Surveillance de l’eau suspendue aux Territoires du Nord-Ouest : une « omission grave », disent des experts
Le réseau de surveillance de la qualité de l’eau est suspendu dans les Territoires du Nord-Ouest depuis le début de la pandémie. Des experts affirment que cette collecte de données est pourtant cruciale, même en temps de pandémie.
La qualité de l’eau dans les Territoires du Nord-Ouest relève de la province de l’Alberta et du gouvernement fédéral.
Or, selon CBC, plusieurs programmes visant à sonner l’alarme en amont, en cas de problème, ont été annulés durant la pandémie de la COVID-19.
À la mi-juillet, La Presse canadienne révélait que la décision de la Régie de l’énergie de l’Alberta de suspendre plusieurs exigences de surveillance environnementale pour les entreprises qui exploitent les sables bitumineux contrevenait à une entente-cadre gouvernementale signée en 1997.
L’entente-cadre sur les eaux transfrontalières du bassin du Mackenzie oblige les gouvernements du Canada, de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, de la Saskatchewan, du Yukon et des Territoires du Nord-Ouest à travailler en étroite collaboration pour défendre le maintien de l’intégrité écologique du bassin hydrographique du fleuve Mackenzie
.
Parallèlement, selon CBC, des stations de surveillance de la qualité de l’eau gérées par Ottawa ont également cessé leurs activités.
Selon lui, le gouvernement fédéral a également des obligations envers les communautés autochtones en vertu d’ententes territoriales.
Le chef de la Première Nation de Smith’s Landing, Gerry Cheezie, dénonce l‘absence de consultations des communautés autochtones dans ce dossier.
Il se dit également préoccupé à la suite de l’adoption de la Loi sur la défense des infrastructures par le gouvernement albertain, qui permet d’imposer des pénalités sévères à toute personne bloquant de façon délibérée des infrastructures vitales
, comme les voies ferrées et les routes.
Gerry Cheezie somme les entreprises des sables bitumineux, Ottawa et le gouvernement de l’Alberta d’assurer de façon assidue la surveillance de la qualité de l’eau.
Qui vérifie quoi?
Le ministère de l’Environnement des Territoires du Nord-Ouest dit avoir demandé aux gouvernements fédéral et albertain de rétablir dès que possible les exigences de surveillance environnementale pour les entreprises qui exploitent les sables bitumineux.
Les Relevés hydrologiques du Canada constituent l’autorité nationale responsable de la collecte, de l’interprétation et de la diffusion de données et de renseignements sur les ressources en eau au Canada. Lors de l’éclosion de la pandémie, cette entité a été déclarée comme service essentiel.
La surveillance de la qualité de l’eau est toutefois une responsabilité d’Environnement Canada, qui n’a pas été déclaré comme service essentiel, selon CBC.
Dans un courriel envoyé à CBC, le ministère canadien de l’Environnement et du Changement climatique explique avoir suspendu tout programme non essentiel pour protéger la santé de ses travailleurs. Le Ministère assure qu’un programme adapté de la surveillance de l’eau sera remis en place dès que ses plans de sécurité pour le retour au travail des employés seront approuvés par Ottawa.
Ottawa affirme de son côté qu’une vérification de l’historique des données sera effectuée pour tenter de comparer les effets liés à une période similaire de la montée des eaux, afin de compenser les lacunes dans la collecte de données.
Selon John Pomeroy, président de la Chaire de recherche du Canada et directeur du programme Global Water Futures de l’Université de la Saskatchewan, lorsque la montée des eaux est plus élevée que la normale, la qualité de l’eau ne peut être que partiellement mesurée. Selon lui, une telle situation peut avoir un impact significatif sur l’écosystème et la toxicité de l’eau ainsi que, ultimement, sur la santé des poissons.
Le professeur estime que le gouvernement fédéral devrait accroître son rôle dans la surveillance de l’eau et financer davantage la mise en place de l’Entente-cadre sur les eaux transfrontalières du bassin du Mackenzie.
John Pomeroy convient toutefois que les chercheurs peuvent avoir été ralentis dans leurs travaux, en raison des risques de transmission de la COVID-19 dans les communautés n’ayant pas les infrastructures pour répondre à une éclosion du virus.
Il estime cependant qu’une agence fédérale de l’eau (Canada Water Agency) permettrait de travailler de concert avec les gouvernements canadiens, les communautés autochtones et les scientifiques pour oeuvrer principalement à la surveillance de la qualité de l’eau.
Selon lui, les communautés autochtones pourraient ainsi continuer à récolter des données, même en situation de pandémie.
Le problème que nous avons, avec la COVID-19, lorsqu’une juridiction décide de suspendre des vérifications environnementales, serait résolu si nous renforcions les pouvoirs du Conseil du bassin du Mackenzie
, soutient-il.
Ce type d’entente devrait avoir des pouvoirs plus étendus pour ne pas être assujettie à une annulation discrétionnaire de la surveillance de la qualité de l’eau
, conclut-il.
D’après un texte d’Avery Zingel, CBC News