Comment concevoir des infrastructures à l’épreuve des changements climatiques dans le Nord canadien?
Au cours des huit prochaines années, des chercheurs du Collège militaire royal du Canada piloteront un projet de recherche dont l’objectif sera de mesurer l’adaptabilité des infrastructures aux changements climatiques dans l’Arctique canadien.
« L’idée sera de comprendre comment construire des routes qui sont capables de s’adapter ou même de résister aux aléas causés par les changements climatiques », résume la professeure adjointe au Département de génie civil du Collège militaire royal du Canada et responsable du projet de recherche, Ryley Beddoe, en entrevue téléphonique avec Regard sur l’Arctique. L’établissement d’enseignement, qui forme les membres des Forces armées canadiennes, est la seule université fédérale au pays.
D’ici 2027, l’équipe s’intéressera aux géorisques – des risques géologiques naturels – comme l’érosion côtière, les glissements régressifs dus au dégel et les processus thermokarstiques, phénomènes par lesquels la fonte de la glace entraîne des dépressions du sol.
Limiter le dégel du pergélisol
De nombreux chercheurs se sont déjà penchés sur la vulnérabilité des infrastructures nordiques aux changements climatiques, certains l’étudiant d’une perspective socio-économique.
« Notre objectif sera plutôt de proposer des pistes de solution », précise Ryley Beddoe. Regroupées au sein d’une plateforme numérique, leurs conclusions cibleront différents procédés capables d’augmenter la résistance aux changements climatiques des corridors de transport dans le Nord.
Le développement des infrastructures est plus coûteux que dans le sud du pays, notamment en raison du climat rigoureux, de la courte saison de construction et des conditions topographiques ardues. Mais ces infrastructures s’illustrent comme d’importants leviers économiques et touristiques pour les communautés qui en sont touchées.
Ryley Beddoe croit que le gouvernement fédéral devra s’attaquer à la racine du problème – la hausse des températures – pour réduire la multiplication des géorisques à long terme. « Il va falloir protéger le pergélisol, croit-elle. Il existe déjà de nombreux procédés, comme l’utilisation de panneaux isolants de polystyrène rigide ou l’élargissement des voies d’accotement des routes […]. »
À la recherche de sites
À compter de cet automne, et ce, pour les deux prochaines années, l’équipe se rendra aux Territoires du Nord-Ouest pour déterminer le lieu des différents sites de recherche.
L’autoroute Inuvik-Tuktoyaktuk, l’aéroport d’Inuvik et la route Dempster sont les trois sites confirmés pour le moment, selon l’ingénieure, qui n’écarte pas la possibilité de sélectionner aussi des routes d’hiver.
Leur travail de terrain consistera par la suite à recueillir des échantillons des sols et à effectuer de la surveillance en continu, ce qui leur permettra de concevoir des systèmes de modélisation basés sur des prévisions climatiques.
« Un site de recherche idéal serait un lieu accessible à longueur d’année où nous pouvons à la fois suivre son évolution en effectuant de la surveillance en continu, mais aussi mettre certains modèles à l’essai », explique-t-elle.
Même si leurs sites se cantonnent pour le moment aux Territoires du Nord-Ouest, la chercheuse souhaiterait aussi étendre leur périmètre au Yukon et au Nunavut. « Tout dépendra des communautés qui sont ouvertes à ce que nous venions faire nos recherches », indique Ryley Beddoe.
« Nous allons prendre le pouls des communautés pour connaître leurs préoccupations, assure-t-elle. Le savoir des populations locales et leur connaissance de l’environnement sont sans aucun doute les informations les plus précieuses que nous pouvons recueillir. »
Le projet de recherche a reçu une somme d’environ 3,3 millions de dollars, répartie entre les gouvernements fédéral et territorial ainsi que le Collège militaire royal du Canada. La majorité du financement provient du Fonds national des corridors commerciaux, qui finance des projets d’infrastructure un peu partout au pays.