L’océan Arctique a longtemps été recouvert de glace et formé d’eau douce

Une étude parue mercredi dans la revue scientifique Nature conclut que l’océan Arctique a traversé au moins deux épisodes au cours des 150 000 dernières années où il était uniquement composé d’eau douce, en plus d’être recouvert d’une épaisse couche de glace. (Rüdiger Stein/Institut Alfred Wegener de recherche marine et polaire)
L’océan Arctique a longtemps été uniquement composé d’eau douce, en plus d’être recouvert d’une épaisse couche de glace, conclut une étude qui, selon ses auteurs, pourrait mettre en lumière des oscillations climatiques rapides qui étaient encore aujourd’hui inexpliquées.

« Nous avons confirmé pour la première fois [en étudiant] les fonds marins que de l’eau douce avait déjà été présente dans l’océan Arctique sous la forme gelée ou liquide », affirme Walter Geibert, un géochimiste à l’Institut Alfred Wegener de recherche marine et polaire, en Allemagne, et premier auteur de l’étude.

Ses observations sont réunies dans une étude menée avec quatre autres chercheurs de l’Institut et du Centre des sciences de l’environnement marin de l’université de Brême (MARUM).

L’analyse, parue mercredi dans la revue scientifique Nature, conclut que l’océan Arctique a traversé au moins deux épisodes au cours des 150 000 dernières années durant lesquelles sa composition ne présentait aucune trace d’eau salée.

« C’était vraiment une surprise. D’un point géoscientifique, il était assez extrême de dire qu’une quantité aussi énorme d’eau douce avait pu passer sous le radar. »Walter Geibert, géochimiste et premier auteur de l’étude

Les scientifiques estiment que ces épisodes ont eu lieu une première fois de 130 000 à 150 000 ans, puis à une deuxième reprise il y a de cela 60 000 à 70 000 ans.

Walter Geibert, géochimiste à l’Institut Alfred Wegener de recherche marine et polaire. (Rüdiger Stein/Institut Alfred Wegener de recherche marine et polaire)

Durant ces périodes, une couche de glace de plus de 900 m recouvrait différentes régions de l’Arctique, dont le Groenland et une partie du littoral de la mer de Béring. La région qui équivaut à l’emplacement actuel du Canada était quant à elle enfouie sous deux couches de glace.

En Europe, une autre couche de glace s’étendait sur plus de 5000 km allant de l’Écosse actuelle à la mer de Kara, au nord de la Russie, en passant par les pays scandinaves.

Pour parvenir à ces conclusions, les scientifiques ont analysé la composition de plusieurs centaines d’échantillons de 10 sédiments différents prélevés dans les fonds marins arctiques pendant trois ans.

Or, l’absence d’isotopes de thorium-230, un élément chimique présent dans les milieux contenant de l’eau salée, a mis la puce à l’oreille des scientifiques.

« Le thorium se trouve dans tous les endroits qui contiennent de l’eau salée, indique le géochimiste. Mais plusieurs de nos sédiments ne contenaient pas de trace de sel. »

Les chercheurs ont analysé les sédiments présents dans des échantillons de fonds marin.

Selon l’étude, cette absence d’eau salée s’explique notamment par le fait que le niveau général des mers était d’environ 130 m plus bas qu’il ne l’est aujourd’hui et que les importantes masses de glace présentes durant les périodes glaciaires restreignaient toute circulation océanique.

Walter Geibert explique qu’un phénomène de « barrière de glace » aurait ainsi contribué à empêcher les échanges de masses d’eau avec les océans Atlantique et Pacifique, et donc, à ne pas alimenter l’océan Arctique en eau salée.

Cependant, lorsque ce mécanisme a été rompu, dit-il, d’importantes quantités d’eau salée ont à nouveau pénétré dans l’océan Arctique.

Des échanges d’importantes masses d’eau douce et d’eau salée pourraient expliquer des événements climatiques extrêmes survenus durant la dernière période glaciaire, selon l’étude. (François Gagnon/Radio-Canada)

Il croit d’ailleurs que ce phénomène pourrait expliquer des fluctuations climatiques importantes qui ont eu lieu durant la dernière période glaciaire, telle qu’une hausse des températures de 8 à 10 degrés Celsius au Groenland en seulement quelques années.

« Ce type de mécanismes étaient mal compris jusqu’à aujourd’hui, affirme Walter Geibert. Nous avons désormais une meilleure compréhension de la chronologie. »

Il assure que cette meilleure compréhension du passé aidera à mieux prévoir les changements climatiques à venir, dont ceux qui sont attribuables à la vie humaine.

Matisse Harvey, Radio-Canada

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