Des fibres textiles retrouvées dans les eaux de l’Arctique canadien

Des chercheurs canadiens ont relevé la présence de particules de fibres de coton dans les eaux du Nunavut. (Marie-Laure Josselin/Radio-Canada)

La chercheuse Chelsea Rochman était peu surprise de retrouver des particules de plastique et d’autres résidus d’origine humaine dans des échantillons prélevés au Nunavut. C’est plutôt leur couleur qui a éveillé sa curiosité.

 Certaines de ces particules prélevées n’étaient pas des micropastiques , explique la professeure adjointe au Département d’écologie et de biologie évolutive de l’Université de Toronto, Chelsea Rochman. Ses conclusions sont réunies dans une étude (en anglais) publiée jeudi dans la revue scientifique Facets.

« Il s’agissait de fibres de coton teintes et provenant de vêtements. ».Chelsea Rochman, co-auteure de l’étude
Pour effectuer ses recherches, la scientifique est montée à bord du brise-glace de la Garde côtière canadienne, le NGCC Amundsen, durant l’été de 2017.

Le brise-glace de recherche NGCC Amundsen, à la hauteur de Québec. (Marc Godbout/Radio-Canada)

Elle a notamment prélevé des échantillons d’eau, de neige, de sédiments et de planctons à 36 emplacements différents, tous situés dans un périmètre allant du sud de la baie d’Hudson jusqu’à Alert, dans le nord de l’île d’Ellesmere.

Les analyses ont permis de démontrer la présence de microplastiques, des fragments de plastiques de moins de cinq millimètres, et de résidus d’origine humaine dans 90% des échantillons d’eau et de planctons et dans 85% de ceux de sédiments.

Bien qu’il s’agisse de la première étude de ce type à se concentrer sur l’est de l’Arctique canadien, les résultats sont peu surprenants, selon la chercheuse.

« Plusieurs études ont démontré la présence de microplastiques dans les eaux, la neige, les glaces et les sédiments de l’Arctique. ».Chelsea Rochman
Chelsea Rochman s’intéresse aux microplastiques depuis plusieurs années. Sur cette image, elle tient un échantillon prélevé dans la baie de San Francisco, en Californie, dans le cadre d’une précédente recherche. (Dave MacIntosh/CBC)
Longue distance parcourue

L’étude, affirme-t-elle, soulève plusieurs questions quant à l’origine de ces particules. Comme plusieurs études l’ont déjà suggéré, les huit auteurs de l’étude ont conclu que les particules provenaient de l’air ou de courants marins, ce qui explique qu’elles aient été retrouvées en Arctique.

Ils ont aussi noté que le lieu où avaient été prélevés les échantillons et leur proximité des communautés environnantes n’avaient pas d’incidence sur la concentration de ces particules dans l’eau.

« Il y a très peu de travaux, voire aucun, qui attribuent la provenance de ces [particules] aux communautés arctiques », affirme Chelsea Rochman.

Les chercheurs ont noté que la teneur en microplastiques n’était pas plus élevée lorsque les échantillons étaient prélevés près de communautés. Cette image montre la communauté de Kinngait, sur l’île de Baffin. (Travis Burke/Radio-Canada)

Elle ajoute par ailleurs que la majeure partie de ces particules prenait la forme de fibres minuscules, principalement de coton bleu, ce qui laisse croire qu’elles provenaient probablement de pantalons de denim.

« [Notre analyse] montre la grande présence d’un certain type de colorant, le carmin d’indigo. Il est connu pour être utilisé dans la coloration de pantalons de denim. Il sert parfois à teindre le polyester, mais son utilisation première est destinée au coton. »Chelsea Rochman
Les échantillons ont toutefois montré des teneurs modérées en carmin d’indigo. Les données suggèrent qu’il faudrait, en moyenne, plus de quatre litres d’eau puisés dans l’est de l’Arctique canadien pour trouver une seule particule de fibre de coton bleu.
Tout porte à croire, selon les chercheurs, que les fibres de coton bleu retrouvées dans leurs échantillons provenaient de pantalons de denim. (Spencer Platt/Getty Images)
Impacts méconnus sur les écosystèmes

Chelsea Rochman indique que les effets des microplastiques sur les écosystèmes de l’Arctique demeurent encore méconnus.

Des études antérieures ont trouvé peu de différences entre le taux de dégradation du coton et celui du polyester.Le coton [se dégrade] certainement plus rapidement, mais cela reste modéré , précise Chelsea Rochman.

L’équipe effectue actuellement des tests préliminaires pour déterminer les différences entre le coton et le polyester. « Il y a peu de différences, mais c’est encore au stade préliminaire », résume-t-elle.

Les microplastiques sont les fibres, billes et morceaux de moins de 5 millimètres qui sont utilisés, entre autres, dans les produits de beauté et de nettoyage. (IStock)

L’augmentation progressive des niveaux de microplastiques et d’autres particules dans les eaux arctiques est un facteur de stress supplémentaire sur un écosystème qui est déjà confronté à une panoplie de bouleversements.

« Des travaux suggèrent que les microplastiques peuvent réduire les populations de zooplancton. D’autres encore montrent comment les microplastiques ont un impact sur les organismes [vivant dans les fonds marins] », précise-t-elle.

Or, la chercheuse souligne que peu d’études se sont attardées sur leurs impacts sur la santé humaine.

La présence de microplastiques dans les eaux arctiques est une problématique supplémentaire qui s’ajoute à tous les bouleversements climatiques qui ont cours dans le Nord canadien, affirme la chercheuse. (Mario Tama/Getty Images)
Laver moins fréquemment ses vêtements

En 2019, un rapport (en anglais) de l’association Ocean Wise révélait qu’environ880 tonnes de fibres provenant de vêtements lavés au lave-lingeétaient rejetées chaque année dans des eaux en Amérique du Nord.

L’un des auteurs du rapport, Peter Ross, est professeur adjoint au Département de sciences de l’environnement à l’Université de Victoria, en Colombie-Britannique. Il indique que les matières synthétiques peuvent rester dans l’environnement pendant des centaines, voire des milliers d’années.

Une importante quantité de microplastiques retrouvée dans les océans viennent de fibres textiles. (Louisa Gouliamaki/AFP via Getty Images)

Il affirme que des efforts individuels peuvent contribuer à réduire les quantités de ces particules dans les mers et les océans.

« Nous pouvons moins laver [nos vêtements]. Nous pouvons utiliser moins d’eau. Nous savons que de plus petites quantités de savon et des lave-linge à chargement frontal sont plus doux et entraînent moins de perte de fibres », dit-il.

Avec les informations de La Presse canadienne et CBC
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