L’observation des lemmings en Arctique améliore les connaissances sur les petits mammifères
Une étude scientifique ambitieuse a été menée par une équipe de chercheurs canadiens et norvégiens sur les lemmings de l’archipel norvégien du Svalbard. Elle a permis de répondre à un vieux mystère de l’écologie en Arctique, à savoir ce qui détermine les cycles de population bien établis des petits mammifères de la région, notamment les campagnols et les lemmings.
Ces espèces de rongeurs demeurent les mammifères les plus nombreux de l’Arctique. Ils sont à ce titre un des éléments essentiels du réseau alimentaire. Les conclusions de l’étude publiée dans la revue spécialisée Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) démontrent l’importance des prédateurs en tant que principal facteur à l’origine des cycles de procréation dans les populations de lemmings.
« Ce que nous avons au Svalbard est une situation unique où les campagnols et les lemmings n’ont pas de prédateurs spécialisés, ce qui est très différent de leurs congénères habitant dans d’autres parties de l’Arctique », a déclaré Dominique Fauteux, chercheur au Musée canadien de la nature, et auteur principal de l’étude.
Le Musée canadien de la nature situé à Ottawa indique que M. Fauteux étudie l’écologie et les réseaux alimentaires des petits mammifères depuis une dizaine d’années dans l’Arctique canadien. « Nous disposons dorénavant d’un modèle simple et réel dans lequel nous pouvons tester les influences sur leurs populations, lorsque la régulation par les prédateurs est absente », a-t-il précisé.
L’Arctique est peuplé par de nombreux prédateurs, dont les renards arctiques, les hermines et les rapaces. Toutefois, précise l’institution, en raison de la complexité du réseau alimentaire, il est « difficile de déterminer l’importance relative des prédateurs, l’influence ascendante des plantes sur les herbivores et les facteurs non biologiques tels que le temps et le climat ».
Les scientifiques expliquent que la situation « inhabituelle » du Svalbard offre des perspectives uniques. On apprend que le campagnol d’Europe de l’Est (Microtus levis) a probablement été introduit sur l’île du Spitzberg (qui fait partie de l’archipel du Svalbard) par des navires miniers en provenance de Russie, entre les années 1920 et 1960.
« L’île offrait un écosystème isolé, sans prédateurs importants, et des herbes sur lesquelles les campagnols se sont développés », soulignent les chercheurs.
La deuxième partie de l’étude, qui s’est déroulée sur plusieurs décennies dans les années 1990 et 2000, a porté sur l’influence du climat sur les fluctuations de la population. Des travaux antérieurs des chercheurs norvégiens ont montré que la pluie sur la neige pendant les hivers créait des couches de croûte qui empêchaient les campagnols et les rennes du Svalbard d’accéder aux plantes situées sous la neige.
À ce titre, des déclins importants de population ont été observés au cours des hivers où la pluie sur la neige était importante. L’étude révèle toutefois que les déclins de population se produisent également lorsque la densité de campagnols est très élevée à l’automne, ce qui entraîne probablement un surpâturage et une réduction de la survie pendant les longs hivers arctiques.