Le pergélisol du Yukon et de l’Alaska à risque après un été pluvieux

La fonte du pergélisol peut causer des glissements de terrain comme ce site dans la vallée Ibex près de Whitehorse. (Fabrice Calmels)
Des chercheurs de l’Alaska et du Yukon portent une attention toute particulière à l’impact de la pluie sur la fonte du pergélisol après la publication d’une étude qui révèle l’ampleur possible des dommages.

L’étude menée par le scientifique environnemental Thomas Douglas du Laboratoire d’ingénierie et de recherche en climat froid de l’armée américaine à Fairbanks, en Alaska, publiée dans leClimate and Atmospheric Science Journalmontre que la fonte du pergélisol peut se calculer directement en fonction du montant de précipitations.

Échelonnée sur cinq ans avec deux étés de précipitations record, l’équipe du chercheur a constaté jusqu’à un centimètre de fonte par centimètre de précipitations dans les zones humides et perturbées, les secteurs les plus vulnérables, et une moyenne dans l’ensemble de 0.7 à 0.1 cm.

L’étude alaskienne précise que les mesures ont été prises au mois d’octobre, mais que les sites ont été visités tous les mois pendant l’été. (Thomas Douglas)

« Les calculs présentés dans cette étude sont à peu près tout ce qu’il y a de plus simple, explique M. Douglas. Vous enfoncez une tige métallique dans le sol jusqu’à l’affaissement et vous mesurez la profondeur ce qui vous donne l’épaisseur de la fonte au cours de l’été. »

Après une décennie de ces mesures, le chercheur a décelé une tendance : « Les deux étés particulièrement pluvieux correspondaient aux mesures les plus profondes jamais enregistrées », indiquant ainsi la fonte la plus importante.

Autre facteur d’observation

Thomas Douglas croit que cette étude met en lumière un facteur d’observation auquel on n’accorde, à tort, pas assez d’importance.

« La plupart des gens ne sont préoccupés que par les températures et le réchauffement à la surface. [Cependant,] c’est un processus qui prend du temps, jusqu’à 50 ou 100 ans pour des résultats de modélisation. »

« La pluie contient une masse thermique, l’eau, qui s’infiltre dans le sol et apporte ses températures […] Plus on apporte d’eau, plus il y a cette masse thermique […] qui propulse la fonte. C’est un aspect, je crois, qu’on n’avait pas regardé et modélisé avant. »Thomas Douglas, laboratoire d’ingénierie et de recherche en climat froid de l’armée américaine à Fairbanks, en Alaska
Observations sur le terrain

Bien que cette nouvelle étude ait été menée en Alaska, l’expert en pergélisol Fabrice Calmels de l’Université du Yukon affirme avoir également observé ce phénomène.

« Quand on a commencé à travailler sur la Dempster en 2016, c’était une année qui avait été particulièrement humide […] On a commencé à observer qu’il y avait beaucoup plus de glissement sur les collines de certains de nos sites […] on pensait clairement que c’était dû au fait que l’été précédant, les précipitations avaient été assez nombreuses. »Fabrice Calmels, chercheur, Université du Yukon

S’il est difficile de surveiller l’impact des précipitations sur le pergélisol au Yukon comme l’ont fait les chercheurs en Alaska, c’est que les stations météorologiques sont peu nombreuses.

Le spécialiste de l’Université du Yukon, Fabrice Calmels, étudie notamment la fonte du pergélisol le long de la route Dempster qui se rend jusqu’aux Territoires du Nord-Ouest. (Fabrice Calmels)

« On travaille dans des zones assez éloignées avec pas une bonne couverture de stations météo et ce qui rend parfois les choses plus difficiles », explique Fabrice Calmels.

Il affirme que de nouvelles stations équipées pour l’enregistrement des précipitations ont été récemment installées le long de la route nordique réputée pour ses conditions précaires en raison de la fonte du pergélisol.

La route Dempster au nord de Dawson au Yukon est particulièrement endommagée par la fonte du pergélisol. (Philippe Morin/Radio-Canada)
Impact de l’été 2020

Difficile de savoir quel impact aura le présent été sur la fonte du pergélisol.

« Si vous regardez la semaine dernière, par exemple, nous avons eu des précipitations assez marquées là pour deux jours et on a remarqué des accélérations de glissement de terrain sur un de nos sites. Il n’est donc pas rare qu’après des journées de précipitations, quelques petits glissements de terrain se déclenchent où le sol bouge un peu plus. »Fabrice Calmels

De son côté, Thomas Douglas croit que le seul moyen de contrer le phénomène en revient à mère Nature.

« Nous avons vraiment besoin d’un été très sec. Il serait ainsi intéressant de voir si un été sec permet de réduire la fonte et ainsi mieux préserver voire grossir le pergélisol, mais je ne crois pas qu’un seul été sera suffisant », conclut l’Alaskien.

Claudiane Samson, Radio-Canada

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