienne)
Du 2 au 4 octobre dernier, 10 États (Canada, États-Unis, Russie, Danemark, Norvège, Islande, Chine, Japon, Corée du Sud) ou groupements d’États (Union européenne) ont finalement signé un moratoire sur la pêche commerciale dans l’océan Arctique central.

L’entente avait été négociée en novembre dernier et liait les parties dans la suspension de toute activité de pêche commerciale en eaux internationales pour les 16 prochaines années. Ces États s’entendaient aussi pour coopérer afin d’accroître la recherche scientifique et la compréhension de l’écosystème de cette région relativement inconnue.

La nouvelle est rafraîchissante dans un contexte mondial dominé par des disputes et un antagonisme de plus en plus marqué entre les grandes puissances. Plusieurs experts ont clamé, à juste titre, que cet accord représente une belle illustration de l’esprit coopératif qui domine dans la région.

L’inclusion de groupes autochtones dans le processus ayant mené à cette signature est également à souligner. De plus, la durée de l’entente attire l’attention; la suspension de l’activité commerciale pendant 16 ans représente un accomplissement majeur. De surcroît, la zone touchée se trouve en eaux internationales, donc techniquement, ouverte à tous.

Il faut, par contre, mettre en contexte cet accomplissement afin de mieux comprendre le pourquoi derrière cette réussite.

Absence de pêche commerciale
L’épaisse couverture de glace ne permet pas actuellement la pratique de la pêche commerciale dans l’océan Arctique central. (Pascal Rossignol/Reuters)

Cette région est encore en proie à un couvert glacier important, ce qui limite l’exploitation commerciale de toute façon. Il n’est pas possible, ni rentable pour le moment pour des entreprises de développer la pêche commerciale dans cette région.

À l’heure actuelle, nous ne pouvons pas spéculer sur les quantités de poissons se trouvant dans ces eaux. Des études approfondies sur les bancs de poissons présents ou susceptibles de se déplacer dans ces eaux (en raison du réchauffement des eaux plus au sud) auraient été entreprises de toute manière afin de sonder leur potentiel.

Il n’est pas certain, en fait, que cette zone puisse contenir dans le futur des stocks de poissons qui rendraient viable la pêche commerciale de longue distance.

La science déjà ancrée dans l’océan Arctique

Deuxièmement, l’accent mis sur la nécessité d’entreprendre des études scientifiques fait déjà consensus auprès des pays concernés par leur approche face aux régions polaires.

Cette stratégie est donc consistante avec celle de la Chine et de la Corée du Sud, qui investissent déjà depuis plusieurs années des sommes importantes dans des projets scientifiques sur les régions polaires. En fait, la remise en question de l’impératif scientifique par ces pays aurait représenté une rupture brutale avec leurs actions des 20 dernières années. C’est aussi cet aspect qui leur a permis de jouer un rôle et d’avoir une voix dans la gouvernance arctique.

Les communautés autochtones incluses

Finalement, l’inclusion de communautés autochtones dans ces négociations est hautement salutaire; après tout, ces groupes vivent dans cette région et ont su cultiver un savoir traditionnel à propos de cet environnement.

Par contre, les connaissances de l’écosystème de l’océan Arctique central sont presque nulles, le climat étant peu propice aux déplacements humains dans la très grande majorité de cette zone. Cela a pour effet, à tout le moins, de reproduire l’esprit d’inclusion présent dans d’autres forums arctiques (pensons au Conseil de l’Arctique) où les groupes autochtones ont voix au chapitre.

L’importance de la recherche

Une fois l’accord entériné, une nouvelle ère s’ouvrira, loin des feux des projecteurs et des négociations internationales de haut niveau : celle de la recherche scientifique et de l’accumulation des données.

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Le NGCC Amundsen, brise-glace de la Garde côtière canadienne, mène des missions scientifiques dans l’Arctique. (William Bastille Denis/Radio-Canada/Archives)

Moins visible, moins médiatisée, moins accrocheuse, cette période est néanmoins cruciale; le gouvernement du Canada doit s’efforcer de financer la recherche scientifique dans cette région éloignée (donc coûteuse d’un point de vue de financement scientifique) et de mettre sur pied des partenariats avec d’autres pays (pensons à la Corée du Sud) pour accélérer ce processus.

Le présent gouvernement canadien semble prioriser la recherche scientifique et a fait des investissements importants en ce sens; ce dossier représentera un test supplémentaire de sa détermination à soutenir la recherche scientifique.

Mathieu Landriault

Mathieu Landriault enseigne la science politique à l'Université d'Ottawa. Il est chercheur associé au Centre interuniversitaire de recherche sur les relations internationales du Canada et du Québec (CIRRICQ). Ses travaux se concentrent sur des questions de sécurité et souveraineté arctiques ainsi que sur des enjeux touchant la politique étrangère canadienne.

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