Une industrie touristique autochtone à relancer au Canada

Forcées, comme bien d’autres facettes de l’économie, de fermer leurs portes pendant le pire de la crise sanitaire, les entreprises touristiques autochtones relèvent peu à peu la tête. De l’aide gouvernementale sera toutefois nécessaire pour permettre à ce secteur de l’économie de reprendre du poil de la bête.
L’idée est certainement audacieuse : dans le cadre de sa campagne promotionnelle lancée mardi, l’Association touristique autochtone du Canada (ATAC) n’évoque rien de moins que l’évasion parfaite
, avec une série d’itinéraires et de suggestions d’activités à thématique autochtone.
« C’est sûr que les trois ou quatre derniers mois ont été des moments pénibles pour notre industrie », reconnaît Sébastien Desnoyers-Picard, directeur marketing de l’ATAC, avant d’évoquer plus spécifiquement les entrepreneurs de cette branche de l’économie, pour qui la crise sanitaire a amputé une partie de la saison « payante », où ils font le plein de revenus qui serviront à payer les dépenses, une fois l’hiver venu.
« La période difficile, ce sera cet hiver », ajoute-t-il, lorsque les entrepreneurs autochtones devront effectuer de nouvelles dépenses, tout en jonglant avec des revenus sérieusement diminués par la « mise en pause » de l’économie.
De l’aide d’urgence
Selon M. Desnoyers-Picard, d’ailleurs, les sommes promises par Ottawa tardent à arriver.
« Pendant ce temps-là, nos entreprises sont en train de mourir », affirme-t-il.
Ultimement, les entreprises touristiques autochtones auront besoin de 50 millions pour retrouver leur vitalité d’avant la pandémie, mentionne le directeur marketing de l’ATAC. Ottawa est ainsi appelé à délier les cordons de la bourse, tout comme d’autres bailleurs de fonds sont invités à se montrer généreux.
Outre cette aide financière, l’ATAC propose donc une série de forfaits vacances non seulement pour les touristes québécois, mais aussi pour ceux de l’ensemble du pays.
Parmi les activités mises de l’avant, on retrouve des excursions à travers le Québec, mais aussi des visites autochtones dans les grandes villes du pays, de l’observation d’aurores boréales dans les Territoires du Nord-Ouest, ou encore de l’hébergement dans des sites autochtones, qu’il s’agisse d’hôtels ou de sites de camping.
L’ATAC propose également « des expériences d’incursion dans la culture autochtone et de découverte de sites patrimoniaux », ainsi que la cueillette d’ingrédients locaux et la dégustation de plats autochtones, notamment.
Toujours selon M. Desnoyers-Picard, la relance du tourisme autochtone est rendue plus complexe par le fait que chaque province dispose de ses propres normes en matière de déconfinement.
Les entrepreneurs en tourisme autochtone devront par ailleurs vivre avec l’absence des touristes étrangers, qui ne peuvent généralement pas entrer au Canada.
Selon ce dernier, la question de la disponibilité des forfaits et des sites d’hébergement pourrait jouer en faveur du tourisme autochtone.
« On sait que tout ce qui est location de chalets, c’est plein. Même chose pour les campings », précise-t-il.
Les courts séjours dans des entreprises touristiques autochtones auraient ainsi la cote. D’autant plus, indique le directeur du marketing de l’ATAC, que ces sites touristiques sont souvent plus éloignés des grands centres, et échappent donc habituellement au tourisme de masse.
M. Desnoyers-Picard voit aussi cette campagne promotionnelle comme une occasion de favoriser le rapprochement entre Autochtones et non-Autochtones.
« Juste avant la crise de la COVID-19, il y avait aussi les blocages ferroviaires qui nous ont fait mal », explique-t-il, en parlant de la mobilisation des Premières Nations en lien avec la contestation, par certains chefs Wet’suwet’en, de la construction d’un gazoduc sur leur territoire, en Colombie-Britannique.
« Il y en a, des réussites, en tourisme autochtone », ajoute M. Desnoyers-Picard.

Une industrie qui se relève peu à peu
En parallèle de la campagne de l’ATAC, plusieurs sites touristiques autochtones commencent peu à peu à voir la lumière au bout du tunnel.
À Wendake, tout près de Québec, l’Hôtel-Musée Premières Nations accueille de nouveau des visiteurs, au grand plaisir de Colombe Bourque, la directrice générale.
« Pour l’hôtel, cela a été catastrophique sur le plan financier. En l’espace d’un mois, nous avons eu pour environ un million en annulations; on a dû mettre nos employés à pied. Cela a été très, très difficile. »
L’entreprise a d’ailleurs eu à se prévaloir de la Subvention salariale d’urgence, qui permet d’assurer 75% du salaire des employés d’une entreprise.
« Avec cette aide, nous avons décidé de rouvrir en juillet, et de voir comment cela se déroulerait », indique Mme Bourque.
Celle-ci a dû plancher sur plusieurs séries de projections budgétaires, en fonction de la « couleur des verres de ses lunettes ».
Avec l’imposition des normes sanitaires du gouvernement, notamment du côté du restaurant, où la moitié des places assises ont été retirées, c’est « le client résident » de l’hôtel qui a la priorité, souligne Mme Bourque.
Tourisme local chez les Abénakis
Son de cloche similaire du côté du Musée des Abénakis, à Odanak, non loin de Sorel-Tracy. Julie-Anne Tremblay, la nouvelle directrice générale – elle est entrée en poste au mois de mai – mentionne au bout du fil que le musée a réussi à rouvrir ses portes à la mi-juillet.
« Le processus a consisté à préparer un plan de prévention pour les employés, mais aussi pour les visiteurs. »
Mme Tremblay se dit par ailleurs « agréablement surprise » du nombre de visiteurs qui se sont présentés au musée depuis sa réouverture, « puisque c’est essentiellement du tourisme local. »
Au total, le musée peut accueillir 20 visiteurs à la fois, soit 4 personnes dans chacune des salles d’exposition. L’institution est aussi désinfectée tous les matins, en plus d’un nettoyage supplémentaire en début d’après-midi.
« Les mesures fonctionnent assez bien; ça nous demande des ajustements, mais pas trop », précise encore Mme Tremblay, avant d’indiquer que le musée s’appuie sur les consignes du ministère de la Culture.
« Pour ne pas complexifier la chose, pour les gens qui travaillent ici, on garde le même plan de match jusqu’au mois de septembre. »