Un an après : retour sur l’annulation des Jeux d’hiver de l’Arctique 2020

Le couperet est tombé il y a exactement un an : les jeux d’hiver de l’Arctique qui devaient fêter leurs 50 ans d’existence à Whitehorse sont annulés en raison d’un nouveau virus qui se rapproche des frontières yukonnaises. Ceux qui ont vécu cette journée riche en émotions témoignent.
« Nous étions conscients que les répercussions sur les gens étaient vraiment importantes, que ça soit les athlètes, les bénévoles, les commerces locaux, les gens partout dans l’Arctique », se remémore la Dre Catherine Elliot, médecin hygiéniste en chef adjointe du Yukon.
Celle qui a eu la difficile tâche de recommander l’annulation des Jeux aux autorités revient sur cette journée du 7 mars 2020, restée gravée dans sa mémoire.
Si vous avez oublié son visage, c’est normal. La Dre Elliot est aujourd’hui moins connue que son collègue et médecin hygiéniste en chef du Yukon, le Dr Brendan Hanley. Depuis un an, celui-ci est chargé de communiquer les informations liées à la pandémie de COVID-19 et il est désormais bien connu des Yukonnais.
Mais au début mars 2020, c’est la Dre Catherine Elliot qui se retrouve sous les projecteurs. Le Dr Hanley étant en vacances elle assure l’intérim comme médecin-chef de la santé publique au moment de la prise de décision sur la tenue des Jeux.

Elle se rappelle qu’à l’époque, le public avait peu d’informations sur la COVID-19 et que la maladie n’était pas très présente au Canada. Pourtant, elle a senti que le moment était important. « J’avais le sentiment que c’était vraiment le début de quelque chose de gros et que j’étais la personne qui devait commencer cette conversation », raconte-t-elle.
La Dre Elliot tient tout de même à préciser qu’elle n’a pas pris la décision d’annuler les Jeux, mais qu’elle en a fait la recommandation, à la lumière des informations qu’elle détenait à ce moment précis.

Protéger les communautés
Si le choix était difficile, il était aussi nécessaire pour protéger les participants et leurs familles. « S’il y avait la moindre chance que quelqu’un attrape le coronavirus et qu’il le ramène chez lui dans les petits villages de l’Arctique… Ça n’est pas quelque chose que l’on veut », avance-t-elle.
Elle se rappelle de l’émotion dans la salle, lors de l’annonce de l’annulation. Mais plus encore, elle se souvient des heures qui ont précédé cette annonce, du poids que cela a été de devoir garder l’information pour elle.
Cette décision a eu l’effet d’une onde de choc dans tout le cercle polaire, et notamment à plus de 3000 km de là, à Iqaluit, au Nunavut. Martine Dupont, entraîneuse de l’équipe de patinage de vitesse d’Iqaluit se rappelle avoir dû annoncer la nouvelle à ses jeunes athlètes.
Elle avoue s’être inquiétée pour ces derniers. « C’est sûr que ça a été un coup dur, on a gardé un œil sur notre petite gang régulièrement pour être sûr qu’il n’y avait personne qui tombait dans le négativisme », se souvient-elle.
Le patineur de vitesse, William Pothier, âgé aujourd’hui de 14 ans, devait prendre part à ses deuxièmes Jeux, ayant déjà participé en 2018. « Moi et mon équipe on avait tellement travaillé fort pour le relais, on s’était tellement améliorés durant la dernière année qu’on avait de bonnes chances de gagner… C’était triste », explique-t-il aujourd’hui.
L’annonce ne l’a cependant pas empêché de continuer à s’entraîner et de s’adapter puisque dans les jours qui ont suivi la patinoire a été fermée. Tous les jeunes athlètes n’ont cependant pas pu garder une telle motivation.

Martine Dupont ne cache pas que quatre jeunes ont décidé d’accrocher leurs patins après la levée des restrictions au territoire. Elle cite notamment le cas d’une jeune fille dont les Jeux de 2020 devaient être les derniers, qui s’est fait « voler » la chance d’y participer à cause de la pandémie.
Pour elle, ces Jeux sont souvent l’opportunité inespérée pour de nombreux athlètes du nord de pouvoir voyager, puisqu’en fonction des communautés les voyages coûtent très cher le reste du temps. Et puis, c’est aussi un événement rassembleur pour les jeunes, un moment qui leur permet d’en apprendre plus sur d’autres cultures.
Une décision comprise
Malgré la déception, elle affirme que tous ont compris la décision et qu’aujourd’hui encore, ils se sentent très chanceux de pouvoir continuer à s’entraîner alors que pour leurs homologues d’autres pays, cela n’est pas le cas.
Aux Territoires du Nord-Ouest aussi les émotions sont encore vives un an après l’annulation. L’année a été pleine de défis, selon l’entraîneur de l’équipe de biathlon Chuck Lirette. « Les jeunes se sont entraînés, entraînés, et entraînés et ils n’ont pas vraiment eu l’opportunité de montrer toute l’étendue de leurs compétences ni de se mesurer aux autres », explique-t-il.
L’espoir renaît néanmoins grâce à une compétition qui doit avoir lieu cette fin de semaine : la première de la saison, qui en compte habituellement jusqu’à cinq.

Mercredi, nouveau coup dur : le comité international des Jeux d’hiver de l’Arctique annonce que les Jeux de 2022, prévus à Wood Buffalo en Alberta, sont repoussés à une date inconnue.
Chuck Lirette reconnaît que l’annonce fait encore mal. D’autant plus que plus les compétitions sont repoussées, plus l’intérêt des jeunes risque de s’estomper.
Le jeune William Pothier prend l’annonce avec maturité : « Je suis un petit peu déçu, mais j’espère qu’ils vont avoir lieu cette fois-ci et qu’ils ne vont pas juste être annulés. »
Un an après l’annulation des Jeux de 2020, la Dre Catherine Elliot pense pour sa part que, malgré les défis, les douze derniers mois auront été riches en enseignements. « Cette année on a appris beaucoup de choses au sujet de la COVID-19, de l’esprit du Yukon et de notre capacité à prendre soin de soi, des autres et à faire nos meilleurs efforts, c’est ça qu’il faut soutenir à l’avenir. »
Avec les informations de Matisse Harvey et Mario De Ciccio