Femmes autochtones canadiennes disparues : le plan d’action national n’est pas prêt

Des croix dans un cimetière de la réserve de Grassy Narrows, dans le nord-ouest de l’Ontario. (Marc Godbout/Radio-Canada)
Dans une semaine, cela fera un an que l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées aura rendu publiques ses conclusions. Si certains souhaitaient qu’Ottawa profite de cet anniversaire pour dévoiler comment il donnera suite aux recommandations de la commission, le gouvernement Trudeau est incapable de dire quand son plan d’action sera prêt.

La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, avait annoncé en décembre que sa stratégie nationale serait dévoilée en juin. Mais en entrevue à Radio-Canada, elle admet que ce ne sera pas possible : « En juin, nous n’aurions pas un rapport de la qualité nécessaire pour réellement faire ce qu’on nous a demandé de faire ».

Ottawa attribue le retard à la pandémie, qui a « changé la manière dont les partenaires s’engagent actuellement dans un plan d’action national ».

Très prudente, la ministre fédérale se garde bien de fixer un nouvel échéancier. « Nous devons suivre la trajectoire de la COVID. Le travail va se poursuivre, nous publierons ce plan dès que nous estimerons qu’il est d’une qualité suffisante pour pouvoir le présenter à tous nos partenaires. »

La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett (Sean Kilpatrick/La Presse Canadienne).

Les conclusions de l’Enquête comptaient de nombreuses recommandations ou « appels à la justice » pour éliminer les violences faites aux femmes autochtones. 231, plus précisément. Les plus urgentes touchent le système judiciaire, la police, les services sociaux et le logement.

Vives réactions

Cette enquête nationale, qui a duré près de trois ans au coût de 92 millions de dollars, avait mené à la publication d’un rapport de 1200 pages. Aujourd’hui, plusieurs organisations expriment de grandes inquiétudes relativement au retard du gouvernement fédéral.

L’Association des femmes autochtones du Canada s’est dite « consternée d’apprendre que le gouvernement du Canada ne publiera pas en juin un plan d’action national ». Elle trouve que la COVID-19 a le dos large.

« Nous ne pensons pas que la pandémie devrait servir de prétexte pour retarder une action urgente. Les femmes autochtones continuent de mourir et de disparaître au Canada. Les familles sont toujours dans l’ignorance de la perte de leurs proches. Il est temps d’agir maintenant. »Association des femmes autochtones du Canada

Femmes autochtones du Québec et sa présidente Viviane Michel considèrent qu’Ottawa « a trop tardé avant d’entreprendre les travaux pour un plan d’action alors que des propositions avaient été faites dès le 11 juin pour établir une feuille de route. Il faut être réaliste, le retard est de plusieurs mois. C’est certain. Que s’est-il passé de juin à aujourd’hui? » demande Mme Michel.

Le plan d’action national que s’est engagé à mettre en œuvre le gouvernement Trudeau est toujours à l’étape des discussions avec les provinces, territoires et autres partenaires.

Difficile de savoir où en est vraiment rendu Ottawa dans ce dossier politiquement délicat. Est-ce que plus de la moitié ou moins de la moitié du travail a été fait jusqu’ici? « J’aurais du mal à donner un chiffre, car nous sommes encore en train de rassembler le type d’informations dont nous aurons besoin pour élaborer un plan », répond la ministre des Relations Couronne-Autochtones.

Fred Fillier tient une photo de sa fille, Hilary Bonnell, tuée en 2009 à l’âge de 16 ans dans la communauté de Burnt Church, au Nouveau-Brunswick. Son corps brûlé a été retrouvé deux mois après sa disparition. (Andrew Vaughan/La Presse Canadienne)
Vulnérabilité et pandémie

Au moins 1200 femmes autochtones ont été assassinées ou sont disparues au Canada, de 1980 à 2012. Il s’agit seulement des cas qui ont officiellement été documentés.

Alors que le nombre de cas de violence au sein des communautés était déjà élevé, la situation a été aggravée par l’arrivée de la COVID-19 au Canada, soutient l’Association des femmes autochtones du Canada. Une consultation menée auprès de plus de 250 femmes a révélé qu’une sur cinq a déclaré avoir été victime de violences physiques ou psychologiques au cours des trois derniers mois.

Ottawa a débloqué des fonds au cours des dernières semaines pour leur venir en aide. « Nous voulons nous assurer que toutes ces ressources sont en place dans les communautés afin que les femmes puissent être en sécurité. »

Ainsi, plus de 10 millions de dollars ont notamment été alloués aux refuges dans les réserves et au Yukon pour soutenir les femmes autochtones et leurs enfants fuyant la violence. D’autres fonds d’aide ont aussi été annoncés pour les femmes et leurs enfants vivant hors réserve.

Mais l’absence d’un plan d’action risque de laisser un goût amer chez de nombreuses femmes qui misaient sur le premier anniversaire du dépôt du rapport pour connaître la feuille de route d’Ottawa plutôt que de recevoir de l’aide à la pièce.

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