De grandes quantités de mercure découvertes sous la calotte glaciaire au Groenland

La rivière Isortoq, qui transporte les eaux de fonte du glacier Isunnguata Sermia, serpente dans le paysage groenlandais, sculpté par les précédentes périodes glaciaires. Cette seule rivière s’étend sur plus de 120 kilomètres à l’intérieur de la calotte glaciaire et transporte chaque année plus de 7 kilomètres cubes d’eau de fonte vers les océans. (Jon Hawkings)
La pollution causée par le mercure et ses conséquences catastrophiques pour les écosystèmes du Grand Nord est aujourd’hui une des préoccupations majeures pour les scientifiques de la planète. Des chercheurs du Centre de recherche allemand de Potsdam et de l’Université de Floride aux États-Unis ont découvert que les eaux de fonte du sud-ouest du Groenland transportent des quantités considérables de cette substance hautement toxique dans l’océan Arctique.

Dans une récente étude publiée dans la revue Nature Geoscience, les experts expliquent qu’étant donné l’ampleur du mercure détecté, il serait probablement d’origine géologique. « Le mercure n’est guère utile sur le plan biologique, mais s’avère d’autant plus dangereux sous la forme de divers composés chimiques, indique le document. Il s’accumule dans la chaîne alimentaire et devient un danger pour l’homme par la consommation de poissons et de fruits de mer. »

Les chercheurs estiment que les impacts environnementaux et sanitaires de la pollution par le mercure sont évalués à plus de 6 milliards de dollars par an. Même si la production d’énergie fossile, l’industrie et l’exploitation minière sont en partie responsables de l’apparition du mercure, il existe également des causes naturelles telles que les éruptions volcaniques, les incendies et l’altération des roches, précise l’étude.

« L’Arctique s’avère être une zone particulièrement problématique à ces deux égards. La teneur en mercure des organismes marins y a augmenté au cours des 150 dernières années. Les particules de poussière et les aérosols pénètrent dans cette région par le biais de l’atmosphère, et les bouleversements climatiques favorisent la présence du mercure dans la région. »Jon Hawkings, auteur principal de l’étude et chercheur au Centre de recherche de Potsdam

Les travaux de l’équipe de recherche internationale menés durant les étés de 2012, 2015 et 2018 apportent de nouvelles données sur la calotte glaciaire du Groenland qui couvre environ un quart de la masse terrestre de l’Arctique. Après l’analyse des échantillons d’eau prélevés sur place, les experts ont été surpris par des niveaux de mercure extrêmement élevés, comparables à ceux des rivières de la Chine industrielle.

« Le niveau de mercure dissous dans les rivières est d’environ 1 à 10 nanogrammes par litre. Cela équivaut à une quantité de mercure de la taille d’un grain de sel dans l’eau d’une piscine olympique », explique Jon Hawkings. Il soutient que dans les rivières d’eau de fonte des glaciers du Groenland, son équipe a trouvé des niveaux de particules de mercure beaucoup plus élevés, soit plus de 150 nanogrammes par litre.

Selon les dernières estimations, près de 57 millions de litres de mercure seraient contenus dans le pergélisol de tout l’Arctique circumpolaire, réparti au Canada, en Alaska et en Sibérie, et dans le plateau tibétain, en Chine. (Jonathan Nackstrand/Getty Images)

« L’exportation de mercure dissous depuis cette région doit être considérée comme significative au niveau mondial », souligne M. Hawkings. Selon lui, elle atteint jusqu’à 42 tonnes par an, ce qui représente presque 10 % de l’exportation fluviale mondiale estimée de mercure vers les océans. « Cela fait partie des plus fortes concentrations de mercure dissous jamais mesurées dans les eaux naturelles.

Le chercheur ajoute que les niveaux de mercure nocifs pour l’environnement persistent dans les fjords en aval, « ce qui pose un risque d’accumulation dans les réseaux alimentaires côtiers ». Une observation particulièrement alarmante quand on sait que la pêche est la principale industrie du Groenland, grand exportateur de crevettes, de flétan et de morue.

Ismaël Houdassine, Regard sur l'Arctique

Ismaël Houdassine est diplômé en journalisme de l’Université de Montréal. Il commence sa carrière comme reporter et journaliste culturel. Avant de rejoindre l’équipe de Radio-Canada, il a collaboré durant plusieurs années pour plusieurs médias, notamment l’Agence QMI et Le HuffPost.

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