La police fédérale du Canada revoit son approche auprès des femmes inuit

Iqaluit, la capitale du Nunavut. (Jonathan Hayward/La Presse canadienne)
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a signé, le 27 janvier, une entente avec l’association des femmes inuit du Canada Pauktuutit. Dans la foulée, la GRC accepte toutes les recommandations de l’organisme pour réconcilier les relations entre les Inuites et la police.

Qualifiée d’historique par les deux parties, l’entente Pinasuqatigiinniq (collaborer au bien commun) met d’abord en place un protocole de communication entre les dirigeants de Pauktuutit et ceux des divisions de la GRC en poste aux Territoires du Nord-Ouest, le Nunavut et le Nunatsiavut, ainsi qu’un plan de travail.

« Ça va seulement améliorer les choses d’avoir une GRC culturellement compétente et sensible aux traumatismes. »Gerri Sharpe, vice-présidente Pauktuutit

« C’est une transformation culturelle dans la politique [de la GRC], analyse la vice-présidente de Pauktuutit, Gerri Sharpe. Et nous la traitons comme “un acompte” sur ce que nous souhaitons voir dans le plan d’action inuit sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. C’est un pas dans la bonne direction. »

Pour Mme Sharpe, basée aux Territoires du Nord-Ouest, l’entente est la façon de « passer à travers le racisme systémique que les femmes et les filles inuit ont rapporté en ce qui a trait à leurs contacts avec la police ».

« Ça va seulement améliorer les choses d’avoir une GRC culturellement compétente et sensible aux traumatismes. »Gerri Sharpe, vice-présidente Pauktuutit

D’après Mme Sharpe, les quelque 30 % d’Inuit qui vivent hors de l’aire inuit (le Nunangat) bénéficieront également de l’entente.

La GRC travaille actuellement avec l’Association des femmes autochtones du Canada pour créer une entente similaire.

Des leaders autochtones soutiennent que les relations sont brisées entre la Gendarmerie royale du Canada (GRC) et les Autochtones. (Guy Leblanc/Radio-Canada)
Recommandations

Les 15 recommandations de Pauktuutit ont été formulées dans un rapport paru en janvier 2020, Contrer la violence fondée sur le sexe à l’égard des femmes inuit : un examen des politiques et des pratiques policières dans le Nunangat inuit. Elles visent à favoriser une meilleure compréhension de l’histoire et de la culture inuit et à mettre fin aux pratiques policières abusives.

Il faut rappeler qu’en juin 2020, la commissaire de la GRC, Brenda Lucki, admettait publiquement la présence de racisme systémique au sein de la GRC.

« C’est une transformation culturelle. Et nous la traitons comme un acompte sur ce que nous souhaitons voir dans le plan d’action inuit sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. »Gerri Sharpe, vice-présidente Pauktuutit

Parmi les recommandations, on note : l’embauche par la GRC d’interprètes et de personnel inuit, la création d’un poste de coordonnateur de la lutte contre la violence familiale au Nunavut et la mise en place d’une formation sur la violence fondée sur le sexe.

Sensibilisation culturelle

Certaines recommandations sont déjà mises en œuvre. Un partenariat de la GRC avec la société Nunavut Tunngavik permet aux Inuit d’acquérir des connaissances permettant d’être éventuellement recrutés par la GRC.

La GRC a introduit une nouvelle formation sur la sensibilisation culturelle et l’humilité. « C’est une formation obligatoire pour tous les agents en place », assure la surintendante Kim Taplin, directrice des Services nationaux de police autochtones et de prévention du crime.

La GRC recrute déjà davantage de femmes et d’agents inuits, ajoute Mme Sharpe. Selon elle, plusieurs Inuit aspirent dans l’immédiat à une approche policière décolonisée, où le savoir inuit est reconnu et qui utilise une « approche holistique basée sur les relations ».

Les leaders autochtones du pays demandent depuis longtemps l’utilisation renforcée des caméras corporelles. (Jonathan Hayward/La Presse canadienne)
Des affectations prolongées

De manière plus pragmatique, une des priorités de Pauktuutit est la prolongation de l’affectation des agents dans le Nord, au-delà du contrat de deux ans actuellement en place. On souhaite profiter de la confiance établie avec la collectivité et la connaissance de la culture inuit acquise par les agents.

« Après deux ans, ils ont une chance de faire un autre trois ans, mais la plupart du temps, ils sont là pour deux ans. Aussitôt qu’ils connaissent la collectivité, ils déménagent. Ce n’est pas juste au Nunavut ; c’est aussi comme ça aux Territoires du Nord-Ouest. »Gerri Sharpe, vice-présidente Pauktuutit

Selon la vice-présidente, c’est un objectif difficile à atteindre, mais réalisable. Elle croit qu’une meilleure formation sur la culture inuit, qui passe aussi par l’embauche de civils inuit, aidera à l’intégration et à la rétention des agents.

Kim Taplin souligne quant à elle que ce cycle de deux ans au Nunavut est un minimum, et non un maximum. « Ce n’est pas inhabituel pour les membres de demander une extension de leur séjour dans la collectivité, note-t-elle. Et quand la collectivité est d’accord, ce type de demande est souvent accepté. »

Selon les données présentées par la GRC, seulement 10 % des agents en poste au Nunavut demandent d’y être réaffectés.

Le Nunavik est la seule partie du Nunangat qui échappe à l’entente, puisque la population y est desservie par le Corps de police régional Kativik. Dans le rapport de Pauktuutit, le chef de police de Kativik affirme que les changements fréquents de personnel sont un problème majeur et que les ressources pour le contrer sont insuffisantes.

Caméras corporelles

Autre initiative en développement : le port de caméras corporelles par les agents de la GRC. Un projet pilote, commencé en novembre 2020 à Iqaluit, s’est terminé récemment. Le projet est destiné à être étendu à tout le Nunangat s’il est plébiscité lors des consultations qui doivent se tenir cette année. « La perspective et les expériences des Inuit sont critiques pour faire que ce soit correct », assure Gerri Sharpe.

La surintendante Taplin souligne que le questionnaire qui sera présenté lors de ces consultations est en cours d’élaboration. L’intention étant de mieux comprendre les perspectives des personnes qui seront filmées.

Denis Lord, L'Aquilon

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