Canada : un système de familles d’accueil pas tellement différent de celui des pensionnats autochtones

Mumilaaq Qaqqaq, députée du Nunavut à Ottawa, rappelle que la colonisation des Autochtones n’est pas terminée. Photo d’archives. (Marc Godbout/Radio-Canada)

À la suite de la découverte tragique des restes d’environ 215 enfants à Kamloops, en Colombie-Britannique, les libéraux sont confrontés à des questions difficiles sur les préjudices continus subis par les enfants autochtones dans le système de protection de l’enfance, un système, selon la députée inuit du Nunavut à Ottawa, qui n’est pas différent des pensionnats.

Mumilaaq Qaqqaq a déclaré qu’elle avait vu beaucoup trop d’amis et d’Inuit sur son territoire se suicider et d’enfants retirés de leur foyer et placés dans le système de protection de l’enfance.

Elle a contesté la vision des choses cette semaine de politiciens décrivant les horreurs infligées aux enfants autochtones par le gouvernement canadien comme des « torts historiques » en parlant de la localisation par la nation Tk’emlups te Secwepemc de ce qui serait les restes de 215 enfants sur les terrains d’un ancien pensionnat de Kamloops.

La cheffe de la Première Nation Tk’emlúps te Secwépemc, Rosanne Casimir, sur le site de l’ancien pensionnat autochtone de Kamloops, en Colombie-Britannique (Darryl Dyck/La Presse canadienne)
La colonisation se poursuit

La colonisation n’est pas terminée, elle a un nouveau nom. Les enfants sont toujours séparés de leurs communautés. Les familles d’accueil sont le nouveau système des pensionnats. L’épidémie de suicide est la nouvelle forme de génocide autochtone, a déclaré Mme Qaqqaq dans un discours émouvant à la Chambre des communes jeudi.

Les pensionnats indiens et le génocide commis contre nous ont évolué vers le système de placement en famille d’accueil et l’épidémie de suicide que nous voyons aujourd’hui, a-t-elle ajouté.

Des chaussures en mémoire des 215 enfants autochtones morts à Kamloops. (Vincent Bonnay/Radio-Canada)

Le premier ministre Justin Trudeau et plusieurs de ses ministres ont reconnu vendredi que les enfants des Premières Nations, des Inuit et des Métis sont en effet toujours enlevés à leurs familles en nombre disproportionné et placés en famille d’accueil. M. Trudeau a parlé d’une réalité inacceptable qui doit cesser.

Le retrait continu d’enfants de leurs communautés pour vivre dans des familles d’accueil, pour aller dans d’autres villes ou villages où ils perdent leur culture, ils perdent leur langue, ils perdent leur identité, doit cesser.Justin Trudeau, premier ministre du Canada

Depuis l’adoption du projet de loi C-92 en 2019 – un projet de loi qui a été créé pour mettre fin à la surreprésentation des enfants autochtones dans les familles d’accueil – Ottawa s’efforce de donner aux communautés autochtones les moyens de garder les enfants et les jeunes dans leurs communautés d’origine, avec les risques que cela peut représenter pour elles, a affirmé M. Trudeau.

Les chaussures d’enfants s’empilent devant la cathédrale Sacré-Cœur de Whitehorse où certains assurent la veille. (Vincent Bonnay/Radio-Canada)

Et pourtant, la législation d’Ottawa sur la protection de l’enfance autochtone n’a pas empêché les enfants des Premières Nations d’être placés en famille d’accueil, a reconnu le ministre des Services aux Autochtones, Marc Miller, le qualifiant de système de garde d’enfants brisé.

Les provinces ont leur rôle à jouer

Tout en reconnaissant le rôle d’Ottawa, MM. Miller et Trudeau ont également souligné les systèmes provinciaux, qui sont en grande partie responsables de l’administration des programmes de services sociaux comme la protection de l’enfance.

Ces systèmes provinciaux sont encore beaucoup trop axés sur l’intervention lorsqu’ils font face à un enfant ou un jeune à risque, a soutenu M. Miller.

Il y a encore des enfants qui sont retirés, pris en charge et qui meurent. Et le système est toujours axé sur l’intervention plutôt que sur la prévention d’une manière qui ne reflète pas les droits inhérents des peuples autochtones, a-t-il dit.

Si c’est quelque chose que les gens pensent qui peut être réglé en peu de temps, ils ne comprennent pas la gravité de la situation. Il faudra la pleine participation des provinces qui gèrent un certain nombre de ces systèmes de garde d’enfants, la transformation de leurs propres lois et la levée, avant tout, des lois autochtones à travers le pays.Marc Miller, ministre fédéral des Services aux Autochtones
Ce chandail a été suspendu à l’extérieur de l’église catholique St. Mary’s au centre-ville de Winnipeg. Comme d’autres Manitobains, Vivian Ketchum voulait ainsi honorer la mémoire des 215 enfants dont les restes ont été localisés, sur le site d’un ancien pensionnat à Kamloops, en Colombie-Britannique. (Travis Golby/Radio-Canada)

La ministre des Relations Couronne-Autochtones, Carolyn Bennett, a également reconnu que le retrait des enfants autochtones de leurs familles et leur placement dans des foyers loin de leurs communautés est une réalité actuelle pour trop de familles autochtones. Cela constitue, selon elle, un danger manifeste pour les enfants.

Les enfants autochtones représentent 52,2 % des enfants placés dans des foyers privés, selon les données du recensement de 2016. Pourtant, les enfants autochtones ne représentent que 7 % des jeunes au Canada.

Il y a plus d’enfants pris en charge maintenant qu’il n’y en avait au plus fort des pensionnats et c’est inacceptable et dangereux.Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones

Nous voulons que cela cesse et nous travaillons très fort avec les nations autonomes ainsi qu’avec les autres nations, a-t-elle affirmé, ajoutant que ces efforts impliquent également de travailler avec les provinces et les territoires.

D’autres mesures de prévention

Ottawa ne fait pas seulement investir et tenter de transformer le système de protection de l’enfance, mais prend également des mesures pour empêcher les enfants de se retrouver dans des situations de crise, ont déclaré les ministres.

Le ministre des Affaires du Nord, Dan Vandal, a souligné que 250 millions de dollars ont été dépensés pour construire quatre écoles dans le nord du Manitoba afin de permettre aux enfants des Premières Nations vivant dans des régions éloignées d’aller à l’école localement, plutôt que d’avoir à quitter leurs communautés.

Les réformes de la justice pénale proposées par les libéraux pour abroger certaines peines minimales obligatoires comme mesure pour mettre fin à l’incarcération excessive des Autochtones visent également à empêcher la séparation des familles, a fait valoir le ministre de la Justice David Lametti.

Ces réformes sont contenues dans le projet de loi C-22, qui est malmené à la Chambre des communes et pourrait ne pas être adopté avant que les députés quittent pour les vacances d’été plus tard ce mois-ci.

Mme Qaqqaq, consciente de toutes ces mesures prises par Ottawa pour répondre aux préoccupations concernant le système de protection de l’enfance, a demandé à Ottawa d’en faire plus.

Je suis ici dans une institution qui essaie d’éliminer mon peuple depuis 70 ans, debout pour dire que le gouvernement fédéral est responsable de la poursuite de la colonisation, a-t-elle déclaré lors de son discours.

Agir est entre les mains de ce gouvernement. Ils peuvent choisir de soutenir les efforts visant à un changement réel, ou ils peuvent se joindre aux gouvernements du passé pour perpétuer la violence contre les peuples autochtones.Mumilaaq Qaqqaq, député du Nunavut à Ottawa
Ligne bilingue de soutien aux survivants des pensionnats autochtones : 1 866 925-4419
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