La quête d’autosuffisance alimentaire d’une communauté du nord-ouest du Canada

Otto Muehlbach utilise ses connaissances d’ancien horticulteur pour gérer sa ferme. (Anaïs Elboujdaïni/Radio-Canada)
Mus par un désir d’autonomie, certains habitants de Dawson, au Yukon, dans le nord-ouest du Canada, ont décidé de se mettre à l’agriculture. Tel est le cas d’un couple de fermiers qui tentent de faire pousser des légumes toute l’année grâce à un cellier souterrain.

Otto Muehlbach et Connie Hardwerk en avaient assez des légumes défraîchis.

« Nous avons appris à la dure qu’il coûtait très cher de s’alimenter ici, et le goût des légumes ne correspondait en rien aux prix », raconte Otto Muehlbach, encore étonné.

La ferme Kokopellie produit une trentaine de variétés de légumes, de grains et de fines herbes qu’elle revend localement. (Anaïs Elboujdaïni/Radio-Canada)

Il y a neuf ans, Otto Muehlbach et Connie Hardwerk se sont convertis en fermiers. Les propriétaires de la ferme Kokopellie produisent aujourd’hui une trentaine de variétés de légumes et de grains, comme des carottes, de la laitue, du seigle et des concombres.

Brève saison

La ville de Dawson, à la fin du mois de juin, ne connaît presque pas la noirceur. Quand le soleil se couche vers minuit, il se lève déjà quelques heures plus tard, mais sa lueur ne cesse d’éclairer la région. C’est une recette idéale pour faire pousser des légumes, mais les fermiers doivent être rapides et efficaces, puisque la saison ne dure que 100 jours.

« Si je suis ralenti et que je manque une journée de travail, c’est comme si je perdais 1 % de mes profits. »

Otto Muehlbach, fermier
Les fermiers de Kokopellie utilisent des serres pour donner un coup de pouce à certaines de leurs plantes, dont les tomates. (Anaïs Elboujdaïni/Radio-Canada)

L’ex-horticulteur reconverti en fermier travaille ainsi sans relâche pendant la courte saison d’agriculture, avant que le premier gel ne vienne tout bouleverser.

Otto Muehlbach a donc construit une chambre froide souterraine pour faire pousser certaines racines, comme des pommes de terre.

Peu importe le moment de l’année, la chambre froide souterraine de la ferme Kokopellie maintient une température située entre 2 et 4 degrés Celsius. (Anaïs Elboujdaïni/Radio-Canada)

Dans le cellier enfoui à 3 mètres sous terre, quelle que soit la température extérieure – qui peut varier de 30 °C à -40 °C – la température oscille entre 2 et 4 °C.

Aux abords du 60e parallèle, la diversification est la clé, estime l’agriculteur, parce que rien ne garantit qu’une semence poussera. En raison des changements climatiques, il devient également plus difficile de choisir les semences qui s’adapteront au climat.

« Parfois, avoir un peu moins de tout, c’est plus. »

Otto Muehlbach, fermier
Un terreau fertile… pour la recherche
Le recensement de 2016 dénombrait 142 fermes partout au Yukon. Ces agriculteurs reprennent une tradition vieille de 100 ans, puisqu’elle remonte à l’époque de la ruée vers l’or.

C’est ce qui attire des chercheurs allemands de l’Institut Thünen sur les changements climatiques qui viennent étudier les champs de la région, dont ceux d’Otto Muehlbach.

Christopher Poeplau, chercheur et responsable du projet Breaking the Ice, s’intéresse aux sols du Yukon : « Avec les changements climatiques, davantage de gens migreront vers le Nord, et plus de gens se mettront à cultiver. »

Comme la terre contient du carbone, les chercheurs veulent étudier l’impact du travail de la terre, notamment le labour des champs, sur le carbone relâché dans l’atmosphère. Ils veulent aussi étudier l’effet de la fonte du pergélisol sur l’activité des microorganismes qui étaient jusqu’alors capturés dans la glace.

Boucler la boucle

À Dawson City, les visiteurs vont et viennent en cette période touristique. L’an dernier, 110 224 ont passé les portes du centre d’information touristique. Or, après les beaux jours, c’est-à-dire à compter du mois de septembre, la population diminue considérablement, et de nombreux commerces ferment leurs portes pendant la saison lente.

Dawson accueille des touristes, mais durant une courte période. (Radio-Canada)

Le pari de Florian Boulais, propriétaire du café Alchemy, c’était d’ouvrir son commerce toute l’année, « d’avoir une place sans alcool, pour promouvoir [le sentiment de communauté] et la santé ». Le choix d’acheter des aliments locaux, dans la mesure du possible, pour préparer ses plats, s’est imposé au restaurateur.

Florian Boulais est propriétaire du café Alchemy, à Dawson, depuis 2014. (Anaïs Elboujdaïni/Radio-Canada)

Il fait des affaires avec la ferme-école Tr’ondëk Hwëch’in pour s’approvisionner en oeufs et également avec Kokopellie, la ferme d’Otto et Connie, pour obtenir ses légumes.

« [Otto] est vraiment créatif, il nous permet d’avoir des légumes toute l’année », explique-t-il en mentionnant la chambre froide souterraine de Kokopellie, à West Dawson.

L’envie d’encourager une économie locale vient aussi d’un besoin d’indépendance des systèmes d’approvisionnement en nourriture du reste du monde.

Le café Alchemy, contrairement à d’autres commerces de Dawson, est ouvert toute l’année. L’objectif de son propriétaire est d’en faire une sorte de centre communautaire où l’alcool n’est pas au coeur des interactions. (Anaïs Elboujdaïni/Radio-Canada)

« La résilience de nos communautés est vraiment importante, tous nos systèmes sont de plus en plus connectés à des systèmes [d’approvisionnement en nourriture] dans le sud », estime le propriétaire d’Alchemy Café.

« Je pense que nous entrons dans une période de problèmes potentiels qui vont probablement créer des réactions en chaîne dans ces systèmes [alimentaires]. »

Florian Boulais, propriétaire du café Alchemy

Otto Muehlbach est du même avis. Selon lui, une ferme fructueuse réussit à boucler la boucle de production.

« L’objectif, c’est de dépendre de son propre cycle. On crée son engrais grâce à ses poules, on fait du compost et on s’assures d’être le plus autosuffisant possible jusqu’à l’année prochaine. »

Anaïs Elboujdaïni, Radio-Canada

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