Quatre ans plus tard, toujours pas de plan des libéraux pour l’Arctique canadien

Le gouvernement Trudeau a promis d’élaborer un cadre stratégique pour l’Arctique il y a trois ans. (Sean Kilpatrick/La Presse canadienne)
Son mandat est presque terminé, mais le gouvernement libéral de Justin Trudeau n’a toujours pas livré le plan détaillé qu’il avait promis pour le développement du Nord canadien.

Il y a presque trois ans, les libéraux se sont engagés à élaborer un cadre stratégique pour l’Arctique. Ce document, destiné à remplacer les stratégies antérieures conçues par le gouvernement conservateur précédent, devait être rendu public cet été.

CBC News a appris que la politique devait être récemment présentée, mais que l’annonce a été annulée. Il n’est pas clair si elle sera dévoilée avant les élections.

« Il y a tellement de travail à faire, rappelle Madeleine Redfern, mairesse d’Iqaluit, au Nunavut. Pendant des décennies, nous avons pris du retard sur nos voisins arctiques. »

Malgré ce retard, des dirigeants de l’Arctique ainsi que des experts indiquent que les libéraux ont fait d’importants investissements dans la région.

Madeleine Redfern souligne notamment qu’Iqaluit et la région ont bénéficié d’investissements en infrastructure verte et de nouveaux fonds pour lutter contre la tuberculose et l’abus de substances.

Des experts affirment que ces investissements passés – et, dernièrement, les annonces de financement préélectoral – pourraient être minés s’il n’y a pas de plan global pour l’avenir du Nord canadien.

« Nous ne déployons pas nécessairement tous ces investissements de manière aussi stratégique que nous le pourrions et le devrions. »

Madeleine Redfern, mairesse d'Iqaluit
Annulation

John Higginbotham, spécialiste de l’économie et de la gouvernance dans l’Arctique, est plus direct quant à l’absence d’un nouveau cadre : il avance que le dévoilement prévu du document à Yellowknife en août a été annulé.

« Une fois de plus reporté. C’est une blague », raconte ce chercheur au Centre for International Governance Innovation.

Il ajoute du même souffle qu’il accorde des points au gouvernement pour avoir fait progresser la protection de l’environnement et la réconciliation autochtone.

En 2019 seulement, les libéraux se sont excusés des mauvais traitements infligés aux Inuit atteints de tuberculose et ont transformé de vastes régions de l’Arctique en aires marines protégées et en aires de conservation.

Le gouvernement libéral de Justin Trudeau, que l’on voit ici en compagnie de Joe Savikataaq, premier ministre du Nunavut, et de Madeleine Redfern, mairesse d’Iqaluit, se voit reprocher de ne pas avoir publié son cadre stratégique pour l’Arctique. (Sara Frizzell/Radio-Canada)

Le Nord canadien réclame toutefois le leadership du fédéral dans la construction de routes et de ports ainsi que dans la mise en place d’éléments qui favoriseront la circulation commerciale dans le passage du Nord-Ouest, ce qui renforcera notamment la sécurité.

Au lieu de cela, insiste le chercheur, Ottawa a axé son mandat dans l’Arctique sur les questions écosociales.

« Le gouvernement s’intéresse à l’Arctique, dit-il. Mais c’est un programme progressiste qui plaira à de nombreux Canadiens puisqu’ils souhaitent développer le nord le moins possible. »

Avant les élections?

Le cadre stratégique promis pour l’Arctique est encore en cours d’élaboration. Selon le gouvernement fédéral, des chapitres seront rédigés par des organismes de gouvernance territoriaux, provinciaux et autochtones.

« Nous avons parcouru le Nord pour parler directement aux résidents de ce qu’ils veulent inclure dans le cadre stratégique », explique Jane Deeks, porte-parole des Services aux Autochtones Canada.

Contrairement aux conservateurs, dit-elle, les libéraux n’ont pas adopté l’approche « Ottawa sait ce qui est bon pour vous », qui a permis d’« ignorer les besoins quotidiens des habitants du Nord pendant dix ans ».

Mme Deeks n’est pas en mesure de dire si la politique sera publiée avant ou après les élections.

Les partis d’opposition s’en mêlent

Le député conservateur Erin O’Toole qualifie le bilan des libéraux dans l’Arctique d’« échec colossal ». Si le document est publié avant que la Chambre ne soit dissoute, dit-il, il deviendra un document politique et non une vision non partisane.

Porte-parole du Parti conservateur en matière d’affaires étrangères, il est d’avis que le Canada accuse du retard par rapport à ses voisins circumpolaires – les États-Unis, le Danemark et la Russie.

La Chine a récemment publié un livre blanc dans lequel elle expose son projet d’établir une « route de la soie polaire » par le passage du Nord-Ouest.

Un expert de la gouvernance dans l’Arctique a déclaré que le Nord canadien réclame à grands cris le leadership du gouvernement fédéral dans les projets d’infrastructure, comme la construction de routes et de ports. (Gary Morgan/Garde côtière canadienne)

Pour Niki Ashton, députée néo-démocrate du Manitoba, les conservateurs autant que les libéraux n’ont pas répondu aux attentes des habitants du Nord.

« Les défis que nous pose le gouvernement fédéral dans le Nord ne sont certainement pas réglés, dit Mme Ashton. Et ils sont le résultat d’une série de gouvernements conservateurs et libéraux qui nous ont ignorés. »

Jessica Shadian, présidente d’Arctic360, un organisme qui s’efforce de renseigner les institutions financières sur les possibilités dans le Nord, croit pour sa part que la région polaire du Canada n’a pas besoin de partisanerie, mais d’un plan détaillé et multi décennal – ce qu’elle doute que le cadre libéral offre.

Mme Shadian pense qu’un plan qui incitera les investisseurs de Bay Street (Toronto) à voir le nord comme autre chose qu’un pays étranger est nécessaire.

« Je travaille aussi beaucoup avec des institutions financières… Elles n’ont pas d’analyse de rentabilité sous les yeux afin de voir pourquoi ils devraient être partenaires. Parce qu’évidemment, le gouvernement fédéral ne peut pas financer ces projets seul », explique-t-elle.

Madeleine Redfern est d’accord avec elle : une analyse de rentabilité convaincante attirerait les investissements du secteur privé et gagnerait l’adhésion des gouvernements provinciaux, territoriaux, municipaux et autochtones.

Elle souligne aussi qu’un secteur clé du Nord canadien a besoin d’investissements : l’enseignement supérieur. Bien que le Canada se soit engagé à ouvrir la première université canadienne au Yukon, Mme Redfern explique que ce ne sera pas suffisant pour une région qui représente 40 % du territoire du Canada.

« Ce serait comme dire qu’une université à Vancouver est suffisant et que le reste du Canada n’a donc pas besoin d’une autre université », illustre-t-elle.

D’après un reportage de David Thurton de CBC News

Radio-Canada

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