Les changements climatiques menacent les routes d’hiver dans le Nord canadien
Pour la majorité des Canadiens, l’arrivée du froid et de la neige est synonyme de précautions à prendre sur les routes. Mais pour ceux qui vivent dans les régions nordiques reculées, c’est le signe qu’ils retrouveront bientôt les routes d’hiver. Or, le réchauffement climatique menace le seul lien terrestre de dizaines de communautés avec le reste du pays.
Chaque hiver, depuis les années 1950, des milliers de kilomètres de routes sont créés dans le nord du pays. Bout à bout, les routes du Nord des provinces du Manitoba et de l’Ontario forment à elles seules un système routier assez long pour relier Montréal (est du Canada) et Vancouver (côte ouest du Canada).
Souvent appelés routes de glace, ces chemins sont normalement créés à partir de la mi-janvier et traversent lacs, rivières et marécages. Ils redeviennent impraticables avec la venue du temps chaud à la fin du mois du mars.
Ce sont des artères vitales pour les communautés du Nord. Pendant les 10 autres mois de l’année, elles n’ont accès qu’au transport par avion. Sans ces routes, le coût pour faire livrer carburant, vivres et matériaux de construction exploserait, puisque le transport par avion est deux à trois fois plus cher que le transport routier.
Menacées par les changements climatiques
La saison des routes de glace diminue. Selon une étude, en 2020, sa durée sera raccourcie de 5 jours par rapport aux moyennes traditionnelles. Elle comptera 14 jours de moins en 2080. Une autre étude prévoit que la saison sera raccourcie de 8 et de 21 jours respectivement en 2020 et en 2080.
Selon le professeur d’économie des transports de l’Université du Manitoba Barry Prentice, on observe de plus en plus de périodes au cours desquelles des hivers cléments rendent ces routes impraticables. Des précipitations hâtives nécessitent aussi des travaux plus importants au moment de leur création.
Pour les communautés qui dépendent de ces routes, la perspective de voir la saison raccourcir de quelques jours suscite de grandes inquiétudes.
Les routes de glace permettent aussi aux habitants de ces Premières Nations de se rendre facilement dans d’autres communautés isolées pour voir des amis et la famille et pour chasser. En plus de leurs conséquences économiques, les changements climatiques pourraient augmenter l’isolement de milliers de Canadiens.
À la recherche de solutions
Au Manitoba seulement, le système de routes d’hiver coûte chaque année 9,5 millions de dollars, et la facture est répartie également entre Ottawa et Winnipeg (capitale du Manitoba). Le gouvernement provincial a par ailleurs augmenté ses dépenses pour modifier le tracé de routes, afin d’éviter qu’elles ne traversent les étendues d’eau plus susceptibles d’être impraticables, explique le directeur de la construction et de l’entretien du ministère de l’Infrastructure du Manitoba, Larry Halayko.
Devant la menace des changements climatiques, que peuvent faire les autorités pour continuer d’offrir aux communautés du Nord un accès à faible prix au reste du pays?
La solution la plus simple, mais aussi la plus coûteuse, serait de transformer les milliers kilomètres de route d’hiver en routes permanentes. Selon Larry Halayko, il faudrait dépenser entre 2 et 3 millions de dollars par kilomètre pour construire de telles routes, soit une facture totale d’environ 6,5 milliards de dollars pour cette seule province.
Le professeur Barry Prentice propose quant à lui une approche totalement différente : l’utilisation de dirigeables. Selon lui, cette technologie était déjà utilisée dans des régions froides il y a 80 ans, et il serait possible d’offrir le transport de biens et de personnes à bas prix tout au long de l’année.
Barry Prentice précise que les dirigeables présentent certains avantages par rapport aux avions. Ils peuvent se déplacer dans le brouillard, ils n’ont pas besoin de longue piste d’atterrissage et ils pourraient être propulsés par un moteur à l’hydrogène ne produisant pas de pollution. Il déplore toutefois le manque de soutien des gouvernements envers son projet.
Ce soutien viendra peut-être lorsque ces artères vitales ne pourront plus soutenir la vie dans le Nord. En attendant, pour des milliers de Canadiens, chaque hiver apporte une lueur d’espoir qui fond toutefois un peu plus avec le temps.