Espoirs et frustrations pour l’industrie pétrolière de l’Arctique canadien
Un mélange d’incertitude, d’impatience, mais aussi d’espoir règne au 19e Symposium sur le gaz et le pétrole dans l’Arctique. Un peu plus d’une centaine de membres de l’industrie et de représentants gouvernementaux se retrouvent à Calgary, dans les Prairies, pour discuter de l’avenir de cette industrie dans l’Arctique canadien.
Les efforts du gouvernement des Territoires du Nord-Ouest, de ses partenaires Inuvialuits (Inuits de l’ouest de l’Arctique canadien) et des Premières Nations pour développer l’industrie dans le territoire sont constamment ralentis par les bas coûts du baril de pétrole, les problèmes de l’industrie ailleurs au Canada et le moratoire sur l’exploration pétrolière et gazière dans les eaux de l’Arctique.
Mais selon le premier ministre des Territoires du Nord-Ouest, Bob McLeod, qui s’est adressé aux membres de l’industrie en ouverture du Symposium, mercredi, les médias, le gouvernement fédéral et les « Canadiens urbains du sud » seraient aussi à blâmer pour le lent développement dans le territoire.
« La vérité compliquée [de la position du gouvernement territorial] n’est pas toujours ce à quoi les Canadiens des régions urbaines et du sud veulent penser quand ils pensent à un nord du Canada intact et peu peuplé, » croit le premier ministre.
Peu après la mise en place du moratoire de Justin Trudeau, en décembre 2016, Bob McLeod avait déclaré l’« alerte rouge » dans le Territoire. Il dénonçait alors une attaque d’Ottawa contre l’avenir du secteur gazier et pétrolier dans le territoire.
Une alerte que le premier ministre a finalement retirée depuis que des avancées ont été faites dans ses relations avec Ottawa. Celles-ci ont pris la forme de l’ouverture de négociations de cogestion et de partage des revenus du pétrole et du gaz dans la mer de Beaufort avec les deux paliers, le Yukon et la Inuvialuit Regional Corporation.
Aujourd’hui, le premier ministre du territoire dit garder espoir que les investisseurs reviendront participer au développement pétrolier et gazier dans l’Arctique canadien.
Le gaz naturel pour le développement
Le maire de Tuktoyaktuk (situé au bord de l’océan Arctique), Merven Gruben, qui possède aussi une entreprise de construction avec des intérêts dans le secteur gazier, espère depuis des dizaines d’années que l’industrie gazière et pétrolière permettra le développement de sa communauté.
« Nos communautés dépendent à peu près à cent pour cent du diesel, s’indigne-t-il. Mais vous savez, nous sommes assis sur des milliards de mètres cubes de gaz naturel que nous pourrions utiliser. »
Il y a un peu plus d’un an, l’ouverture de la route reliant Tuktoyaktuk au reste du réseau routier canadien a relié la communauté au reste du pays. Une ouverture au goût amer selon Merven Gruben puisque la route devait aussi ouvrir la voie vers le forage dans la mer de Beaufort.
« Dernièrement, le Nord a été très calme et je pense qu’il y a trop de réglementations pour que quiconque puisse faire quoi que ce soit », dit-il.
Le maire de Tuktoyaktuk, qui avait développé une bonne relation avec le gouvernement de Stephen Harper, se dit beaucoup plus critique à l’égard du gouvernement libéral, de son moratoire et de son manque d’action en Arctique que le premier ministre McLeod.
Même s’il garde espoir et admet que le ton semble avoir changé, il estime qu’un réel changement viendra avec un changement de gouvernement fédéral en octobre.
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L’intérêt de l’industrie
Selon Paul Barns, le directeur pour la région de l’Arctique à l’Association canadienne des producteurs pétroliers, l’Arctique reste une région intéressante pour les membres de l’industrie, surtout pour le forage extracôtier.
« Cependant, il y a beaucoup d’incertitudes réglementaires quant à la façon de procéder pour le développement, dit-il. En plus, avec le moratoire, les entreprises qui possèdent déjà leurs permis [d’exploration] ne veulent pas les utiliser, car elles savent que si elles trouvent quelque chose elles ne pourront peut-être plus obtenir de nouveaux permis pour poursuivre leur développement. »
Mais il n’y a pas que le moratoire qui limite l’intérêt. Les difficultés causées par le prix du pétrole et le manque de pipelines dans le reste du pays font en sortent que les investisseurs sont moins nombreux partout au pays, y compris en Arctique, selon Paul Barnes.
Pendant ce temps, en Alaska
Alors que le développement pétrolier reste freiné de ce côté de la frontière, des projets de forage côtier et extracôtier se développent du côté de l’Alaska.
Bien qu’il peut être frustrant de voir ce qui pourrait se passer dans le territoire, le premier ministre ténois dit surtout y voir des opportunités de collaboration.
« Je pense que nous avons tous appris que nous ne sommes pas en concurrence les uns avec les autres, dit-il. Je pense que nous devons travailler ensemble pour promouvoir ce type de développement, car nous sommes, tous les deux, dans un environnement où les coûts sont élevés. »
Paul Barnes estime, pour sa part, qu’un succès du côté américain pourrait engendrer plus d’intérêt pour les réserves canadiennes. Mais, pour ça, il faudra que le gouvernement fédéral, à la sortie de son moratoire de 5 ans, présente des réglementations claires sur l’avenir de l’industrie, ajoute-t-il.