Des milliers de kilomètres à vélo à travers le Canada pour lutter contre le suicide chez les Inuit
Elle a réussi son pari. Hannah Tooktoo a traversé le Canada à bicyclette afin de sensibiliser la population à la crise des suicides qui sévit dans les communautés inuit du Grand Nord. De la Colombie-Britannique au Québec, la jeune Inuk de 24 ans a sillonné le pays pendant 56 jours afin de plaider sa cause.
Malgré une chaleur étouffante à Montréal, une foule nombreuse attendait Hannah Tooktoo, jeudi, en cette dernière étape de son aventure. C’est en larmes que la cycliste a franchi à vélo les derniers mètres jusqu’au square Cabot. Parmi la foule présente pour l’accueillir figuraient les membres de sa famille, ses proches, mais aussi des admirateurs qui ont suivi son voyage jour après jour.
« Je n’ai pas pu me retenir de pleurer quand j’ai vu tous ces gens m’attendre avec ces larges sourires, a raconté Hannah Tooktoo. C’est incroyable pour moi de voir toutes ces personnes dont plusieurs ont vécu de véritables tragédies familiales et qui continuent de croire que l’on peut changer les choses. »
Émue, la jeune mère née à Kuujjuaq, dans le Nord québécois, a ensuite prononcé un discours poignant dans lequel elle a raconté son histoire personnelle. « Depuis que je suis toute petite, j’ai vu mes amis et leur famille lutter parce qu’ils ne vivent pas dans des logements décents ou qu’ils n’ont pas de la nourriture sur la table. Beaucoup sont tombés dans la drogue ou l’alcool. »
« Ces derniers mois ont été les pires, car nous avons perdu beaucoup de gens, a-t-elle poursuivi. Je crois que tous ces gens auraient pu être sauvés, mais cela demeure encore difficile pour nos communautés d’avoir accès à du soutien ou des services d’aide. »
À la rencontre de la population
Hannah Tooktoo a rappelé que son périple entamé le 11 juin à Victoria se voulait d’abord un « geste d’amour » pour les familles endeuillées. « Nos vies sont importantes, notre santé est importante, et si, par manque de services, on sent que l’on est moins important, eh bien, sachez que non, nous ne sommes pas inutiles. Nous avons de la valeur! »
Une ligne d’écoute pour le mieux-être des Premières Nations et des Inuit existe aussi : 1 855 242-3310.
Pour soutenir financièrement son projet, l’étudiante en arts visuels au Collège Dawson, à Montréal, a fait appel à la plateforme de sociofinancement GoFundMe. Une partie des fonds amassés seront d’ailleurs remis à un ou des organismes de Kuujjuaq qui viennent en aide aux Inuit dans le besoin.
« Le suicide reste un sujet tabou parmi les communautés autochtones qui sont particulièrement touchées au Canada, a-t-elle expliqué. Mais je prenais chaque occasion d’en parler avec les gens que je rencontrais, parce que je pense qu’en parlant ouvertement du suicide, on fait déjà un premier pas. »
Hannah Tooktoo s’est dite ravie de la mobilisation autour de sa cause. Durant son voyage, les réseaux sociaux lui ont également permis de rentrer en contact avec des hommes et des femmes qu’elle ne connaissait pas.
« Certains m’ont raconté ce qu’ils ont vécu, d’autres m’envoyaient des mots d’encouragement. Cela m’a donné beaucoup de force pour continuer à porter le message, car c’était parfois très difficile de pédaler sur autant de kilomètres. Je me sens privilégiée d’avoir fait toutes ses rencontres. »