« Nous avons encore tant à faire avec nos concitoyens canadiens pour la guérison » – La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation célébrée le 30 septembre

Judy Sackaney et son petit-fils Creedence, 10 ans, rendent hommage aux 215 enfants dont les restes ont été retrouvés sur le terrain de l’ancien pensionnat pour Autochtones de Kamloops en Colombie-Britannique. Ottawa, le 5 juin 2021. (Justin Tang/La Presse canadienne)

Le 30 septembre, le Canada célèbre pour la première fois la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation.

Il s’agit d’une étape importante dans l’éducation de la population au vécu des Canadiens autochtones, selon des dirigeants inuit.

« Cette journée qui est donnée aux Autochtones de ce pays est très appréciée, mais elle ne résout pas tous nos problèmes et les bouleversements que les Inuit ont dû traverser parce que quelqu’un d’autre a décidé de venir dans notre partie du monde et de contrôler nos vies », a déclaré Pita Aatami, président de la Société Makivik, l’organisation qui gère les revendications territoriales des Inuit au Québec, lors d’une entrevue téléphonique.

« Nous avons encore tant à faire avec nos concitoyens canadiens pour la guérison. »

La création de la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation faisait partie des recommandations du rapport de la Commission de vérité et réconciliation du Canada publié en 2015.

Rebecca Kudloo, présidente de Pauktuutit, l’organisme national pour femmes inuit du Canada, affirme que le jour férié est une étape importante pour honorer les survivants des pensionnats ainsi qu’une occasion de faire avancer le projet de réconciliation nationale.

« Le chemin de la guérison exige que tous les Canadiens travaillent ensemble et reconnaissent l’histoire de l’injustice contre les Inuit. Ils doivent reconnaître également les réalisations et les contributions de notre peuple », a ajouté Mme Kudloo par courriel.

« Plus qu’un nouveau jour férié au Canada, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation est une occasion d’honorer et de reconnaître le chemin de la réconciliation », a déclaré la présidente de Pauktuutit, Rebecca Kudloo, photographiée ici sur une photo d’archive. (Regard sur l’Arctique)

Cette dernière affirme que la réconciliation n’est pas seulement un projet politique, mais quelque chose auquel les Canadiens non autochtones peuvent contribuer.

« Participer à la Journée des Inuit et à la Journée nationale des peuples autochtones, écouter les histoires et la vision du monde des aînés inuit, se renseigner sur la culture inuit et être prêt à en tirer des leçons, et créer des environnements sûrs pour tous les peuples autochtones sont toutes des choses que les Canadiens non autochtones peuvent faire dans leur vie quotidienne », a-t-elle dit.

L'appel à l'action no 80 du rapport de la Commission de vérité et de réconciliation
80. Nous demandons au gouvernement fédéral d’établir comme jour férié, en collaboration avec les peuples autochtones, une journée nationale de la vérité et de la réconciliation pour honorer les survivants, leurs familles et leurs communautés et s’assurer que la commémoration de l’histoire et des séquelles des pensionnats demeure un élément essentiel du processus de réconciliation.

 – Commission de vérité et réconciliation du Canada : Appels à l’action

En savoir plus sur le statut des femmes inuit aujourd’hui, ainsi que sur l’histoire de l’organisme Pauktuutit, sont également des choses importantes, selon elle, en raison des pressions uniques que la colonisation a exercées sur les femmes.

« Les femmes inuit font partie des populations les plus vulnérables, qui sont non seulement confrontées aux conséquences de la colonisation, mais aussi à d’autres défis comme la violence sexiste et l’inégalité ; par conséquent, le chemin de la réconciliation peut parfois sembler plus difficile pour elle », a déclaré Rebecca Kudloo.

Du pain sur la planche

Pita Aatam affirme que « malgré l’attention croissante portée à la réconciliation au Canada ces dernières années, trop peu de personnes non autochtones sont conscientes que le système des pensionnats n’est pas seulement un héritage du passé, mais quelque chose qui continue d’avoir un impact sur les communautés et les familles autochtones aujourd’hui. »

Pour lui, la Journée nationale de la vérité et de la réconciliation peut contribuer à cette compréhension, mais il est important que le symbolisme de la journée ne remplace pas ce travail acharné encore nécessaire pour l’autonomie et l’autodétermination des Autochtones.

« Nous avons fait du chemin, mais l’état d’esprit de beaucoup de non-Autochtones au Canada est que les Autochtones devraient plaire aux non-Autochtones, au lieu que ce soit [les non-Autochtones] qui essaient de comprendre et de respecter les Autochtones eux-mêmes. Sans cela, il n’y aura pas de guérison.

Mon message lorsque je parle au gouvernement est toujours le même : les Inuit n’en veulent pas plus que leurs concitoyens, nous voulons juste l’équité. »

Honorer les survivants

L’histoire des pensionnats au Canada remonte aux années 1800.

Les enfants inuit et des Premières Nations ont été envoyés dans des écoles financées par le gouvernement fédéral, principalement gérées par l’Église, loin de leurs communautés et de leurs cultures, et souvent contre la volonté de leurs familles.

L’objectif était d’assimiler les enfants à la culture européenne. Les abus physiques et sexuels étaient endémiques dans de nombreux établissements, et de nombreux étudiants ont été battus parce qu’ils parlaient leur langue autochtone.

Plus de 130 de ces établissements étaient situés partout au Canada et on estime que plus de 150 000 enfants inuit, métis et des Premières Nations sont passés par le système des pensionnats.

Des élèves des pensionnats sont vues ici sur une photo d’archive d’une salle de classe à Resolution, dans les Territoires du Nord-Ouest. (Archives nationales du Canada)

Le dernier pensionnat au Canada a été fermé en 1998.

La Commission de vérité et réconciliation a été mise sur pied dans le cadre de la Convention de règlement relative aux pensionnats pour Autochtones. Le règlement d’un recours collectif a été mis en place pour aider les anciens élèves.

La commission a travaillé de 2008 à 2015. Son rapport final comprenait 94 appels à l’action. Le numéro 80 demandait la création d’une Journée nationale de la vérité et de la réconciliation afin d’honorer les survivants et de refléter l’impact du système des pensionnats pour Autochtones sur les communautés, les familles et les sociétés autochtones.

La loi créant le jour férié fédéral a reçu la sanction royale en juin dernier après la découverte en mai de 215 tombes anonymes à Kamloops, en Colombie-Britannique, sur le site d’un ancien pensionnat.

Cela a été suivi par la découverte de centaines d’autres tombes non marquées à travers le Canada, dont 751 en Saskatchewan et 160 dans les îles Gulf au sud de la Colombie-Britannique.

Cette journée est maintenant un jour férié pour les employés fédéraux et les travailleurs des entreprises sous réglementation fédérale.

« C’est triste que le gouvernement du Québec ne veuille pas reconnaître la journée des Autochtones et de la réconciliation », a déclaré Pita Aatami, président de la Société Makivik, à propos de la décision du Québec de ne pas faire du 30 septembre un jour férié provincial. (George Berthe/Trésorier de la Société Makivik)

Cependant, certaines provinces et certains territoires accordent également un jour de congé à leurs employés du secteur public, notamment les Territoires du Nord-Ouest et la Colombie-Britannique.

L’Île-du-Prince-Édouard et la Nouvelle-Écosse ont fait de cette journée un jour férié provincial, tandis que d’autres comme l’Ontario et le Québec ne l’ont pas fait.

Pour Pita Aatami, cette décision est une occasion perdue pour Québec.

« C’est triste que le gouvernement du Québec ne veuille pas souligner le jour des Autochtones et de la réconciliation », a-t-il déclaré, ajoutant qu’il avait écrit au premier ministre du Québec François Legault la semaine dernière pour exprimer ses appréhensions quant à la décision et l’exhorter à la reconsidérer. Il attend toujours une réponse.

« Le Québec devrait faire ce qui s’impose », a ajouté Pita Aatami.

La Journée nationale de la vérité et de la réconciliation coïncide également avec la Journée du chandail orange, créée en 2013 pour mettre en lumière l’héritage des pensionnats pour Autochtones.

La Journée du chandail orange a été lancée par Phyllis Webstad, une survivante des pensionnats de la Première Nation Stswecem’c Xgat’tem en Colombie-Britannique.

La journée tire son nom du moment où Webstad est arrivée pour la première fois au pensionnat et s’est fait retirer sa nouvelle chemise orange.

Le 30 septembre a été choisi parce que c’était le jour où les enfants étaient emmenés dans les pensionnats.

Eilís Quinn, Regard sur l'Arctique

Eilís Quinn est une journaliste primée et responsable du site Regard sur l’Arctique/Eye on the Arctic, une coproduction circumpolaire de Radio Canada International. En plus de nouvelles quotidiennes, Eilís produit des documentaires et des séries multimédias qui lui ont permis de se rendre dans les régions arctiques des huit pays circumpolaires.

Son enquête journalistique «Arctique – Au-delà de la tragédie » sur le meurtre de Robert Adams, un Inuk de 19 ans du Nord du Québec, a remporté la médaille d’argent dans la catégorie “Best Investigative Article or Series” aux Canadian Online Publishing Awards en 2019. Le reportage a aussi reçu une mention honorable pour son excellence dans la couverture de la violence et des traumatismes aux prix Dart 2019 à New York.

Son reportage «Un train pour l’Arctique: Bâtir l'avenir au péril d'une culture?» sur l'impact que pourrait avoir un projet d'infrastructure de plusieurs milliards d'euros sur les communautés autochtones de l'Arctique européen a été finaliste dans la catégorie enquête (médias en ligne) aux prix de l'Association canadienne des journalistes pour l'année 2019.

Son documentaire multimedia «Bridging the Divide» sur le système de santé dans l’Arctique canadien a été finaliste aux prix Webby 2012.

En outre, son travail sur les changements climatiques dans l'Arctique canadien a été présenté à l'émission scientifique «Découverte» de la chaîne française de Radio-Canada, de même qu'au «Téléjournal», l'émission phare de nouvelles de Radio-Canada.

Au cours de sa carrière Eilís a travaillé pour des médias au Canada et aux États-Unis, et comme animatrice pour la série «Best in China» de Discovery/BBC Worldwide.

Twitter : @Arctic_EQ

Courriel : eilis.quinn@radio-canada.ca

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